Enquête internationale pour deux experts occidentaux assassinés au Kasaï, condamnations du bout des lèvres pour 15 casques bleus tanzaniens sauvagement massacrés à Beni. Les vies africaines pèsent peu pour l’organisation mondiale.
Le grand Nord-Kivu s’est rappelé à l’opinion, au milieu de la semaine dernière, comme demeurant un des espaces où se joue l’avenir politique de la République Démocratique du Congo, peut-être beaucoup plus que partout ailleurs sur l’immense territoire de ce pays continent. Des assaillants présumés membres d’une rébellion ougandaise ont attaqué une base de la Monusco située près du pont sur la rivière Semliki et tué 15 casques bleus tanzaniens et au moins 5 militaires Fardc (Forces Armées de la République Démocratique du Congo) au terme d’une attaque considérée comme « la pire attaque contre les forces de maintien de la paix de l’ONU dans l’histoire récente de l’Organisation » selon Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations Unies. Au terme d’âpres affrontements, les terroristes auteurs de l’attaque se sont repliés à une dizaine de kilomètres de là, en direction de Medina, ancien Quartier général de ces rebelles djihadistes. Au moins une cinquantaine de casques bleus ont été blessés lors des affrontements de jeudi dernier. Deux d’entre eux étaient portés disparus jusqu’au moment où Le Maximum mettait sous presse lundi 11 décembre 2017 dans la soirée.
Objectif : Dissuader les contributeurs des troupes
15 casques bleus tanzaniens morts au combat, c’est à la fois un coup dur pour le contingent de la SADC qui constitue l’essentiel de la force d’intervention spéciale mise sur pied à l’initiative d’Etats de la région pour suppléer à l’inefficacité des 20.000 casques bleus présents en RD Congo depuis plusieurs années sans résultats probants. Mais sans doute aussi, un message clair contre les pays contributeurs de ces troupes combattantes connues pour avoir très efficacement aidé les forces loyalistes congolaises mettre en déroute les rebelles du M23 il y a quelques années. En effet, les rebelles islamistes ADF auraient voulu inciter la Tanzanie à retirer ou à ne plus envoyer ses troupes d’élites au front en RD Congo qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement.
De fait, dans un communiqué rendu public dans la nuit de vendredi à samedi dernier, John Magufuli, le Chef de l’Etat tanzanien, s’est déclaré choqué et attristé par la mort de ces membres des forces de défense de son pays en des termes plutôt pathétiques : « Je suis très choqué et très attristé d’apprendre la mort de nos jeunes, de braves soldats et des héros qui ont perdu leur vie dans l’accomplissement de leur mission de paix chez nos voisins de la RDC », a-t-il déploré dans un message à la nation en swahili.
Condamnations
L’assaut contre un campement de soldats de la paix a, naturellement, déclenché plusieurs réactions et condamnations. A commencer par celles du conseil de sécurité et du secrétaire général des Nations-Unies, le Portugais Antonio Guteress, qui l’a qualifié de crime de guerre vendredi dernier. Un peu plus tôt le même jour, Jean-Pierre Lacroix, le secrétaire général adjoint des Nations-Unies chargé des opérations de maintien de la paix s’était déjà dit choqué par une attaque qu’il a qualifié d’odieuse, et avait annoncé des renforts et des évacuations médicales sur son compte Twitter. Tandis que Maman Sidikou Sambo, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU et patron de la mission onusienne en RD Congo publiait un communiqué qui fustige « les attaques contre ceux qui travaillent au service de la paix et de la stabilité en République démocratique du Congo ». « La MONUSCO prendra toutes les mesures nécessaires pour que les coupables soient tenus responsables et traduits en justice », a encore promis ce Nigérien nommé en remplacement de l’Allemand Martin Kobler, à la tête d’une mission présente en RD Congo depuis 1999.
Un communiqué du Département d’Etat américain a condamné lui aussi l’attaque du campement onusien : « Nous exprimons nos plus sincères condoléances aux familles des victimes, au gouvernement tanzanien, au gouvernement de la RDC et à la MONUSCO. Nous souhaitons à ceux qui ont été blessés un rétablissement complet et rapide », lit-on sur ce communiqué qui souligne qu’il est inacceptable que les soldats de la paix soient pris pour des cibles. La diplomatie américaine appelle « le gouvernement de la RDC à enquêter sur cette attaque et à faire en sorte que leurs auteurs soient rapidement traduits en justice ». Rien de plus.
Pas d’enquête internationale
EN RD Congo où cet assaut inédit contre les éléments tanzaniens de la brigade internationale d’intervention révolte particulièrement l’opinion, la litanie des condamnations rituelles n’est pas sans susciter une certaine perplexité. Surtout parmi ceux qui ont encore frais en mémoire le renfort particulier d’appels de la même communauté internationale à la mise sur pied d’une commission d’enquête internationale pour mettre en lumière l’odieux assassinat d’experts onusiens au mois de mars dernier au Kasaï central. Michael Sharp, un sujet américain, et Zaïda Catalan, une suédo-chilienne, avaient trouvé la mort à Moho Musuile, une localité située à 50 km de Kananga par des éléments se revendiquant des milices Kamuina Nsapu. En RD Congo même dans la nébuleuse d’organisation extraverties d’une certaine société civile comme parmi la communauté internationale s’étaient levées de nombreuses voix pour exiger une enquête internationale indépendantes des autorités et de la justice rd congolaise, que tout ce beau monde soupçonnait (ou faisaient semblant de soupçonner) de ce meurtre commis selon un rituel macabre bien connu de présumés terroristes Kamuina Nsapu récemment défaits par les Forces armées de la RDC. C’est à peine si de prétendues ONG locales et internationales, particulièrement l’inénarrable organisation américaine Human Rights Watch, n’ont pas prononcé des condamnations d’office contre les forces de sécurité et de défense de la RD Congo pour cet affreux crime. Même l’église catholique romaine rd congolaise et ses prélats en ont rajouté en joignant leurs voix à celles des nombreux demandeurs d’une enquête internationale en vase clos comme si ils tenaient à voir le régime honni de Joseph Kabila cloué au pilori…
Pas de condamnation formelle du terrorisme djihadiste
Pour 15 casques bleus tanzaniens morts au combat contre des rebelles islamistes ADF, aucune demande d’enquête internationale ni de coalition de forces régionales ou internationales pour mettre un terme à ce que nombre d’experts présentent comme une organisation terroriste djihadiste dans la région de l’Afrique Centrale. En réunion vendredi dernier à Brazzaville, les présidents Brazza-congolais Denis Sassou Nguesso, Angolais Joao Lourenço et RD Congolais Joseph Kabila ont pourtant «réitéré l’appel lancé à la communauté internationale au dernier sommet de la CIRGL à Brazzaville, de qualifier la LRA ainsi que les ADF, de groupements terroristes et de les traiter comme tels». Mais rien n’y fait. «Aussi longtemps qu’ils serviront à fragiliser la RD Congo, les mouvements terroristes bénéficieront d’une sorte de clémence de la communauté internationale », en conclut, amer, ce activisme des droits de l’homme de la région de Beni.
J.N.