Cela fait cinq jours de suite, depuis que Radio France Internationale et la radio onusienne Okapi ne sont plus captées en RD Congo. Tout au moins en fréquences modulées (FM). A Kinshasa et Lubumbashi, particulièrement, les autorités provinciales avaient estimé que les deux radios contribuaient à l’aggravation de la situation sécuritaire mise à mal par les manifestations politiques organisées par les radicaux de l’opposition. « Elles mettent de l’huile sur le feux », a laconiquement expliqué au Maximum une source au gouvernement provincial de Kinshasa. Mais il y a sans doute plus que cela.
A Kinshasa et dans de nombreuses villes de la RD Congo, on s’y fait, cependant. La capitale de la RD Congo, particulièrement, est arrosée à longueur de journée par une cinquantaine de radios, dont des stations internationales comme la britannique BBC, l’allemande Deutsche Welle, l’américaine VOA, la gabonaise Africa N° 1. Même les belges de la RTBF 1 sont captées en FM 24 heures sur 24 à Kinshasa. Deux radio de moins, ça ne tue donc manifestement personne. Encore que ceux des auditeurs qui tiennent coûte que coûte à s’informer par ces radios gardent la possibilité de les suivre sur internet ou en ondes courtes ou moyennes.
Néanmoins, que des boucliers se lèvent de partout à travers l’Occident pour contester aux autorités de la RD Congo le droit de censurer de réduire au silence des médias audiovisuels qu’elles jugent déstabilisateurs (pour ne pas dire désintégrateurs, carrément) paraît symptomatique d’un excès de « bonne volonté d’informer » les populations (non informées) rd congolaises. Cela peut paraître aussi bien suspect que curieux : qui, finalement, est demandeur d’informations diffusées par la RFI et Okapi ? L’informateur ou l’informé ? Si c’est ce dernier, ne faudrait-il pas le laisser demander d’être informé par ces radios ?
Ce n’est pas un secret, parce que ce n’est pas la première fois que Kinshasa a maille à partir avec la radio dite mondiale, RFI. Et avec la radio dite « de la paix » onusienne Okapi. En ce qui concerne la chaîne française, Kinshasa considère qu’elle en fait trop en faveur de l’opposition politique. Au point de malmener sérieusement le sacro-saint principe universel du traitement équilibré de l’information. De cela, on ne s’en cache point. Lambert Mende Omalanga, le ministre rd congolais de la communication et porte-parole du gouvernement l’a déclaré sans ambages à la presse, au début de la semaine : le gouvernement provincial de Kinshasa et celui du Haut Katanga considèrent la RFI comme une caisse de résonance des messages d’une certaine opposition extrémiste défiant les mesures d’ordre public et de sécurité prises par les pouvoirs publics, a-t-il expliqué, commentant les mesures prises suite à l’annonce de nouvelles manifestations annoncées pour le 5 novembre dernier et interdites par les municipalités de Kinshasa et de Lubumbashi. Le ministre Mende a même accusé RFI de « jouer pratiquement le rôle d’attaché de presse de groupes extrémistes », selon des confrères. Ci-git le problème, donc. Et il serait, assurément, exagéré de considérer que les deux médias frappés sont aussi saints que le Pape dans cette saga hautement politique.
Interrogé par Le Maximum, une source proche du gouvernement accuse carrément RFI de vouloir « burundiser » la RD Congo : « Il devient clair qu’ils veulent rééditer leur exploit remarquable au Burundi, où ils s’escriment pour présenter un Chef d’Etat hutu, groupe majoritaire dans le pays, comme n’ayant que des opposants à son régime, un mensonge cousu de fil blanc ! », déplore cette source. Une autre source, au ministère de l’Intérieur et de la sécurité rd congolais, relève que si la chaîne publique française grouille de reportages enflammés sur les « exploits » de l’opposition radicale rd congolaise, allant jusqu’à diffuser des comptes rendus de réunions des « parlements debout » de l’UDPS, on observe un mutisme plat sur les activités des groupes similaires proches de la majorité, comme ceux du Palu qui pullulent à Kinshasa. Cela aussi, hélas, n’est pas tout à fait faux. Des informations diffusées par RFI, il n’apparaît même pas que d’autres partis comme le PPRD de Joseph Kabila, le PALU d’Antoine Gizenga, l’autre gourou de de l’arène politique rd congolaise, ou la CCU de Lambert Mende, existent encore en RD Congo.
La question du traitement équilibré de l’information ne semble pas avoir trouvé de réponse adéquate jusqu’à ce jour sur cette chaîne. En tout cas pas aux yeux des autorités en place et de la majorité présidentielle. « C’est de haute lutte que les opinions du gouvernement et des forces politiques qui le soutiennent sont relayées sur RFI. Il faut souvent, trop souvent les réclamer, voire les exiger », confie une source au cabinet du ministre de la Communication et des médias, sur avenue Tombalbaye à Gombe.
La radio onusienne Okapi, dite « radio de la paix », semble quant à elle, s’être auto transformée en une véritable radio de la guerre. Dans la pratique en effet, cet établissement audiovisuel des Nations Unies, sponsorisée au départ par la Fondation Hirondelle et à travers elle, certains pays occidentaux, a littéralement pris les mors aux dents, ne se conformant même plus aux missions dévolues à la Mission de l’ONU pour la Stabilisation du Congo (MONUSCO). Pourtant, selon l’Accord de siège conclu entre l’Etat rd congolais et les Nations Unies, Okapi a été conçue comme une station radio des Nations-Unies dont la mission consiste à « diffuser les informations liées au mandat de la Monusco en RD Congo » (Art. 11). Selon les autorités rd congolaises, Okapi s’est imperceptiblement muée en radio généraliste et cela ne va pas sans poser de sérieux problèmes juridiques, politiques et commerciaux. Lorsqu’il faut se soumettre aux obligations légales propres à toute entreprise de radiodiffusion sonore. Par exemple, s’acquitter des droits d’auteurs des chansons diffusées à longueur de journée sur ses antennes. Radio Okapi s’y oppose, arguant qu’étant une radio onusienne, elle est exemptée de ce type de paiement. Ce qui est faux car les droits d’auteurs qui relève du droit de propriété pour les artistes musiciens ne sont pas propres à l’Etat qui ne peut exempter un partenaire international que sur ce qui lui revient en propre (douanes, accises et autres redevances et taxes dues au Trésor). « Refuser de payer à un musicien ses droits d’auteurs c’est comme refuser de payer à un propriétaire privé le loyer d’une maison privée prise en location », selon un juriste du ministère de la Communication et médias.
Mais il y a pire, au plan politique. La radio onusienne se considère comme une radio indépendante, aussi bien vis-à-vis de l’Etat congolais que de son propriétaire la Monusco ! On s’en est rendu compte à la faveur du dialogue politique national inclusif récemment tenu à la Cité de l’OUA à Kinshasa, soutenu par la mission onusienne dans le cadre de sa mission de stabilisation des institutions républicaines mais chahuté copieusement et discrédité systématiquement par les journalistes de Radio Okapi. La prétendue « radio de la paix » aura plutôt contribué à la fragilisation d’un processus soutenu par la Monusco.
Au plan commercial, l’appétit venant en mangeant, Radio Okapi, qui ne paie aucune taxe ni redevance, s’est transformée d’elle-même en une station généraliste diffusant même de la publicité commerciale sur ses ondes et en ligne pour nombre de grandes entreprises. Au grand dam de la noria de ses consœurs rd congolaises qui croupissent sous les taxes et se voient ainsi rafler des marchés juteux de publicité. Trop, c’était trop.
Aux dernières nouvelles, le ministère des Affaires étrangères de la RDC, co-signataire du SOFA (accord de siège avec la MONUSCO) a sommé Okapi de choisir, dans les sept jours, si elle demeurait toujours une radio de l’ONU ou si elle préférait le statut d’une radio généraliste. Dans ce dernier cas, elle devra se conformer à toutes les obligations légales relatives à l’ouverture et au fonctionnement d’une radio généralistes. En commençant par l’introduction d’un dossier de demande en bonne et due forme auprès du ministre ayant la Communication et les médias dans ses attributions.
J.N.