Jusqu’au mois de mars dernier, il était quasiment acquis que Vital Kamehre et son Union pour la Nation Congolaise n’était plus dans les listes de l’opposition. Depuis lors, il a, de nouveau, retourné sa chemise…
Une situation héritée du dialogue de la Cité de l’Union Africaine dirigée par le Togolais Edem Kodjo, où le patron de l’UNC, parti politiqué créé en 2010 avait pesé de tout son poids … d’opposant et joué un rôle déterminant. Au terme de ce dialogue essentiellement axé sur la préparation d’une alternance pacifique au sommet de l’Etat par l’organisation d’élections aussi apaisées et crédibles que possible, ll’ancien speaker de l’Assemblée nationale, candidat malheureux à la présidentielle 2011 (7,7 % des suffrages exprimés, 3ème après Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi) était pressenti 1er ministre du gouvernement constitué à l’issue de cette rencontre. Mais en fin de compte, l’UDPS Samy Badibanga avait été préféré à Vital Kamehre. Sa séparation tumultueuse d’avec ses anciens collègues du PPRD, le parti présidentiel dont il avait été le secrétaire général de 2004 à 2007, y était pour quelque chose. Malgré cette déconvenue, l’UNC et son patron se sont tout de même bien tirés du « partage » issu de la Cité de l’UA puisque Kamerhe avait pu faire entrer dans le gouvernement Badibanga au moins trois membres, et pas des moindres : Pierre Kangudia Mbayi (ministre d’Etat au budget), Aimé Boji Sangara Bamanyirue (commerce extérieur) et Edouard Kiove Kola (vice-ministre à la justice). Ce qui semblait amplement suffisant, puisqu’au dialogue qui a suivi au centre catholique interdiocésain de Kinshasa, Kamerhe acceptait encore de gaieté de cœur de présider aux destinées de la partie prenante composée des signataires de l’accord de la Cité de l’Union Africaine.
Déçu au partage du gâteau
C’est à la formation du gouvernement issu de l’Accord de la Saint Sylvestre, conclu le 31 décembre 2016 par les parties prenantes au dialogue modéré par les évêques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) que les choses semblent avoir tourné au vinaigre pour Vital Kamerhe (VK) et son UNC. Au gouvernement d’union nationale aux affaires actuellement que dirige une autre UDPS, Bruno Tshibala Nzenzhe, le parti de Kamehre ne s’en tire qu’avec un seul portefeuille ministériel, celui du Budget détenu jusqu’à ce jour par son ami intime Pierre Kangudia Mbayi. Par la suite, Kamerhe tentera une très audacieuse et téméraire girouette en se proposant à la présidence du Comité de Suivi de l’Accord et du Processus Electoral (CNSA), pourtant réservé de commun accord par les parties prenantes à l’accord de la CENCO au Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (Rassop), non signataire des précédents accords. L’affaire ayant échoué, les oranges (c’est la couleur fétiche du parti kamerhiste) ne dissimulaient plus leur déception. « Si l’UNC veut rester un parti de l’opposition, il doit quitter le gouvernement, au cas contraire il faut que le congrès décide de la suite », a déclaré Crispin Mbindule, un élu national UNC de la ville de Butembo au Nord Kivu le 10 mai 2017. « Je ne crois pas qu’il est juste que le parti de Vital Kamehre, troisième aux élections précédentes, soit représenté par un seul ministre », a-t-il ajouté.
Tshibala, tous les péchés du monde
Une opinion largement partagée au sein de l’UNC, puisque 6 jours plus tard, à l’occasion de la plénière d’investiture de la nouvelle équipe gouvernementale, Jean-Baudouin Mayo Mambeke, ci-devant président de l’interfédérale du parti de Vital Kamerhe à Kinshasa, ne s’est pas gêné pour lancer des propos plutôt acerbes à la face du nouveau chef d’un gouvernement dont sa formation politique faisait partie : « Vous avez été injuste vis-à-vis de l’UNC et je préfère vous le dire en face », a martelé Mayo sans ménagement. Néanmoins, l’UNC ne poussera pas la logique jusqu’au bout et n’osera pas cracher sur le portefeuille du budget, maintenu au rang de ministère d’Etat car Pierre Kangudia Mbayi y trône toujours. Vital Kamerhe et son UNC demeurent donc, politiquement, un pied dedans un pied dehors.
Nouvelle pirouette
L’ancien président de la chambre basse du parlement a manifestement pris le parti de donner le change, pour une opinion publique généralement peu au fait des subtilités politiques qui lui collent à la peau. Il s’est lancé dans une série de déclarations tonitruantes destinées à le faire apparaître de nouveau comme un opposant radical à part entière. La nouvelle girouette requiert un net rétropédalage, de nouvelles chimères derrière lesquelles embarquer il tente d’abuser de la crédulité d’une opinion publique décidément très peu considérée à l’UNC. Apôtre d’une approche « souple et flexible des délais électoraux » (ce furent ses mots lors du dialogue de la Cité de l’Union Africaine et des discussions directes du Centre catholique interdiocésain, Vital Kamerhe s’y déclare farouchement opposé depuis quelques semaines, et n’est pas loin de soutenir la fameuse « transition sans Joseph Kabila » de Félix Tshilombo Tshisekedi. Au cours d’un face à face avec la presse, mardi 12 septembre à Kinshasa, Willy Kambale, président de la branche juvénile de l’UNC a annoncé l’adhésion du parti à l’idée d’« unir les forces politiques opposées à Joseph Kabila », lancée par le président du Rassop/Limete il y a quelques semaines. « La jeunesse de l’UNC/Kinshasa adhère à l’idée de voir toutes les forces politiques acquises au changement s’unir dans un front commun afin de faire échec à toutes les manœuvres tendant à renvoyer sine die la tenue des élections libres et démocratiques prévues à la fin de l’année en cours », a-t-il déclaré en substance.
Donner le change
Billy Kambale s’est également prononcé contre ce qu’il appelle le « vote électronique », en fait l’utilisation d’un bulletin électoral électronique que propose la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) pour réduire les coûts d’impression d’un bulletin qui ne peut être que kilométrique compte tenu du nombre des partis politiques, et des candidats, en RD Congo, parce que, à son avis, qui rejoint curieusement celui des plus extrémistes des partisans du Rassop « préparerait une fraude à grande échelle et aurait montré ses limites dans certains pays », sans citer lesquels.
Les élections libres et démocratiques d’ici décembre prochain ? Elles sont impossibles, chacun le sait, puisque la révision du fichier électoral n’aura pas totalement pris fin à cette échéance-là du fait des contraintes sécuritaires auxquelles la CENI qui a perdu une dizaine de ses préposés égorgés par des groupes terroristes se revendiquant de Kamuina Nsapu s’est trouvé confrontée. Tandis que le vote électronique, aussi imparfait soit-il, présente justement l’avantage d’un raccourcissement du processus de dépouillement des résultats lorsque se tiendront effectivement les élections. Mais l’UNC et Vital Kamerhe préfèrent de plus s’accrocher à ces nouvelles chimères dont ils espèrent qu’elles les rendront à nouveau compatibles avec l’opposition « radicale ».
J.N.