Le deal proposé par Kinshasa à l’administration de Donald Trump, qui consiste en l’échange des ressources minérales de la RDC contre un appui sécuritaire des Etats-Unis, semble entrer dans une phase concrète. A peine nommé Envoyé spécial du président américain pour l’Afrique le 1er avril 2025, Massad Boulos, a aussitôt visité Kinshasa où il est arrivé jeudi 3 avril. L’Américain d’origine libanaise est chargé de la mise en œuvre de la politique étrangère transactionnelle du nouveau locataire de la Maison Blanche. De bonne augure pour Kinshasa confronté à la boulimie chinoise et à l’hégémonisme prédateur rwandais.
Après avoir conféré avec le président Félix-Antoine Tshisekedi à Kinshasa, Massad Boulos devait se rendre à Kigali, Kampala et Nairobi, trois capitales très impliquées dans les violences qui déstabilisent l’Est de la République Démocratique du Congo. D’aucuns au sein de l’administration Tshisekedi sont convaincus que la fin des campagnes de déstabilisation récurrentes de l’Est congolais passent par un accord sécuritaire avec la première puissance mondiale concernant l’exploitation des fameux minerais critiques dont regorge le sous-sol des provinces incessamment écumées par les phalanges rwandaises depuis trente ans.

L’intérêt de l’administration Trump, engagée dans une lutte sans merci contre l’influence rampante de la Chine sur le continent africain, est une évidence. On rappelle que ces derniers jours, le sujet des voies et moyens de contrer l’influence galopante de Chinois peu regardant sur la légalité et les droits humains dans le secteur minier du continent a été évoqué notamment au Sénat US. «Les rapports confirment que les sanctions contre les réseaux dans les pays africains (Soudan, Sahel et Congo) ont complètement éloigné les partenaires bancaires mondiaux, car ils ne sont pas disposés à prendre le risque de distinguer les bons des mauvais acteurs du secteur minier. Cela pousse la plupart des bons acteurs à rejoindre les mauvais acteurs pour négocier avec la seule option restante en matière de financement du commerce et des mines : la Chine », témoigne à ce sujet M. Ndongala, un ancien haut fonctionnaire de la Chambre des représentants.
Participation dans le secteur minier
Les Etats-Unis sont donc décidés à mettre en œuvre une nouvelle approche de la participation américaine au secteur minier africain susceptible de réduire drastiquement l’hégémonie asiatique sans pour autant verser dans le laxisme manifesté par l’empire du milieu. A Kinshasa puis dans les autres capitales de la région, l’Envoyé spécial du président américain est venu proposer et clarifier les conditions américaines. Accompagné de la sous-secrétaire d’État adjointe aux Affaires africaines, Corina Sanders, Massad Boulos a rencontré, outre le chef de l’État, quelques officiels et chefs d’entreprises dans le but de promouvoir les investissements dans le secteur privé, notamment minier, africain. « Les Etats-Unis vont continuer à fournir l’aide extérieure. Mais nous voulons que notre aide soit stratégiquement alignée avec nos priorités de politique étrangère ainsi qu’avec celles des pays hôtes des Etats-Unis dont nous sommes les partenaires », a déclaré Marco Rubio, le secrétaire d’État américain, le 31 mars 2025.
L’influence rwandaise, ougandaise et kényane
Mais le deal semble loin d’être acquis pour Kinshasa, compte tenu de l’influence rwandaise, ougandaise et kényane, trois pays qui, selon certains observateurs, tirent d’énormes profits des ressources minières de la RDC et y entretiennent directement, ou par proxies interposés, une insécurité endémique à cette fin. Le tracé du premier périple africain de l’Envoyé spécial de Donald Trump ne doit donc rien au hasard. Massad Boulos se rend également dans les pays qui peuvent se prévaloir, eux aussi, de deals à proposer aux Américains. Même s’ils portent sur des ressources acquises en mode chinois, c’est-à-dire, illégalement. Mettre un terme au conflit armé de l’Est de la RDC nécessite de prendre langue avec ses instigateurs réels ou supposés. Reste donc à savoir de quel côté penchera ‘in fine’ la balance américaine à l’issue de la visite des émissaires de Trump dans la région.

En attendant, Kinshasa a pris soin de ménager sa monture. Deux jours avant l’arrivée des émissaires américains, le président Tshisekedi avait pris une série d’ordonnances commuant la peine de mort infligée à trois ressortissants américains condamnés à mort à la suite d’une tentative de coup d’État à Kinshasa à la servitude pénale à perpétuité. En sont bénéficiaires, Marcel Malanga Malu, Taylor Christa Thomson et Zalman Polun Benjamin, condamnés dans le cadre du procès sur le coup d’Etat du 19 mai 2024. Un bon début d’échange de bons procédés entre alliés stratégiques.
J.N.