La date du 27 novembre 2017 restera sans nul doute gravée dans l’histoire des relations diplomatiques de la RD Congo et du Royaume de Belgique. Malgré les rapports exécrables qu’entretiennent les deux Etats, l’ancienne métropole coloniale a tenu à marquer d’un éclat particulier l’inauguration de sa nouvelle ambassade à Kinshasa. C’est Didier Reynders, le vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères en qui a effectué en personne le déplacement de la capitale rd congolaise aux fins d’inaugurer ce joyau qui s’élève fièrement, et un peu comme un défi dans le ciel kinois, au croisement de l’avenue du 24 novembre et du boulevard du 30 juin.
L’importance accordée à l’ouvrage belge en terre rd congolaise a été ressassée sur tous les tons. La nouvelle chancellerie belge, qui abritera également les services des ambassades du Luxembourg et des Pays bas, se veut un symbole fort de la présence de la Belgique en République Démocratique du Congo et de l’importance que le pays du Roi Philippe Ier entend imprimer à ses relations avec sa principale ancienne colonie. Une présence de l’ancien colonisateur de plus en plus tournée, ces dernières années, vers une immixtion jugée excessive par nombre d’officiels rd congolais dans les affaires intérieures de l’ancienne colonie, du fait des libéraux au pouvoir à Bruxelles appuyés par certains milieux mercantiles. Exactement comme il y a 57 ans, lorsque le Congo-Belge luttait pour se sortir de près de 80 ans d’une des plus rudes colonisations qui ait existé à travers le monde, et que le petit royaume européen phagocytait l’indépendance arrachée par la jeune élite de son immense colonie en y suscitant une multiplication déstabilisante des partis politiques bidons acquis à la cause de la poursuite de la colonisation.
Relations diplomatiques altérées
Entre Bruxelles et Kinshasa, les nuages se sont sérieusement amoncelés depuis que les libéraux sont arrivés au pouvoir en Belgique et que sous la férule personnelle de Didier Reynders, ils ont décidé de récupérer le processus de démocratisation du pays lancé depuis 17 ans afin de le conformer aux intérêts de l’ex. colonisateur. Notamment, en imposant une sorte de cohabitation au sommet de l’Etat entre leurs hommes-liges affublés du qualificatif d’opposants radicaux et les vainqueurs des derniers scrutins électoraux organisés en 2011. Le pic de l’altération des relations diplomatiques entre les deux pays a sans doute été atteint avec les pressions de Bruxelles, suivies en cela par l’Union Européenne, qui a sanctionné une brochette de personnalités congolaises dont le seul crime est d’être réputées proches du Président de la République, Joseph Kabila Kabange, sous prétexte d’« entraves au processus électoral ». Quand bien même les milieux informés et les observateurs avertis savent que c’est plutôt Bruxelles qui constitue la plus grosse entrave … financière à une évolution démocratique qui lui échappe depuis 2006. C’est la date des premières et dernières élections démocratiques que l’ancienne métropole et la constellation de pays européens intéressés à la situation politique de la RD Congo ont soutenu financièrement.
Une Belgique magouilleuse
La nouvelle ambassade belge inaugurée le 27 novembre 2017 par le ministre Didier Reynders est donc aussi un symbole fort de cette belgique magouilleuse, qui a beaucoup perdu de la considération que lui vouaient les kinois en particulier et les rd congolais en général malgré un passé colonial qui fut tout sauf un long fleuve tranquille. L’édifice de 4 étages qui abritera l’ambassade de Belgique borde l’une des plus grandes artères de la capitale rd congolaise, modernisée et élargie il y a quelques années grâce à la coopération chinoise dans le cadre d’un contrat « gagnant-gagnant » combattu avec acharnement par … la Belgique et les Occidentaux en général. Il consacre, à l’évidence, les prétentions de l’ancien colonisateur à continuer à peser de tout le poids de l’Union européenne sur son ex. colonie qui, elle, aspire plus que jamais à cette indépendance économique dont elle est privée depuis 1960. Des prétentions de plus en plus perçues comme ridicules et inacceptables à Kinshasa où la Belgique, à l’image de son ambassade, petit immeuble de 4 niveaux enfoui au milieu de dizaines d’autres plus imposants , a beaucoup perdu de sa superbe d’antan.
Des magouilles bassement mercantilistes déteignent du reste sur la politique congolaise des héritiers de Léopold II. L’édifice inauguré sur boulevard du 30 juin n’y échappe pas et vient rappeler à quel point Bruxelles est mal placé pour prodiguer des leçons de bonne gestion à qui que ce soit ici.
Un projet de construction controversé
Dès le départ, le projet de construction de la nouvelle ambassade de Belgique à Kinshasa, dont les travaux furent lancés le 26 août 2014 avec la pose de la première pierre par Armand de Decker, ancien ministre d’Etat belge, avait fait l’objet d’une vive controverse en Belgique même. Où des voix s’étaient aussitôt élevées pour lui reprocher « une ambition nostalgique et anachronique ». Nombre de belges ne trouvant aucune importance à sacrifier l’argent du contribuable à une histoire dépassée ou appelée à l’être. Un porte-parole de la NVA, l’actuel parti politique dominant en Belgique, n’a pas hésité à critiquer ce projet pharaonique voté en 2012, lorsque cette formation politique était encore dans l’opposition, et à le qualifier de « beaucoup trop grand et trop prestigieux au regard des relations bilatérales actuelles ».
D’autant plus que les travaux du projet soutenu par … Didier Reynders en personne, et son conseiller politique, Jean-Claude Fontenoy, avaient été entourés de magouilles. La procédure d’attribution du marché de construction de la nouvelle ambassade belge a été en effet critiquée dès qu’il est apparu que le marché avait été remporté par l’entreprise de construction de Johan Willemain, une « connaissance » de Jean-Claude Fontenoy. Johan Willemain avait remporté le marche au terme d’une double procédure, rapportent des sources du Maximum à Bruxelles. Dans la première procédure d’attribution du marché, l’entreprise était en concurrence avec la société Besix, réputée pour son expérience et sa longue tradition des travaux construction en Afrique. « Besix avait déposée plainte pour avoir été injustement écartée du projet », confirme la source. Suite à quoi le Conseil d’Etat belge avait dû annuler la procédure pour rétablir Besix dans ses droits. Une seconde procédure d’attribution du marché de construction de l’ambassade de Belgique sera alors lancée et attribuera de nouveau le marché à Johan Willemain, malgré des rumeurs persistances selon lesquelles ce marché lui avait été attribué à l’avance, longtemps avant la publication des offres.
Marché pré-attribué
A Bruxelles, il est en effet établi que Jean-Claude Fontenoy, le conseiller de Didier Reynders, et Johan Willemain, un entrepreneur controversé à en juger par la presse belge de ces dernières semaines, sont de vieilles relations. Une vidéo diffusée la semaine dernière avait contraint Bart De Wever, le patron de la NVA et bourgmestre d’Anvers, a recadrer l’affaire devant la presse pour ne pas éclabousser outre mesure le plus grand parti politique belge de l’heure. Il rapportait une réception anversoise à l’occasion de l’anniversaire d’Eric Van Der Paal, un partenaire de Johan Willemain, à laquelle prenaient part, outre tous les membres du Collège des échevins de la ville d’Anvers, le constructeur Johan Willemain et son ami Jean-Claude Fontenoy. Or, Eric Van Der Paal et Johan Willemain sont connus pour avoir bénéficié de permis de construction très controversés à Anvers.
Constructeur controversé
Et une semaine plus tôt, le constructeur de la nouvelle ambassade de Belgique, Johan Willemain, a été cité dans un reportage de la télévision flamande VRT à propos d’autres procédures contestées relatives à la construction d’un casino à Middelkerke sur la côte belge. Le reportage de nos confères présente Willemain réfutant des allégations de relations entre ces partenaires dans le projet de construction du casino et des membres du collège des échevins de la ville, avant d’avouer aussitôt que le journaliste en avait présenté les preuves.
Les milieux affairistes qui tournent autour des libéraux au pouvoir en Belgique sont donc tout ce qu’on veut, sauf « sains ». En RD Congo, ils ne peuvent représenter qu’une Belgique plutôt magouilleuse. La même Belgique qui, il y a quelques mois à Bruxelles, couvait la formation d’une opposition politico-mercantile au pouvoir en place à Kinshasa, chaperonnée par le controversé ex. gouverneur de la riche province minière du Katanga. Les observateurs doutent de l’efficacité de ces ingrédients, qui ne sont pas sans rappeler la première sécession provinciale de l’immédiat après indépendance en RD Congo, marquent une « forte » présence de la Belgique dans son ancienne colonie autrement que par une recolonisation sans fards.
J.N.