La délégation onusienne composée d’un panel d’ambassadeurs des pays membres du conseil de sécurité, annoncée depuis plusieurs semaines, a finalement foulé le sol de la RD Congo par Kinshasa la capitale, le week-end dernier. Et rencontré la quasi-totalité du gotha politique national, à commencer par le Président de la République, Joseph Kabila, avec qui les 15 ont longuement conféré samedi dernier. Ceci explique-t-il cela ? A certains égards, sans doute. A Kinshasa, comme toujours, le séjour des diplomates du conseil de sécurité a été présenté comme une sorte d’épée de Damoclès suspendue sur la tête des animateurs du pouvoir en place à Kinshasa. C’est à peine exagéré d’affirmer que d’aucuns espéraient que la délégation onusienne se rendait à Kinshasa pour dire son fait à Joseph Kabila. La rencontre entre le Président de la République et les émissaires onusiens, même empreinte de la courtoisie de mise en pareilles circonstances, n’en a pas été moins empreinte de la plus ferme franchise. Connu pour sa réserve légendaire, Joseph Kabila a dû recadrer l’un ou l’autre ambassadeur occidental qui s’est hasardé à pousser le bouton un trop fort, à son goût. L’information avait fuité tout le week-end dernier, avant d’être confirmé dans le plus petit détail, par Lambert Mende Omalanga, le porte-parole du gouvernement qui a animé un point de presse d’au-revoir lundi 14 novembre 2016.
Mission d’évaluation
En principe, le panel d’ambassadeurs des Etats membres du conseil de sécurité s’est rendu en RD Congo pour évaluer l’application de la Résolution 2277 du 16 mars 2016, entre autres. Principalement en ce qu’elle met l’accent sur « l’importance cruciale de la tenue, dans les délais prévus par la Constitution, d’élections pacifiques, crédibles, inclusives et transparentes ». Avec le Chef de l’Etat, l’entretien a duré plus d’une heure et demie, selon la presse officielle. Soit plus de 90 minutes passées à entendre les jérémiades habituelles d’une certaine communauté internationale à l’étroit dans ses chaussures de partenaire d’Etats indépendants et souverains du monde, et qui éprouve le plus grand mal du monde à ne pas se substituer au peuple et aux institutions de la RD Congo. Mais aussi pour expliquer à ceux des membres de la délégation onusienne encore épris de quelque bon sens et de la considération due à un Etat membre de l’ONU les problèmes rencontrés dans la mise en œuvre du processus électoral rd congolais et les progrès enregistrés.
Les réactions des membres de la délégation onusienne sur les médias illustrent les divergences de vue dans l’acception de la mission onusienne à Kinshasa. Si les deux chefs de la délégation onusienne ont été clairs quant à la nécessité de préserver la paix, reconnaissant que le dialogue politique de la Cité de l’Oua constituait une base de départ pour l’organisation d’élections apaisées, même s’il gagnerait à être élargi, il en va tout autrement de l’ambassadeur britannique. Sur son compte Tweeter, l’homme d’Etat britannique ne s’est pas empêché d’accuser Joseph Kabila d’avoir évoqué la possibilité d’une révision constitutionnelle.
Grande Bretagne néo-colonialiste ?
En réalité, le représentant de la Grande Bretagne au Conseil de sécurité avait eu l’outrecuidance de demander à Joseph Kabila des éclaircissements au sujet d’un éventuel troisième mandat présidentiel à la tête de la RD Congo. La question, qui ne tient pas compte des prescrits de la constitution de la RD Congo et de l’évolution du dialogue entre acteurs politiques rd congolais, notamment depuis que les évêques catholiques se sont chargés de concilier les vues entre les acteurs politiques rd congolais, semble avoir agacé Joseph Kabila au plus haut point. Le Chef de l’Etat rd congolais a rétorqué en se disant étonné que la question des mandats présidentiels préoccupe à ce point le conseil de sécurité alors que la RD Congo était entourée de pays où le même problème, omniprésent, ne semble inquiéter personne. Dans la foulée, en réponse à la question récurrente dans une certaine communauté internationale de savoir s’il respecterait la constitution, Joseph Kabila a répliqué en s’interrogeant si elle n’était pas révisable. Carrément.
Le reste de ce bras de fer, c’est le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, qui le livre à la presse internationale avant d’éclairer l’opinion national dans une prestation d’au-revoir qui devrait demeurer mémorable : à ses interlocuteurs, samedi dernier au Palais de la Nation, Joseph Kabila a rappelé sans trop d’ambages le passé complexe des relations entre la RD Congo et l’ONU, qui remonte à l’exécution de Patrice-Emery Lumumba, le 1er premier ministre démocratiquement élu de la RD Congo. Celui qui est devenu le héros national de la RD Congo avait été déporté de Kinshasa à Lubumbashi où il fut assassiné malgré la présence de missions onusiennes dans les deux villes rd congolaises.
RD Congo – Onu : bilan mitigé depuis 56 ans
Mais aussi, que 56 ans après la première intervention onusienne en RD Congo, qu’une situation de crise nécessite une nouvelle intervention de type visite d’ambassadeurs des pays membres du conseil de sécurité des Nations-Unies en RD Congo trahit un problème qui ne dit pas son nom. « Joseph Kabila a souhaité que la 13ème visite des membres du conseil de sécurité en RD Congo soit la dernière », rapportent des médias occidentaux.
Néanmoins, s’agissant de la Résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations-Unies, force est de constater qu’elle désormais caduque, compte tenu de l’évolution de la situation politique sur le terrain en RD Congo.
Des concertations engagées par les prélats de l’église catholique, il ressort que tous les acteurs politiques du pays se sont rendus à l’évidence : il est impossible de tenir des scrutins crédibles en 2016. L’opposition radicale réunie sous la bannière du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, le Mouvement de Libération du Congo de Jean-Pierre Bemba Gombo, les seules franges de l’opposition politique rd congolaise demeurées en marge du dialogue politique de la Cité de l’OUA et réfractaires à l’accord politique conclu au terme de ces assises entre les parties prenantes proposent que les élections se tiennent en 2017. Elle est donc dépassée, la question de la fétichisation des dates derrière laquelle se dissimule maladroitement l’exigence du départ de Joseph Kabila du pouvoir au plus tard le 20 décembre 2016. Autant qu’elle rend caduque la partie de la Résolution 2277 qui insiste sur l’organisation des élections, notamment de la présidentielle, conformément à la constitution. Tous seuls, les acteurs politiques de la RD Congo, toutes tendances confondues, avaient donc déjà fait évoluer la question avant l’arrivée des 15 du conseil de sécurité. La question qui se pose est de savoir pourquoi cette fameuse communauté internationale ne laisse par les rd congolais régler leurs différends, quels qu’ils soient, en adultes. Samedi dernier au Palais de la Nation à Kinshasa, Joseph Kabila s’en est franchement inquiété, ainsi que le rapporte Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement sortant. (Texte intégral du point de presse ci-après).
J.N.