Plus d’une fois, l’Organisation maritime internationale a menacé ces 15 dernières années de décréter un boycott mondial du port de Matadi, principale plaque-tournante de l’économie nationale. Des marines américains avaient même pris le contrôle des points stratégiques du port, à une certaine période, raconte-t-on. Tel un serpent de mer, la menace aurait rebondi…sur fonds de pressions politiques liées à l’application de l’accord du 31 décembre 2016.
Il y a peu, une certaine presse locale alléguait que la baisse d’activités au port de Matadi était liée à la situation politique au pays. Faute d’application intégrale de l’Accord politique du 31 décembre 2016, appelé aussi Accord de la saint-Sylvestre, beaucoup d’opérateurs économiques auraient préféré s’éloigner de la RD Congo. De l’avis de certains experts, le port de Matadi serait bel et bien dans le viseur des forces politiques qui tiennent à asphyxier économiquement la RD Congo afin de pousser la population à la révolte. D’aucuns verraient la main de Moïse Katumbi derrière le gel des rapatriements des devises par des opérateurs miniers du Katanga, ou encore la fausse faillite annoncée de la Trust Merchant Bank, TMB, qui ont eu pour effet la dégringolade de la monnaie nationale par rapport au dollar et à l’euro. Il a fallu une descente musclée et un rappel à l’ordre sans fioriture de Deo Gracias Mutombo, le Gouverneur de la BCC, pour que le franc congolais enregistre un regain de redressement, ces dernières semaines.
En tout état de cause, il sied de rappeler que le port de Matadi est opérationnel depuis 1886. Et il nécessite une modernisation de fonds en comble. Du temps du régime de Transition dit de 1+4, un accord de jumelage avait été conclu entre le port d’Anvers et celui de Matadi. Le ministère belge des Affaires étrangères, du temps de Louis Michel, avait par la suite annoncé un chapelet des partenariats privilégiés devant aboutir à la modernisation du port de Matadi, principale plaque-tournante de l’activité économique en RD Congo. Les rentrées financières au port de Matadi et Boma représentent 35 à 40% du budget de l’Etat. Le 12 avril 2005, deux accords seront même signés à Bruxelles, entre le ministre belge de la coopération au développement et l’autorité portuaire d’Anvers d’une part, et entre l’ONATRA et le ministère r-dcongolais des Transports. Hélas, pour des raisons politiques, les autorités de Kinshasa ont gelé plusieurs projets de coopération avec la Belgique. Le port de Matadi ainsi son appendice, le Chemin qui relie Matadi à Kinshasa, fait l’objet d’un appel d’offre international de mise sous-gestion privée lancée par l’ancienne ministre du Portefeuille, Louise Munga Mesozi, dans des conditions plutôt opaques. Le bureau syndical de la SCTP s’y est farouchement opposé.
Ici, l’on redoute que le port et le chemin de fer ne soient cédés au groupe français Bolloré. En 2010, l’Agence française de développement avait financé avec une enveloppe de 1 million d’euros des études de faisabilité des partenariats publics-privés sur les ports maritimes et le chemin de fer Matadi-Kinshasa de l’ex-ONATRA. Bolloré a, on le sait, déjà repris le port de Pointe-Noire qu’il a érigé en port autonome. Le groupe français y organise un important trafic de transbordement vers Matadi, via des navires de faible tirant d’eau. La mouvance syndicale de la société commerciale des transports et des ports redoute que Bolloré ne fasse davantage la part belle au port de Pointe-Noire. Mais à défaut de solutions efficientes pour le redressement de l’ex-ONATRA, alors que Bolloré s’affiche repreneur, beaucoup parmi les 13.000 agents et retraités de l’entreprise se résolvent à cet apophtegme du Conte de Lisle : enfer ou ciel, peu importe pourvu qu’on y trouve du nouveau.
POLD LEVI