Le 31 octobre 2017, cela fera exactement 3 ans depuis que Blaise Compaoré, Chef de l’Etat Burkinabè, était éjecté de la présidence de la République et poussé hors de son pays. Par des foules en furie, selon ce que la presse « globale » et autres faiseurs d’opinions avaient voulu accréditer. Faussement, parce que les observateurs avertis l’ont su quelques après : l’insurrection dite populaire était en réalité une « opération coup de poing » qui avait mis à contribution des centaines de jeunes encadrés par des militaires radiés en 2011, payés pour incendier édifices publics et barrages routiers avant de prendre d’assaut la présidence de la République. A en juger par un excellent reportage de nos confrères de Jeune Afrique, trois jours de minutieuse préparation du coup avaient permis la fabrication des cocktails molotov, la distribution des cartes indiquant les bâtiments à attaquer et la répartition des tâches par secteur, etc. Le mode de défenestration de Blaise Compaoré n’avait donc rien de spontané ou de démocratique, loin s’en faut. Aujourd’hui encore, le pouvoir en place à Ouagadougou est certes issu d’élections au suffrage universel. Mais d’élections qui, en excluant les partisans de l’ancien Chef de l’Etat, n’auront pas été inclusives, comme on tient à les avoir en RD Congo.
Remake à Kinshasa
Au pays de Lumumba précisément, le Héros national panafricaniste dont se réclamait Thomas Sankara, l’icône de la révolution burkinabè sacrifié à l’autel de l’impérialisme occidental il y a trente ans, la capitale Kinshasa et certaines villes du Kongo Central ont été le théâtre d’un mouvement insurrectionnel étouffé dans l’œuf. Selon les communiqués de la police nationale rendus publics lundi 7 et mercredi 9 août 2017, à Kinshasa, Matadi et Boma, les forces de police ont subi des assauts synchronisées (tous ont eu lieu à 9 heures précises) d’éléments Bundu dia Mayala (BDM). A Kinshasa, des manifestants BDM ont fait irruption à Binza l’UPN (Université Pédagogique National) et cheminaient vers la station d’émission de la RTNC situé à quelques kilomètres de là, à Binza Météo. A Selembao, le groupe qui a affronté les forces de l’ordre et tué un officier supérieur de la police nationale avait mission de progresser vers le siège de la RTNC1 dans la commune de Lingwala, « aux fins faire une déclaration de prise de pouvoir », selon le rapport de police lu à l’occasion de la présentation des assaillants capturés lundi dernier. Et à Ndjili, les assaillants, qui ont affronté les forces de police eux aussi, visaient l’aéroport international de Ndjili.
Ingrédients réunis
Les ingrédients pour une insurrection généralisée semblaient donc réunis, lundi dernier. Et Kinshasa est passée très près à côté d’un embrasement généralisé dont les conséquences restent incalculables, quoi qu’on en dise. Le nombre de décès revu à la hausse est passé de 14 à 19 morts, dont 2 officiers de police lynchés par les assaillants, ainsi que 7 blessés. 37 assaillants BDM ont été capturés, qui ont été présentés à la presse mercredi 9 août. Avec eux des armes blanches, des fétiches et des amulettes de diverses sortes, mais aussi quelques armes à feu, de chasse ou de guerre. Un élément PM avait été atteint par balles d’armes de chasse au niveau des reins lundi dernier, avait déclaré le colonel Pierrot Mwanamputu sur les antennes de la télévision nationale.
Réactions partiales
Les réactions relatives à ce qui ressemble bien à une insurrection manquée ne font pas défaut, et n’infirment pas vraiment la thèse avancée par la police. Le porte-parole de Moïse Katumbi Chapwe, un des candidats déclarés à la prochaine présidentielle en RD Congo, Olivier Kamitatu Etsu, s’en est presque réjoui devant les caméras d’une télévision à Kinshasa mardi dernier. “Hier, il y’a eu de nombreuses victimes, et il faut saluer leurs mémoires. L’aveu de la police est d’avoir utilisé des balles réelles contre des manifestants pacifiques. Ça veut dire que le peuple congolais est prêt à se dresser, rester debout contre la dictature de Joseph Kabila”, a-t-il soutenu. Sans se rendre compte qu’il exprimait lui-même un aveu en qualifiant les BDM de « manifestants pacifiques » et en se félicitant du fait qu’ils soient prêts « … à se dresser, rester debout … ». A la base des attaques contre les forces de l’ordre qui ont entraîné morts d’hommes, et notamment d’agents de police, se trouvent donc des revendications politiques dont certains à Kinshasa se demandent si elles ne pouvaient s’exprimer autrement.
Indifférence de l’ONU
Au cours de son point de presse hebdomadaire, mercredi 9 août 2017, la Mission onusienne en RD Congo a, elle, ré-embouché ses trompettes rituelles sur un prétendu « usage proportionnée de la force », sur les « deux parties » (des forces de maintien d’ordre et de sécurité d’un gouvernement légitime d’une part et des bandes de terroristes d’autre part) et sur « l’obligation d’utiliser des armes non létales dans le maintien de l’ordre public » qui ne s’imposerait qu’à la RDC, au regard de ce à quoi on assiste dans des situations semblables dans d’autres Etats comme la France ou la Belgique. A cet égard, les onusiens donnent l’impression de se moquer de l’Etat rd congolais, selon un expert en polémologie de l’université de Kinshasa : lundi, ce n’était pas de maintien de l’ordre qu’il s’agissait, mais de répression entre forces de police et des terroristes par ailleurs munis d’armes létales. « La proportionnalité évoquée à tout-va par les onusiens ne tient pas compte des proportions visées par tout mouvement implication des acteurs armés », fait-il observer.
J.N.