En l’espace de 72 heures, des voix s’élèvent du Kasai Oriental, la province d’origine du défunt président de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), appelant Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi (Fatshi) à l’ordre et à l’humilité. Vendredi 12 mai, le président de la notabilité du Kasai Oriental qui s’adressait dans un langage sans ambages à Fatshi, l’a invité à mettre un terme au martyr que subit la mémoire de son défunt père dont la dépouille reste gardée au froid en Belgique plus de trois mois après son décès. Pour des raisons qui n’ont strictement rien à voir avec les mœurs funéraires admises dans la culture ancestrale et traditionnelle luba. Tout en faisant un appel du pied au Président de la République pour des négociations entre les autorités et la notabilité kasaïenne en vue de l’inhumation dans la dignité de celui qu’il considère comme « un grand notable du Kasaï Oriental », le président de la notabilité provinciale qui s’exprimait sur les ondes de la radio Top Congo FM, a appelé Fatshi et l’UDPS à se mettre à l’écart de ce dossier, au nom des traditions ancestrales. Lesquelles interdisent à un fils de s’occuper de l’inhumation paternelle lorsque des frères et des personnes appartenant au clan du défunt sont encore en vie. Sous peine de s’attirer l’ire des ancêtres. Selon lui, si Etienne Tshisekedi fut bien le patron de l’UDPS, il n’appartient cependant pas exclusivement à ce parti mais aussi et d’abord à sa province et à la RD Congo, son pays.
Dimanche 14 mai 2017, c’est le chef coutumier des Bakwa Lonji à Kabeya Kamwanga, le territoire d’origine du défunt Etienne Tshisekedi, qui est monté au créneau sur les mêmes ondes pour appeler le Président de la République à s’impliquer dans l’organisation des funérailles d’Etienne Tshisekedi ainsi qu’il l’avait fait pour son propre géniteur, Mzee Laurent-Désiré Kabila. Et invité Fatshi à solliciter la collaboration présidentielle en toute humilité pour assurer des obsèques dignes à son défunt parent.
Escalades des enchères
Les deux appels à la raison des notables kasaïens sont intervenus au moment où dans le camp du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (Rassop) aile Limete et de l’UDPS/Fatshi, les enchères autour des obsèques du sphinx de Limete grimpaient d’un cran. Après les incidents survenus 72 heures plus tôt, mardi 9 mai au siège de l’UDPS à Limete et au commissariat de police de la 10ème rue, non loin de là, qui ont vu un véhicule de la police incendié par des individus présentés comme des combattants, Félix Tshisekedi et son pré-carré ont réagi avec véhémence. Vendredi 12 mai, un communiqué du Rassop/Limete signé par Fatshi accusait les forces de police qui avaient investi le siège du parti de tous les maux d’Israël et appelé les combattants à une manifestation de protestation le 17 mai 2017, date anniversaire de l’arrivée au pouvoir de Mzee Laurent-Désiré Kabila, le tombeur de la dictature mobutiste.
A l’évidence, c’est un appel à l’affrontement dans les rues de la capitale entre partisans des deux leaders politiques défunts, dont les conséquences ne pouvaient qu’être imprévisibles. Et la manifestation d’une sorte de syndrome de Néron, ce roi qui fit incendier sa ville juste pour le plaisir psychopathique de la voir brûler, qui ronge le fils Tshisekedi au plus profond de son être, manifestement. L’appel à manifester le 17 mai succède, en effet, à un autre appel du genre, maladroitement dissimulé derrière la programmation unilatérale du rapatriement du corps d’Etienne Tshisekedi le 12 mai dernier. Les observateurs notent au sujet de ce qui apparaît de plus en plus comme une tentative de provoquer des incidents d’envergure à Kinshasa que le programme de rapatriement ne prévoyait aucune cérémonie funéraire d’usage en dehors de l’arrivée et de l’acheminement du corps vers une morgue de la place à travers les rues de la capitale. « C’est comme si on voulait faire traverser la capitale par une cargaison de bombes incendiaires allumées », commente un spécialiste de la sécurité qui s’est confié au Maximum sous le sceau de l’anonymat.
Un plan de vol complotiste
Des révélations tirées du plan de vol de l’aéronef qui devait ramener la dépouille mortelle d’Etienne Tshisekedi à Kinshasa renseignent que l’itinéraire choisi par les organisateurs du rapatriement incendiaire avait opté pour un transit par Le Caire (Egypte), qui permet un atterrissage tôt le matin, suivi de la traversée de la ville aux heures de grande affluence des kinois vers leurs lieux d’occupations quotidiennes. Et ce à l’insu des autorités urbaines chargées de la sécurisation, parce que malgré l’annonce du report de l’événement, l’UDPS ne l’avait pas formellement décommandé et aurait surpris tout le monde, n’eussent été les formalités administratives imposées par les Egyptiens, particulièrement.
Liées aux revendications du parti, ou de ce qui en reste, exprimées aux lendemains du décès d’Etienne Tshisekedi le 1er février dernier, les tergiversations belliqueuses autour des obsèques se comprennent mieux. A Kinshasa, nombreux sont ceux qui s’en souviennent encore, comme si cela s’était passé hier : contre l’offre présidentielle et gouvernementale d’assurer l’organisation d’obsèques dignes pour l’ancien 1er ministre et leader politique rd congolais que fut le défunt, le parti et une partie de la famille répliqua que seul un nouveau gouvernement, issu de négociations politiques qui paraissaient prometteuses pour Fatshi, pouvait se charger des obsèques de celui qu’on renomme, pour les besoins de la cause, président Tshisekedi. Tout comme on se souvient, puisque l’exigence est encore sur toutes les bouches aujourd’hui, de l’érection d’un caveau pour entreposer la dépouille pour la postérité, ainsi que des lieux choisis : la place dite du Pont Kasavubu ; le Palais du Peuple ou ses alentours, etc. Ce que visent les tshisekedistes, en deux mots comme en mille, c’est des obsèques hors normes qu’ils disent vouloir, pour on ne sait pour raison, calquer sur celles consacrées à Mzee Laurent-Désiré Kabila, troisième Président de la RDC assassiné dans son palais en 2001. Aussi peu rationnelle que paraisse cette exigence, c’est bien de cela qu’il s’agit : rendre des honneurs dignes d’un Chef d’Etat à Etienne Tshisekedi. En affrontant dans la rue ceux qui lui disputeraient ce titre posthume à la limite de l’usurpation s’il le faut.
J.N.