Bientôt un an depuis qu’un tradi-praticien héritier d’un trône coutumier lançait, dans la périphérie de la ville Tshimbulu au Kasai Central, un mouvement de contestation contre l’autorité politique établie. D’abord dans sa province natale, dont le gouverneur MP, Alex Kande, tardait à lui reconnaître les droits successoraux à l’exercice du pouvoir coutumier Kamwina Nsapu. Ensuite, contre le pouvoir central et tous ses symboles, particulièrement les installations de la Commission Electorale Nationale Electorale (CENI), dont le péché impardonnable est de poursuivre un processus de démocratisation dans lequel une partie de la classe politique ne trouve manifestement pas son compte. Le mouvement insurrectionnel mis sur pied par Jean-Pierre Mpandi, composé de jeunes initiés aux pratiques fétichistes et convaincus de leur invincibilité, devant les armes à feu des policiers et soldats du gouvernement, particulièrement, a fait plus que long feu. Puisque comme un feu de brousse de sèche saison, il brûle quasiment l’ensemble des provinces kasaiennes et enfume les provinces voisines comme l’ex. Katanga, le Sankuru, la Lomami, et même le Kwilu.
Sympathie ou antipathie tribale ?
Sur l’enfer Kamwina Nsapu, inutile de se leurrer plus longtemps en entretenant l’abcès, estime chercheur en sciences pô de l’université de Kinshasa, qui s’est confié au Maximum au milieu de la semaine : l’insurrection, ainsi que le suggère son épicentre situé au Kasai Central, apparaît comme une nouvelle forme d’expression politique kasaïenne contre l’ordre politique en place. « C’est la seule explication à l’extrême rapidité de l’expansion d’un mouvement dont les crimes auraient dû révolter toute âme bien-pensante», selon l’interlocuteur du journal. Dans les Kasai, les terroristes Kamwina Nsapu bénéficient d’une sorte de sympathique complicité qui leur permet de se mouvoir impunément parmi une population civile qui convaincu plusieurs mois durant de la légitimité du mouvement. Impossible donc de ne pas voir derrière la complicité plus ou moins passive des populations la main, plus précisément, les idées revanchardes d’acteurs politiques locaux ou originaires des régions écumées par les fétichistes qui se réclament du défunt héritier du trône de Tshimbulu. « En 2011, c’est dans ces provinces kasaiennes qu’ont été enregistrées les plus fortes violences électorales », rappelle-t-on : « A Kananga, même des religieuses avaient été violentées par des sympathisants d’un parti politique de l’opposition extrémiste». Ce peut être donc pas un hasard si, au fil de l’évolution et de l’expansion du mouvement terroriste, il trahisse ses racines profondément tribales en s’attaquant, au-delà des symboles de l’Etat, à tout qui n’est pas lubaphone ou apparenté.
Sympathie complice, sympathie de tous
L’évolution de l’affaire Kamwina Nsapu, depuis quelques jours, n’est pas de nature à infirmer cette approche du problème. Même si on notait, depuis le lancement de l’insurrection au second semestre 2016, un silence aussi assourdissant que complice de l’élite politique locale ou originaire des régions kasaïennes proche de l’opposition. La répression de l’insurrection et les opérations de rétablissement de l’ordre public ont été présentées comme une agression contre le peuple d’expression luba, carrément. « Mon peuple se fait tuer », c’est l’expression consacrée de la quasi-totalité de ces acteurs politiques manifestement convaincus que la déstabilisation de Kinshasa pouvait germer de ce Kasai voulu révolutionnaire sans tenir compte du martyre enduré par de pauvres populations civiles. Que certains parmi eux aient plus qu’encouragé en sous-main le mouvement terroriste n’est donc pas pour surprendre. « Face à l’élan de sympathie complice des politiciens originaires des régions affectées par Kamwina Nsapu, il sera ardu d’identifier lesquels parmi eux n’ont pas été tenté par le raccourci insurrectionnel pour bousculer l’ordre établi », estime notre chercheur.
Sans doute, mais il reste que jusqu’à présent, un seul parmi les acteurs politiques central kasaien est formellement désigné du doigt : le député national MR Clément Kanku Bukassa wa Tshibwabwa. Que des enregistrements obtenus selon toute vraisemblance par les « services » accusent formellement. L’élu de Dibaya communiquait avec les insurgés, c’est le moins qu’on puisse affirmer à partir de révélations du quotidien US The New York Times. Mais il ne devrait pas être le seul à avoir conversé avec les excités et drogués qui semblaient pouvoir fragiliser Kinshasa, voire, compromettre un processus électoral honni. Démêler l’écheveau des complicités kasaiennes dans le terrorisme Kamwina Nsapu devrait s’avérer une tâche de longue haleine. Tout le monde peut avoir goûté à la sauce insurrectionnelle kasaienne, en ce compris le nouvel héritier du trône Kamwina Nsapu : selon les informations obtenues de bonne source, Jacques Kabeya, le nouveau chef Kamwina qui arborait « casquette tshisekediste » à sa réception au ministère de l’intérieur lundi dernier, est un membre du MR de Clément Kanku. L’homme résidait à Kinshasa jusqu’à il y a peu et fréquentait le siège du MR dans la commune de Lingwala avant d’être désigné remplaçant de Jean-Pierre Pandi, décédé au cours d’un affrontement armé avec les éléments de la PNC à Tshimbulu l’année dernière. Lourdes conséquences à tirer de cette information dûment contre vérifiée par Le Maximum.
MODESTE MBUYI.