La signature de l’Arrangement Particulier portant mesures d’applications de l’Accord politique global du Centre interdiocésain, signé le 31 décembre dernier par les parties prenantes aux pourparlers modérés par la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) n’a, en fin de compte, pas eu lieu. Et ce, malgré une journée et une nuit passée à discuter, vendredi 27 janvier 2017, suivi d’une autre journée de travail 24 heures plus tard, le samedi 28. La Majorité présidentielle et le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement n’ont pas su consentir les dernières concessions qui auraient permis de boucler la seconde des pourparlers du Centre interdiocésain de Kinshasa.
Tard dans la nuit, samedi dernier, les évêques de la Cenco ont donc piteusement rendu public un document présentant « la synthèse des acquis et les points d’achoppement ». En guise d’acquis, le format du gouvernement d’union national à venir le profil du 1er ministre et des membres du gouvernement ; le Conseil National de Suivi de l’Accord et du Processus électoral (CNSA) ; le profil des membres du CNSA ; et le rôle et la place des vice-présidents du CNSA.
Points de blocages prévisibles
Au chapitre des points qui bloquent figurent le mode de désignation du 1er ministre, la nomenclature des ministères (affectation entre parties prenantes), le chronogramme concernant la date de nomination du 1er ministre et le déroulement des activités, ainsi que le rôle de la CENCO durant la période charnière d’ici les prochaines élections.
Cependant, de l’aveu des évêques qui assurent les bons offices pour ces discussions directes du Centre interdiocésain eux-mêmes, c’est le problème des modalités de désignation du 1er ministre qui fâche le plus, entre la Majorité présidentielle (MP) et l’opposition. La MP s’en tient à sa position de principe, tirée du prescrit de l’article 78 de la constitution de 2006, selon laquelle le Rassemblement de l’opposition, dorénavant assimilé à une composante de la majorité parlementaire, conformément à l’Accord dit de la Saint Sylvestre, propose une liste de 3 à 5 candidats premiers ministres à soumettre au pouvoir discrétionnaire du Président de la République. Tandis que le RasOp estime ne devoir présenter qu’un seul nom du (déjà) premier ministre à nommer, ou plutôt à entériner, par le Chef de l’Etat.
Derrière ce qui ressemble à une guerre de nombre, 3 à 5 candidats ou 1 seul, se dissimule en réalité tout l’enjeu des pourparlers facilités depuis décembre dernier par les évêques de la CENCO : le partage du pouvoir avec Joseph Kabila et sa MP, doublé d’une sévère réduction des prérogatives présidentielles, mêmes constitutionnelles.
Partage acquis
Sur le partage du pouvoir, l’essentiel semble acquis. Il a été admis, depuis jeudi 26 janvier dernier, que la MP serait représentée par 18 ministres et 3 vice-ministres ; le RasOp par 13 ministres ; l’opposition signataire de l’Accord du 18 octobre 2016 par 8 ministres ; l’opposition républicaine de Léon Kengo par 2 ministres ; et la société civile par 2 ministres. Ne reste plus, sur ce dossier de la répartition des portefeuilles ministériels, que le problème, tout aussi épineux, de l’affectation des ministères de souveraineté (Défense Nationale, Affaires Etrangères, Justice, Intérieur…) et d’autres, jugés stratégiques.
C’est donc sur le refus par le Rassemblement de reconnaître les prérogatives constitutionnelles dévolues au Président de la République dans le processus de désignation d’un Premier ministre que portent les discordances déplorées. Sur le mode de désignation du 1er ministre, l’Accord de la Saint Sylvestre stipule que « Le Gouvernement de la République est dirigé par le Premier Ministre présenté par l’Opposition politique non signataire de l’Accord du 18 octobre 2016/Rassemblement et nommé par le Président de la République conformément à l’article 78 de la Constitution ». Là où la constitution elle-même mentionne que « Le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement » (Art. 78, al. 1). A première vue, aucune contradiction entre les deux textes donc. Mais dans le fond se dégage bien le fait que la lecture faite par les partisans de M. Tshisekedi du texte de l’Accord enlève au Président de la République la possibilité de choix induite par le pouvoir de nommer. La constitution ne prévoit nullement que l’on impose au Chef de l’Etat un choix unique, explique-t-on à la MP. Si la provenance du futur 1er ministre ne pose pas problème, conformément à l’Accord de la Saint Sylvestre, la manière de le nommer en pose parce qu’elle limite l’étendue des pouvoirs du Président de la République en la matière par rapport à ce que lui confère la constitution à laquelle tous ont pourtant décidé d’en référer en dernière instance.
La question du partage du pouvoir durant la période charnière qui court d’ici les prochaines élections se double donc, insidieusement, d’une sorte de tentative de réduction des pouvoirs présidentiels qui n’a, à aucun moment, été envisagée par les négociateurs du Centre interdiocésain. Surtout pas par sa famille politique, la MP. Et c’est là tout le problème du blocage qui se répercute sur le reste des points d’achoppement. Lorsqu’elle stipule que le Chef de l’Etat reste en fonction jusqu’à son remplacement par le nouveau Chef de l’Etat élu, l’article 70, alinéa 2 de la constitution n’indique nulle part que le Président de la République soit, en cette circonstance dépouillé de quelque prérogative que ce soit au profit de qui que ce soit. Or, le Rassemblement s’acharne à prétendre que du fait qu’il serait « coupable » de n’avoir pas pu organiser les élections dans les délais, le Président a perdu une partie de ses prérogatives…
Les blocages sur la question du partage des portefeuilles ministériels dits de souveraineté, sur le rôle de la CENCO durant la période charnière d’ici la tenue des élections, se fondent eux aussi sur cette réduction insidieuse des pouvoirs présidentiels. « Tout se passe comme si nos amis du Rassop tentaient d’induire des modifications constitutionnelles sans le crier tout haut », explique au Maximum un délégué de la MP à ce sujet.
En définitive, le problème qui se pose est celui de la plénitude des pouvoirs présidentiels durant la période à venir.
J.N.