Jusqu’à l’heure où Le Maximum mettait sous presse, lundi 23 octobre dans la soirée, le ministre de la Communication et Médias, porte-parole du gouvernement congolais, séjournait encore en Belgique. Un séjour privé, selon ses proches et des sources officielles belges, motivé par des raisons familiales, qui remonte au jeudi 19 octobre dernier, et qui a provoqué quelques réactions pour le moins épidermiques. Parce que comme beaucoup de ses pairs, Lambert Mende était visé par les fameuses sanctions dites ciblées de l’Union Européenne contre des proches du Président Kabila.
En Belgique même, au moins deux organisations de la société civile sont montées au créneau pour critiquer la décision des autorités belges qui ont octroyé un visa d’entrée au porte-parole du gouvernement. Notamment, le Réseau Européen pour l’Afrique Centrale (EurAc), qui a récemment abrité le plaidoyer des évêques de l’Eglise catholique rd congolaise en faveur de l’application de l’Accord de la Saint Sylvestre. Dans un communiqué, cette plateforme d’organisations de la société civile estime que la dérogation accordée au ministre rd congolais « … sape la crédibilité de la Belgique et de l’UE dans son ensemble car ils semblent ne pas respecter leurs propres décisions … ».
Broederlijk Delen et Pax Christi, deux Ong missionnaires belges, ont également désapprouvé l’octroi du visa au ministre Lambert Mende au motif que « La décision de la Belgique donne un mauvais message et risque d’être mal accueillie dans l’opinion publique belge et congolaise (…). Nous regrettons cette décision, qui atteint la crédibilité de la Belgique à respecter les sanctions de l’Union européenne et à garder une attitude ferme vis-à-vis des autorités congolaises tenues responsables de violations des droits de l’homme et du blocage démocratique en RDC », écrivent-elles. Renseignement pris, la Belgique, principale initiatrice des sanctions contre les plénipotentiaires congolais avait pourtant pris la précaution de consulter tous les autres 27 autres Etats membres avant d’accorder au Ministre Mende la dérogation qui lui a permis de fouler son sol.
C’est en RD Congo même, particulièrement dans les milieux des radicaux de l’opposition que le séjour belge de Lambert Mende semble avoir creusé des sillons ravageurs. Et révélé à ceux qui en doutaient encore les véritables tenants et aboutissants des fameuses sanctions ciblées qui ne répondent de toute évidence pas aux atteintes aux droits de l’homme dont le gouvernement se serait rendu responsable mais bien de pressions internationales (et particulièrement belges) pour faire plier la majorité au pouvoir à Kinshasa. Plus précisément, pour obtenir le partage du pouvoir avec les affidés congolais de quelques milieux mercantilistes européens dans l’opposition radicale katumbiste. C’est qui se dissimule sous l’euphémisme d’«application de l’accord politique du 31 décembre ».
Le séjour belge de Lambert Mende a plus que fait bondir de leurs fauteuils les signataires du « Manifeste du Citoyen » de Paris, qui appellent à une « transition sans Joseph Kabila », eux aussi. Dans un communiqué daté du 20 octobre, ils ont déclaré que la dérogation obtenue par le porte-parole du gouvernement était « de nature à affaiblir les sanctions prises contre les personnalités congolaises qui sont à la base du blocage du processus électoral et des violations des droits fondamentaux des Congolais ». De la prose pour consommation extérieure, de l’avis des observateurs avertis en RD Congo, où de moins en moins de gens croient aux entraves à un processus qui a atteint à ce jour déjà quelques 43 millions d’inscrits sur les listes électorales (sur 45 millions attendus) en l’espace d’un an et quelques mois, et ainsi amorcé le point de non-retour vers la tenue des scrutins tant réclamés.
S’agissant précisément du ministre rd congolais de la Communication et Médias, déjà deux fois meilleur élu aux élections législatives de 2006 et 2011 dans la province du Sankuru où se situe Lodja, sa circonscription électorale, et candidat aux prochaines législatives, l’accuser de « ne pas favoriser l’organisation des élections dans son pays » relève de la pure forfaiture. Quant à l’allégation selon laquelle il aurait mené « une politique répressive envers les médias » qui constitue l’autre justification de sa présence sur la liste des personnes sanctionnées par l’Union Européenne, elle relève plus que d’une farce de mauvais goût, le ministre qui vient de passer 8 ans à la tête de ce département étant connu comme un ardent défenseur de la libre accès à l’information et ayant acquis parmi les professionnels tant nationaux qu’étrangers la réputation d’être « l’officiel le plus accessible du gouvernement congolais qui répond à toute heure du jour et de la nuit à toutes les sollicitations des journalistes de toutes les tendances », selon nos confrères de Jeune Afrique.
J.N.