C’est une véritable douche froide. Et elle émane d’une sommité scientifique au-dessus de tout soupçon de compromission : Didier Mauss, constitutionnaliste et conseiller d’Etat français. Et est de nature à ébranler l’argumentaire principal de l’opposition tshisekediste-katumbiste qui se fonde sur un vide présumé au sommet de l’Etat rd congolais le 19 décembre prochain, à l’échéance légale du mandat du Président de la République, Joseph Kabila Kabange. En pleine polémique sur l’interprétation politique du 2ème alinéa de l’article 70 de la constitution, la lecture juridique de la loi fondamentale congolaise par cet éminent constitutionnaliste français vaut la peine qu’on s’y arrête. Parce qu’elle jette un véritable pavé dans la marre à crocodiles rd congolaise. Au cours d’une conférence-débat sur les arrêts querellés de la Cour constitutionnelle au pays de Lumumba, Didier Maus tranche, ferme : il “est impossible en l’état d’appliquer l’article 75 parce que l’article 70, alinéa 2 existe“.
“Il n’y aura pas vacance à la tête de l’état”
Au cours d’une séance organisée par l’avocate congolaise Me Waleka Kitoko, le rapporteur général de la Commission des archives constitutionnelles de la Vème République française a estimé que “la Cour (constitutionnelle congolaise) a eu raison de faire valoir l’article 70…, parce que notamment si on fait prévaloir l’article 75, l’article 70 ne servirait plus à rien car il est évident que la situation qui survient à la fin du mandat du président, n’existe pas quelques jours auparavant. On ne peut pas anticiper et donc qu’il y a un effet utile de l’article 70, alinéa 2“.
Or, le droit prévoit que lorsqu’il y a une disposition précise, il faut lui donner une portée, enseigne-t-il, argumentant imparablement.
Pour Didier Maus, la vacance ne s’exerce donc pas dans le cas du 19 décembre. “Il n’y a évidemment pas de raisons de l’appliquer (en RDC) car nous ne sommes pas dans le cas d’une fin de mandat programmée avec des élections anticipées“, comme le prévoit un cas de vacance.
Car “le président en fonction est en état d’exercer sa fonction“.
Si on n’appliquait pas l’article 70, alinéa 2, “on le viderait de son sens, on le rendrait complètement inutile. On aurait une disposition de la constitution qui ne servirait à rien“.
Il est clair pour Didier Maus que “la constitution prévoit le cas où l’élection n’a pas pu être organisée à temps. On a une disposition qui est relativement claire“.
Sur le quorum à la cour constitutionnelle
“Si des membres de la cour constitutionnelle ne veulent pas siéger à la cour, elle peut statuer compte tenu de la volonté de blocage de certains membres…” Et ce, au nom de la continuité, estime Didier Mais car “sinon, c’est reconnaître aux membres d’une cour la possibilité de bloquer l’institution pour des raisons qui leur appartiennent… Alors que l’obligation première d’un juge est de juger. Et le principe fondamental en matière juridictionnelle est qu’un juge n’a pas le droit de s’abstenir, il peut se déporter s’il est concerné mais il n’a pas le droit de ne pas avoir d’avis. Il doit opiner sur la question qui lui est soumise“.
Dans le cas de la RDC, les membres de la cour n’avaient pas envie d’opiner ce qui est dans leur chef un manquement. “Est-ce que des juges ont vocation à bloquer le fonctionnement d’une cour constitutionnelle“, s’interroge Didier Maus.
La cour constitutionnelle “a eu raison de statuer car elle avait alors la majorité de ses membres (5/9), car devant autant que possible remplir la mission constitutionnelle qui est la sienne. Le blocage n’étant pas dans le mandat d’un juge“.
Le Maximum l’avait noté en son temps : la haute cour n’est pas une institution académique ou scientifique, même si des sommités scientifiques y siège comme juges.
J.N.