L’affaire fait grand bruit depuis sa révélation par les médias mondiaux occidentaux, les mêmes qui se chargent de coudre et découdre les intrigues politiques sous les tropiques.
Selon une dépêche de l’Afp datée du mercredi 3 mai 2017, un rapport secret des évêques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) adressé fin mars dernier au Président de la République, Joseph Kabila, plaide rien moins que pour le retour « en homme libre » de Moïse Katumbi au pays. Parce que les poursuites engagées par la justice rd congolaise contre l’ancien gouverneur de l’ex province du Katanga passé récemment à l’opposition relèveraient de la mascarade. Les affaires impliquant Moïse Katumbi Chapwe, qui fait l’objet de poursuites pour atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat et d’une condamnation à 3 ans de prison ferme pour spoliation d’un immeuble appartenant à un sujet grec, seraient donc aussi simples qu’un contentieux autour d’un résultat de match de football.
Nos confrères de l’Afp ne s’en cachent point. Le rapport confidentiel qui plaide pour « le retrait » de la décision d’arrestation immédiate de M. Katumbi et son « retour en homme libre afin qu’il exerce ses droits civils et politiques » en RD Congo, leur est parvenu le jour de sa publication, le mercredi 3 mai 2017, donc. Même s’il résulte d’enquêtes menées par la CENCO alors qu’elle conduisait la médiation entre le pouvoir et l’opposition politique qui a abouti à la signature de l’accord dit de la Saint Sylvestre, le 31 décembre dernier.
L’Afp n’est pas seule à avoir eu le privilège de parcourir le « jugement clérical ». Nos confrères de Jeune Afrique, eux aussi, sont, comme par hasard, tombés sur le même parchemin, le même jour, dans les mêmes circonstances, selon toute vraisemblance. Trésor Kibangula, le spécialiste ès RD Congo de l’hebdomadaire franco-africain écrit que « Jeune Afrique a pu consulter mercredi le rapport de la commission ad hoc sur la décrispation politique en RDC adressé fin mars au président Kabila ». Avant d’expliquer comment leurs excellences en sont arrivées à la conclusion que les poursuites engagées contre Moïse Katumbi et Jean-Claude Muyambo relevaient de la mascarade et de l’acharnement contre des adversaires politiques. C’est en « échangeant » avec les différentes institutions et personnalités intervenues dans les dossiers concernés, à Lubumbashi, Kinshasa, Bruxelles et Paris que Mgrs Félicien Mwanama (évêquee de Luiza), Nicolas Djomo (évêque de Tshumbe), Fidèle Nsielele (évêque de Kisantu) ainsi que l’abbé Symphorien Lopoke, Me Chris-Cicéron Bakuma (avocat conseil de la Cenco) et Godefroid Manzala (procureur général émérite) ont fait mieux que les fins limiers des services de sécurité et ceux de la justice rd congolaise en découvrant de « graves irrégularités tant dans la cause et l’objet du litige que dans la forme du droit », rapporte Jeune Afrique. En fait, il s’agirait « d’incohérences dans la chronologie des faits imputés à l’opposant », qui emmènent les calottes sacrées à trancher comme dans du beurre en décrétant qu’il y a « toutes les raisons de croire que ces actes et pièces pour lesquels M. Moïse Katumbi est mis en cause sont fabriqués dans le seul but de l’inviter à ce procès et le condamner alors que les problèmes de fond évoqués devraient en principe concerner l’Etat congolais et M. Raphaël Katebe Katoto (…) jusque-là détenteur du vrai titre non annulé et dûment reconnu par l’Etat ».
A l’évidence, le rapport-brûlot anti-Kabila concocté par les princes de l’église catholique romaine rd congolaise fera couler encre et salive, pour longtemps encore, tant il transpire un parti-pris sans vergogne. Nos confrères de Jeune Afrique particulièrement ne s’en cachent pas tout à fait lorsqu’ils révèlent que l’enquête cléricale sur ce dossier a été diligentée sans le consentement d’une des principales parties prenantes aux concertations du centre interdiocésain de Kinshasa, la majorité présidentielle au pouvoir en RD Congo. Les conclusions cléricales, qui jettent en pâture l’ensemble de la justice rd congolaise qu’elles semblent vouloir discréditer, énervent crânement le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs dans tout Etat de droit démocratique dont on peut raisonnablement douter maintenant que l’Eglise catholique romaine rd congolaise soit le plus grand héraut, ainsi que l’atteste l’histoire politique au pays de Patrice Emery Lumumba. Dans le cas d’espèce, les évêques catholiques, manifestement acquis à la cause de l’opposition politique en RD Congo, se lancent tête baissée dans une version de la décrispation politique qui discrédite et en impose au nom de sacro-saints principes contestables à plus d’un égard. La réaction de l’Abbé Nshole, le secrétaire général de la CENCO, à la publication du rapport des évêques relatif au dossier Katumbi trahit ce penchant pour une des parties à concilier en RD Congo. Interrogé par la presse, le porte-parole des évêques catholiques ne nie ni l’existence du rapport ni sa transmission au président de la République. Donatien Nshole s’étonne, à peine, de la diffusion dans la presse d’un document qui n’a jamais été transmis qu’à deux personnalités : Moïse Katumbi Chapwe et Joseph Kabila.
Pour les observateurs de l’arène politique rd congolaise, il n’y a point de surprise ni de hasard entre la transmission, mercredi dernier, du rapport qui « blanchit » Katumbi à la presse et l’annonce avec fracas du nouveau plan de bataille de l’aile demeurée radicale du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement réunie à Bruxelles sous la présidence de Katumbi : nanti de l’onction des princes de l’église catholique romaine rd congolaise, l’ex.gouverneur du Katanga et ses affidés reprennent donc les sentiers de la guerre. Objectif : accéder au pouvoir par des voies insurrectionnelles.
24 heures seulement avant la publication d’un rapport clérical qui n’avait plus de raison d’être après l’échec de la mission des bons offices entreprise par la CENCO il y a plusieurs semaines, le RasOp/Limete montait au créneau pour annoncer les prochaines bagarres avec le pouvoir en place à Kinshasa. Au cours d’un point de presse on ne peut plus belliqueux, Jean-Marc Kabund, le très katumbiste secrétaire général de l’UDPS/Tshisekedi (ou de ce qui en reste) annonçait le retour en fanfare, sans coordination avec les autorités, de la dépouille mortelle d’Etienne Tshisekedi, le président de l’UDPS décédé à Bruxelles il y a près d’un trimestre. Plutôt comme un épouvantail, parce que le parti décide unilatéralement du lieu des obsèques et de l’inhumation de l’illustre disparu : le Palais du Peuple de Kinshasa et le siège de l’UDPS en pleine cité résidentielle à Limete. Des obsèques en forme de baroud d’honneur parce qu’elles ne tiennent pas compte de l’existence d’un pouvoir établi en RD Congo en général et dans la capitale Kinshasa en particulier. Ce dont l’ancien parti politique d’Etienne Tshisekedi ne se cache nullement, d’ailleurs, parce que Jean-Marc Kabund a carrément appelé les « combattants » à « se prendre en charge ». En attendant que l’aile du RasOp qui siège à Limete tienne un conclave qui décidera des « actions funéraires » dignes du défunt lider maximo…
Les évêques de l’Eglise catholique rd congolaise auront ainsi joué leur rôle d’opposants au pouvoir politique en place en RD Congo jusqu’au bout : en accordant leur onction à Moïse Katumbi, offrant ainsi des justifications supplémentaires à la stratégie insurrectionnelle rêvée par la frange radicale de l’opposition et ses mentors néolibéraux belges pour faire main basse sur le Congo et ses immenses potentialités.
J.N.
BONS OFFICES AD INFINITUM DES CATHOLIQUES : La stratégie insurrectionnelle de Katumbi bénie par la Cenco
