Tension perceptible à Bukavu, le chef-lieu de la province du Sud-Kivu depuis quelque 72 heures. Le 15 novembre 2016, les autorités de cette institution d’enseignement supérieur ont invité les étudiants à prendre position devant l’immeuble à appartements situé au n° 2 de l’avenue Mbaki, et d’empêcher huissiers de justice et agents de l’ordre d’en déguerpir les occupants. Au moins six familles de professeurs de l’ISP Bukavu logent dans cet immeuble querellé depuis près de 20 ans, sans s’acquitter du moindre loyer, sous prétexte que l’édifice serait une propriété de l’Institut. Plus facile à dire qu’à prouver, cependant.
Parce qu’au terme d’un jugement contradictoire en bonne et due forme rendu sous RC 7558 le 7 mai 2009, le tribunal de grande instance de Bukavu avait ordonné le déguerpissement des enseignants de l’ISP. Qui ne s’en tirèrent qu’en s’abritant derrière l’instrumentalisation d’étudiants appelés à leur rescousse.
Selon les informations parvenues au Maximum, les autorités de l’ISP profitèrent de ce répit pour tenter d’obtenir les documents cadastraux relatifs à l’immeuble querellé, y compris en usant de faux et usage de faux. Les services cadastraux de Bukavu, sollicités pour établir un certificat d’enregistrement de l’immeuble de l’avenue Mbaki en faveur de l’ISP s’y sont refusés, au motif qu’un certificat sur le même immeuble, propriété de Sieur Matali Shabazz, existait. Et que seule une décision de justice leur permettrait de l’annuler. Les autorités de l’ISP se seraient tout de même procurés des documents, manifestement faux, puisqu’ils ont été attaqués en justice et reconnus comme tels. Le 31 octobre 2013, la Cour d’Appel de Bukavu a débouté l’ISP dans la cause l’opposant à un conservateur des titres immobiliers décédé depuis quinze ans, qui aurait délivré le certificat d’enregistrement de l’immeuble querellé, relançant ainsi la procédure d’exécution du jugement de déguerpissement. C’est ce qui a été relancé le 11 novembre dernier, et entraîné l’appel à manifester lancé par les autorités de l’ISP.
Les sources du Maximum à Bukavu rapportent que depuis lors, la situation reste tendue dans la ville, où des étudiants auraient tenté de prendre d’assaut une des propriétés de Sieur Matali dans la ville. Même si, au sujet de l’exécution de cette décision judiciaire, les plus hautes autorités du pays ont été saisies par le requérant. Au mois d’avril 2016, Augustin Matata Ponyo, le Premier ministre en personne, s’était déjà ému des refus d’exécution des condamnations par les personnes morales de droit public dans une correspondance adressée aux vices-premiers ministres, aux ministres d’Etat et aux ministres. « Devant la nécessité de consolider l’Etat de droit et de lutter contre toutes formes d’impunité, je vous demande de favoriser, dans vos secteurs respectifs, l’exécution des verdicts des cours et tribunaux régulièrement rendus en défaveur des structures sous tutelle des ministères dont vous assumez la responsabilité », intimait-il. Et, en septembre dernier, le ministre de la justice, Alexis Thambwe Mwamba, saisi au sujet de l’immeuble de l’avenue Mbaki à Bukavu, demandait des éclaircissements sur le dossier à son collègue de l’Enseignement Supérieur et Universitaire. « Il ressort des pièces soumises à l’étude que ledit jugement, qui plus est est assorti d’une clause exécutoire, ne se heurte à aucun obstacle légal quant à son exécution, faute d’un arrêt de la Cour d’appel ordonnant la défense à exécuter ». Il ne semble pas que la moindre précision contraire à la décision d’exécuter ait été transmise à qui que ce soit. Affaire à suivre.
Paul KASONGO
Correspondance Particulière.