Le procès des assassins présumés de Michael Sharp et Zaida Catalan, deux experts onusiens de nationalité américaine et suédoise, se poursuit normalement devant la Cour militaire supérieure de Kananga. A l’audience du jeudi 20 juillet 2017, un témoin présenté par l’accusation a formellement reconnu Evariste Ilunga, un des accusés poursuivi dans le cadre de cet assassinat suivi de mutilation de cadavre perpétré le 12 mars dernier. Jean-Bosco Munkanda a en effet assuré avoir reconnu l’accusé « tenant entre ses mains la tête d’une femme blanche » à partir d’images projetées à l’audience, dont des photos ont été tirées et projetées à huis clos à l’audience.
On s’achemine manifestement vers l’établissement de la culpabilité d’au moins un des assassins présumés du meurtre atroce des deux experts onusiens, et peut-être de leurs complices non encore attrapés par la justice. Un journaliste présent à la projection des images du crime a déclaré, lui aussi, que le visage et les traits d’Evariste Ilunga étaient nettement reconnaissables, selon une dépêche de l’Afp.
Pourtant, malgré ces évidences avérées, un rapport confidentiel présenté par un groupe d’experts onusiens au Conseil de sécurité la semaine dernière estimait que l’Américain Michael Sharp et et la Suédoise Zaida Catalan étaient tombés dans un « guet-apens prémédité ». Le document qui remonte au mois de juin fait curieusement état de « l’implication probable tant des différentes factions de la milice Kamwina Nsapu que de certains membres des services de sécurité de l’Etat rd congolais », une affirmation d’autant plus invraisemblable qu’il est de notoriété publique que lesdits services de sécurité congolais n’ont eu de cesse jusqu’au moment où nous mettons sous presses d’affronter, armes à la main, les fameuses milices Kamuina Nsapu et ce, depuis plus d’un an maintenant. Les auteurs de cette allégation bizarre, ont pris le soin de la nuancer eux-mêmes en écrivant dans le même rapport que « les premiers éléments ne permettent pas encore au groupe de désigner les responsables des meurtres. Néanmoins, les preuves actuelles n’excluent pas l’implication de différents acteurs, telles que des factions Kamwina Nsapu pro et anti-gouvernementales, d’autres groupes armés ainsi que des membres des services de sécurité d’Etat », selon le rapport onusien cité par l’Afp.
Ces considérations totalement décousues dont la presse s’est faite l’écho la semaine dernière étonnent certains observateurs. Comme ce criminologue de l’Unikin interrogé par Le Maximum, qui déplore une incroyable légèreté dans cette lapalissade : « Un guet-apens est par principe un acte criminel prémédité. On ne voit pas pourquoi le rapport fait état d’un « guet-apens prémédité » comme s’il pouvait en être autrement », estime-t-il. Avant de se demander « pourquoi la préméditation criminelle dans le chef de miliciens qui avaient déjà tué des dizaines de centaines d’innocents plusieurs mois auparavant doit impliquer les services de sécurité de l’Etat rd congolais qui les combattent quotidiennement avec une telle détermination que certains membres du clergé local se sont émus de la réaction disproportionnée des forces gouvernementales ». Il y décèle une volonté délibérée de chercher coûte que coûte à incriminer Kinshasa dans ces atrocités.
Dans cette affaire du meurtre d’experts onusiens, tout a été fait pour dessaisir les structures judiciaires nationales de l’instruction du dossier. A la dernière session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, en juin dernier, c’est de haute lutte que la RD Congo a pu obtenir qu’une commission d’enquête internationale qui supplante ses propres technostructures judiciaires et in fine, nie l’existence de l’Etat, ne soit pas diligentée par la bureaucratie onusienne de Genève. Certains à l’ONU ne sont pas disposés à renoncer, comme ces nouveaux experts dont le rapport souligne que d’autres suspects cruciaux sont passés au travers des mailles du filet et dénoncent une faible coopération des forces de sécurité gouvernementales impliquées dans l’enquête. Comme pour justifier la nécessité, malgré tout, d’une équipée internationale judiciaire indépendante et en vase clos dans une RD Congo considérée comme un Etat-néant, malgré l’envoi d’enquêteurs suédois et américains et une commission d’enquête onusienne dont les conclusions sont attendues fin juillet.
J.N.