L’opinion ne s’y attendait certainement pas. L’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante -CENI-, Daniel Ngoy Mulunda, aura surpris plus d’un lors de son passage à l’émission JMK Today sur Télé50, jeudi 12 octobre 2017. L’homme est apparu tel qu’en lui-même : fonceur et sans langue de bois. Ce pasteur néo-méthodiste a livré aux téléspectateurs une analyse critique de la crise en RD Congo, se basant sur les accords issus du dialogue politique facilité par l’Union africaine conduit par le togolais Edem Kodjo, et celui du Centre interdiocésain sous l’égide de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO).
Ngoy Mulunda a particulièrement décrié la démarche des évêques catholiques. Qui ont pris part aux travaux du premier dialogue au cours duquel le groupe de travail constitué des experts électoraux de la CENI, de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) et des Nations unies était d’abord tombés d’accord sur l’échéance de novembre 2019 pour la tenue des élections en RD Congo, avant de se voir contraints de compresser les opérations et de la ramener à mars 2018. C’est ce que stipule cet accord dit de la Cité de l’OUA.
Quelques mois après, un autre accord entre acteurs politiques et sociaux sort des assises modérées par les calottes sacrées de l’église catholique romaine, fixant la même échéance «au plus tard en décembre 2017». Ce qui suppose, selon le bon sens, que décembre devait être la dernière échéance. Pourtant, on trouve dans le même accord la possibilité d’une prolongation du délai de parachèvement du processus électoral après évaluation entre le gouvernement, la CENI et le CNSA. Le tout faisant fi du travail produit préalablement par les experts à la Cité de l’UA. Ngoy Mulunda accuse donc, carrément : «les évêques savaient qu’il n’y aura pas d’élections en 2017». Pour lui, les prélats catholiques ont fait preuve de malice. «L’accord de la CENCO est un gros piège. On arrive en septembre, les médiateurs de la CENCO appellent les gens à se prendre en charge, article 64, le pays est en danger, ça va mal. Ils ont piégé les gens!», a dénoncé Mulunda. Et d’ajouter: «donc ils -les évêques- avaient un agenda bien à eux. Et ce qui est triste, ils avaient communiqué dans toutes les églises que les gens se prennent en charge, que les gens se révoltent. Eux-mêmes connaissaient les difficultés. Donc, ils ont piégé les gens».
Contrairement aux évêques qui avaient auto évalué leur travail de médiation à 98% de réussite, Ngoy Mulunda a estimé qu’ils ont plutôt échoué à 98%. Il leur a reproché principalement de ne pas avoir dit la vérité au peuple. «Sachant qu’il n’y aura pas élections cette année, est-ce qu’ils peuvent se mettre avec tous les signataires de l’accord pour le dire au peuple?», s’est-il interrogé, leur reprochant également de parcourir le monde pour faire un lobbying très agressif contre leur pays dans l’objectif d’y créer un chaos qui ne profitera certainement pas à leurs ouailles, loin s’en faut. «Aujourd’hui, je ne pense pas que les Libyens sont fiers de ce qu’ils ont fait à leur pays. Et les gens qui veulent qu’on aille dans ce schéma-là de la rue n’aime pas le Congo», a-t-il fait observer.
Le rôle de la Communauté internationale en 2011
Loin de s’arrêter là, cet ancien président de la centrale électorale rd congolaise qui a organisé les élections législatives et présidentielle en 2011, élections qui a vu le président de la République Joseph Kabila Kabange rempiler à la tête du pays pour son second mandat, n’a pas hésité à mettre à nu la mauvaise foi de certains membres de la Communauté internationale pendant le processus électoral qu’il a géré. A l’entendre, cette Communauté internationale, particulièrement les occidentaux, qui aujourd’hui réclament à cor et à cri les élections en décembre 2017, avaient paradoxalement tout fait pour que celles-ci n’aient pas lieu en 2011. Ngoy Mulunda révèle en effet, que la Grande Bretagne, la France, les Etats-Unis, tous membres permanents du Conseil de sécurité des Nations-Unies, avaient fait pression dans ce sens. «Un ministre anglais était venu ici, il m’a vu à la CENI et m’a dit : ne faites pas ces élections-là. Je lui ai posé la question : Monsieur le ministre voulez-vous que j’annonce qu’on me demande de violer la constitution ? Ce à quoi il m’a répondu qu’à la Maison blanche et au Conseil de sécurité on lui avait dit clairement que mon collègue du Nigeria avait reporté les élections, et qu’il ne voyait pas pourquoi je n’en ferais pas autant», a-t-il renseigné. Avant d’ajouter: «L’ancien ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, est allé en Afrique du Sud demander aux imprimeurs de ne pas imprimer les bulletins de vote commandés par notre commission. La ministre sud-africaine des Affaires étrangères, qui est encore vivante, peut encore témoigner. Pourquoi ? Parce qu’on cherchait le chaos en RDC comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire. Un ami sincère de la RDC a pu décanter la situation. Alors que tous les imprimeurs refusaient notre commande, il a débloqué 37 millions de dollars cash pour imprimer les bulletins». Pire: «Le sous-secrétaire d’Etat américain m’a dit : tu es notre homme, tu dois obéir. Je lui ai dit : j’ai certes étudié aux USA mais c’est la CETA et l’évêque anglican Sud Africain Desmond Tutu qui m’avaient offert une bourse. Ce n’était pas l’argent du gouvernement américain. Je suis Congolais, je ne suis pas votre homme». Mulunda a laissé entendre que la Communauté internationale est allée jusqu’à lui proposer une somme d’argent et un exil doré en Occident pour qu’il n’organise pas les élections. Offre qu’il dit avoir décliné. Il aurait payé cette obstination face à la toute puissante « communauté internationale » par l’opprobre jeté sur sa personne au sortir de ces scrutins, qu’on a dit entachés de fraudes massives. Il a promis de donner plus des détails sur les pressions qu’il a subies dans le livre qu’il s’apprête à publier.
Dans le même entretien sur Télé 50, Mulunda fait remarquer que le Centre Carter qui a assuré l’observation électorale en 2011 avait publié deux rapports. Le premier était le fait de l’ancien président ghanéen Rupiah Banda, qui était à la tête d’une délégation de jeunes américains. Il y a été dit que malgré les difficultés, les élections s’étaient bien passées. Et dès que ce dernier a quitté la RDC, les Américains ont tenu une conférence de presse dans laquelle ils ont décrié « des irrégularités ». Mulunda explique cette duplicité du Centre Carter par le fait que celui-ci était financé par l’entreprise canadienne First quantum, la même qui, faisant partie du portefeuille du tentaculaire et sulfureux milliardaire américain d’origine hongroise George Soros, a eu maille à partir avec le gouvernement congolais au sujet d’un contrat minier, la même également qui a été citée dans un rapport de l’ONU en 2003 parmi les multinationales qui finançaient les groupes armés à l’Est de la RDC.
MATSHI DARNELL