Bis repetita. En décembre 2016, le Conseil des ministres de l’Union Européenne (UE) avait franchi le rubicon dans ses relations avec la RD Congo en adoptant des sanctions dites ciblées contre des responsables politiques et militaires rd congolais. Essentiellement, des mesures restrictives en matière de déplacement et un gel des avoirs à l’encontre des généraux Ilunga Kampete, Gabriel Amisi, Ferdinand Ilunga, Célestin Kanyama, John Numbi, Delphin Kayimbi et un haut cadre des Renseignements généraux, Roger Kibelisa. Pour les « punir » principalement à la suite des violences survenues au cours des manifestations publiques organisées par l’opposition radicale les 19, 20 et 21 septembre 2016, un trimestre plus tôt. Elles avaient occasionné mort d’hommes, destructions méchantes et pillages de biens des privés, incendies de sièges des partis politiques et de véhicules de la police dont des agents avaient été brûlés vifs. Des fillettes et des femmes avaient été violées pour n’avoir pas obéi au mot d’ordre des extrémistes de l’opposition. Curieusement, les sanctions de l’UE n’ont frappé que des responsables gouvernementaux, pas les opposants, manifestement commanditaires d’actes de violence et vandalisme à répétition, bien connus à Kinshasa et à Bruxelles.
Coup de pouce à l’opposition
Plus qu’un parti pris en faveur des radicaux de l’opposition, c’était un coup de pouce que Bruxelles leur donnait ainsi, alors que de nouvelles discussions politiques soutenues à bout de bras par l’UE et conduites par l’Eglise catholique romaine locale se tenaient à Kinshasa. « Le 19 décembre, date qui marque l’échéance constitutionnelle du mandat du Président Kabila, reste lourd d’incertitudes et de risques, après les récents épisodes de répression et de violations des droits fondamentaux », pouvaient-on lire dans le commentaire des préposés de l’UE, comme pour siffler la fin d’un match dont ils s’auto-désignaient les arbitres. Et d’annoncer « des mesures restrictives supplémentaires (qui) pourront être envisagées en cas d’obstruction du processus politique ou de nouvelles violences ». La menace était claire, et l’immixtion dans les affaires intérieures d’un Etat tiers (non européen), en l’occurrence la RD Congo, flagrante.
Selon la constitution rd congolaise, le 19 décembre 2016 marquait, certes, la fin du second et dernier mandat constitutionnel du Chef de l’Etat en place. Mais le constituant avait prévu une soupape de sécurité stipulant qu’au terme de son mandat, le Président de la République demeurait en place jusqu’à son remplacement par un nouveau Président élu. La priorité, en cas de dépassement des délais, consistait donc sensément à accélérer les préparatifs pour des élections, et non pas à stigmatiser inutilement une échéance déjà gérée par la constitution en vigueur. Mais comme ses poulains de l’opposition radicale, qui n’ont jamais dissimulé leur penchant pour des raccourcis putschistes pour s’emparer du pouvoir d’Etat, l’UE tenait à défenestrer rapidement Joseph Kabila. C’est à cela que servait l’allusion à la date du 19 décembre 2016. Les sanctions prises contre une brochette d’officiers généraux, dont on sait partout à travers le monde qu’ils exécutent des ordres reçus, ainsi que l’annonce de mesures supplémentaires traduisent une pression éhontée sur les parties prenantes au dialogue dit du Centre interdiocésain de Kinshasa. Au mieux (de leurs intérêts), les Européens souhaitaient que les discussions aboutissent à un changement à la tête des institutions. A défaut de cette perspective peu réaliste, ils en escomptaient la réduction drastique des pouvoirs dévolus au Chef de l’Etat pendant la période préélectorale. Le contraire étant considéré on ne sait pourquoi comme une « obstruction du processus politique ».
Assauts néocolonialistes
Manigancer pour obtenir le changement des dirigeants politiques d’un pays étranger, fût-il noir africain, c’est du néocolonialisme. L’Américain Obama, le Britannique Blair et le Français Sarkozy n’avaient pas agi autrement pour éliminer, Mouammar Kadhafi. Ils n’ont abouti qu’à raser sa Libye prospère et à déstabiliser de nombreux Etats en Afrique jusqu’à ce jour. Il en va de la RD Congo aujourd’hui comme il en allait durant la période la guerre froide. Face à l’essor des échanges entre le continent noir et l’Asie (Chine, Inde), l’Europe essaye de camper de force sur ses anciennes et riches colonies. C’est le retour en force des colonisateurs, par quelques pâles prêtes noms locaux présentés comme « opposants politiques réprimés ».
Le dialogue pro-européen piloté par des évêques catholiques ayant accouché d’une souris, Louis Michel, Didier Reynders et leurs complices sortent donc du bois en utilisant l’Union Européenne pour « finir le travail ». Malgré un accord politique arraché tard dans la nuit de la Saint Sylvestre 2016, que les parrains occidentaux s’étaient dépêchés d’applaudir de toutes leurs mains. Tant il semblait que l’objectif de rogner sur les pouvoirs du Président de la République en place et ainsi de le fragiliser irrémédiablement, était atteint. Ce sur quoi tout ce beau monde s’est gouré littéralement. Parce qu’en réalité les négociateurs s’étaient entre-piégés en postulant « le respect inconditionnel de la constitution en vigueur » en RD Congo. Laquelle reste conforme à l’évolution de la situation politique que les ambassadeurs de l’UE s’étaient jurés de suivre à la loupe. Pour que les objectifs assignés à leurs factotum locaux soient atteints.
Constitution respectée malgré tout
Tel n’a pas été le cas. A Kinshasa, un nouveau gouvernement issu du dialogue des calotins a vu le jour. Il est dirigé par l’ancien porte-parole de l’opposition radicale née à Genval à Bruxelles qui, entretemps s’était divisée : l’UDPS Bruno Tshibala Nzenzhe. Certes, une partie de l’opposition radicale coachée par l’UE et dirigée par Félix Tshilombo Tshisekedi et le katumbiste Pierre Lumbi a refusé de l’intégrer. Mais une partie importante y est allée, grossissant ainsi les rangs des opposants qui avaient déjà préféré se focaliser sur le processus électoral plutôt que d’opter pour la voie insurrectionnelle. Tandis que le processus électoral manifestement craint par les stratèges belges à la manœuvre dans l’UE a atteint un point de non-retour avec le lancement, dimanche 28 mai 2017, des opérations d’enrôlement dans la capitale Kinshasa. Après avoir été conduit avec succès dans une partie de l’arrière-pays, ait permis l’enrôlement de plus de 23 millions d’électeurs.
Ce n’était pas pour décourager les anciens colonisateurs qui marquent leur agitation avec l’annonce depuis le week-end dernier, de nouvelles sanctions sur d’autres personnalités proches dont la seule « culpabilité » est leur proximité d’avec le président Joseph Kabila. L’annonce avec une pompe inhabituelle de cette deuxième charrette vise à influer sur le nouveau cours des choses pour torpiller le processus en cours. Ce dont se chargent les valets locaux qui, tout en faisant semblant d’appeler les kinois à l’enrôlement, préparent la contestation des opérations en cours. En chœur, la plupart des dirigeants de l’opposition et d’organisations dites de la société civile qui leur sont proches exigent que la Commission Electorale Nationale Souveraine « enrôle 8 millions d’électeurs à Kinshasa », et pas les 4 millions conformément aux projections de l’administration électorale qui table sur le double du nombre d’électeurs des scrutins de 2011.
Retour du père fouettard
Que cherche l’UE en ciblant des personnalités très en vue (voir notre enquête « une histoire belge ») ? Qu’est-ce qui leur est reproché ? « Des violations graves des droits humains et le recours systématique à la force, principalement dans les régions du Kasaï, du Kivu, au Kongo Central et même dans la capitale Kinshasa », rapporte-t-on. Sans convaincre grand monde.
Le père-fouettard est de retour sous nos tropiques pour sanctionner ceux qui lui désobéissent, selon les critères que lui seul connaît et définit. Parce que sur les violences aux Kasai, on peut se demander si l’homme qui s’efforce de pacifier ces régions, Ramazani Shadari, est à féliciter ou à sanctionner. En quelques mois, le nouveau vice-premier ministre en charge de l’intérieur et des affaires coutumières à réussi à poser les jalons d’un retour durable à la paix en accordant aux détenteurs du pouvoir coutumier Kamwina Nsapu ce qui leur est dû : leurs pouvoir ancestraux dûment reconnus par l’Etat. En même temps que sous sa conduite, les forces de police sont à l’œuvre pour rétablir l’ordre public et la sécurité des personnes et des biens, plus malmenés par les terroristes Kamwina Nsapu dont les exactions ont dépassé les limites de cette province. Ces résultats appréciés par nombre d’observateurs ne font pas l’affaire de l’UE qui leur préfère la déstabilisation de la RDC à l’interne. Exactement comme une certaine opposition politique qui espérait tirer profit de la situation dans les Kasai pour … fragiliser le pouvoir en place à Kinshasa.
Les colons sont de retour ici, à l’évidence. Pas pour démocratiser le pays mais pour le régenter comme au bon vieux temps de leur « mission civilisatrice »
J.N.