Du sort de Joseph Kabila, dont la présence à la tête du pays n’est plus rejetée durant la transition, au délai constitutionnel par rapport à la présidentielle en passant par la séquence électorale, les mesures de confiance et le calendrier électoral, la plate-forme chère à Etienne Tshisekedi offre toutes les concessions du monde dans son mémo adressé à la CENCO qui mène de nouvelles consultations pour rallier les radicaux à l’Accord politique de la Cité de l’OUA dont ils épousent quasiment tous les termes et points de convergence. En sorte que Tshisekedi et les siens ne livrent plus, à présent, qu’un combat psychologique contre eux-mêmes pour sauver la face devant leur propre opinion et ainsi rallier l’Accord en douceur, sans casses.
Le ralliement à l’Accord politique issu du dialogue coaché par le Togolais Edem Kodjo, pourtant vilipendé à satiété par le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, n’est plus qu’une question de jours ou d’heures. C’est, en tous cas, la lecture que proposent les dispositions affichées par la plate-forme chère à Etienne Tshisekedi et à Moïse Katumbi Chapwe depuis les pourparlers avec la CENCO dont les bons offices, on le sait, ont été sollicités par Joseph Kabila.
A la fin de la semaine dernière, Félix Tshisekedi, en séjour à l’étranger, qualifiait déjà ces pourparlers avec les calottes sacrées catholiques de second dialogue à proprement parler, celui qu’ils le réclament avec la partie de la classe politique et sociale qui a pris part au dialogue de la cité de l’Union Africaine. De son côté, Lisanga Bonganga, membre du comité des sages du « Rassemblement », ne trouve plus de différence sémantique lorsqu’il faut parler de pourparlers, de consultations ou de dialogue, l’essentiel, pour lui, étant que les Congolais se parlent. Le voile est donc déchiré…
Et en termes de dialogue, pourparlers ou consultations, le « Rassemblement » ne se montre plus aussi radical ni maximaliste qu’il l’était jusque-là. Le mémo présenté à la CENCO atteste d’avancées qui, d’ores et déjà, indiquent que cette plate-forme considère, contrairement au passé, que l’Accord issu de la Cité de l’OUA est un document de travail auquel il n’ajoute que des amendements. Cet accord ne concerne donc plus que ses signataires, comme l’affirmaient les leaders du « Rassemblement » à la fin des travaux du dialogue qu’ils suivaient à la loupe, à ce qu’il paraît aujourd’hui.
Points et termes de convergences
Dans la forme comme dans le fond, le mémo du « Rassemblement » épouse largement l’esprit et la lettre de l’Accord politique de la Cité de l’OUA, dont on sait qu’il vidait de leur substance la plupart des revendications de l’opposition politique rd congolaise. Le mémo des radicaux n’a pas pu ne pas faire sien le lexique de l’Accord de la Cité de l’OUA en évoquant des mots et des termes comme la « séquence électorale », « la décrispation politique », « les mesures de confiance », « le couplage des scrutins », etc.
Sur les bases mêmes du consensus attendu, le « Rassemblement » épouse la quasi-totalité du préambule de l’Accord issu du dialogue en ce qu’il insiste sur le respect de la Constitution et des droits de l’homme. Par ailleurs, la plate-forme tshisekediste-katumbiste se montre désormais très peu catégorique quant au principe du « glissement ». Les radicaux ne s’opposent plus à un dépassement de l’échéance buttoir de décembre 2016 parce qu’ils n’exigent plus la tenue de la présidentielle et des législatives que « dans les plus brefs délais », soit au courant de l’année 2017. Encore que des sources du Maximum à la 10ème rue avouent sans fards qu’il ne s’agisse, ici aussi, que d’une posture de négociations. En réalité, à Limete, on sait que la tenue d’élections crédibles exigera un délai plus long que celui convenu au Mont Ngaliema le 18 octobre dernier entre les parties prenantes au dialogue.
Dans le même ordre d’idées, le « Rassemblement » insiste sur le respect de la résolution 2277 du Conseil de sécurité, ce qui a été fait avec l’Accord politique, surtout que celui-ci a largement été travaillé sur la base de l’Accord-cadre d’Addis Abeba dont le comité de suivi vient récemment d’évaluer, avec satisfaction, l’Accord issu du dialogue à l’occasion de la réunion de haut niveau tenue à Luanda. L’on sait, en effet, que la Résolution 2277 émane de l’Accord-cadre d’Addis Abeba.
De même que, et comme stipulé dans l’Accord, le « Rassemblement » se prononce désormais pour la reconsidération du cadre constitutionnel et recommande une recomposition des comités de certaines institutions d’appui à la démocratie, notamment, la CENI et le CSAC. Choses qui étaient déjà acquises au terme du dialogue de la Cité de l’OUA.
Au sujet de l’enrôlement des électeurs déjà en cours, le « Rassemblement » craint qu’il ne s’agisse d’un recensement déguisé, mais ne s’y oppose pas vraiment. Les radicaux réclament plutôt une « … une évaluation minutieuse de l’opération d’enrôlement des électeurs en cours en vue d’en assurer la régularité et de l’accélérer ».
Même son de cloche, s’agissant de la séquence des élections. Le « Rassemblement » ne s’oppose pas au couplage de la présidentielle avec les législatives nationales et provinciales, à cette différence près que les radicaux suggèrent que les provinciales et les sénatoriales soient organisées dans les 30 jours suivant la proclamation des résultats provisoires de la présidentielle et des législatives nationales. Ce qui ne change pas grand-chose par rapport à la séquence adoptée au dialogue, même s’il faut souligner qu’il est impossible d’organiser les provinciales et les sénatoriales au même moment, cette derrière, ainsi que l’élection des Gouverneurs, dépendant des résultats de la première qui fournit des Députés provinciaux chargés d’élire les Sénateurs et les Gouverneurs de provinces.
Joseph Kabila wumela
Le « Rassemblement » ne propose, par ailleurs, rien de différent en ce qui concerne le calendrier électoral. Il émet, en effet, le vœu que comme l’Accord politique, il soit le fruit d’un consensus, à la seule différence que le « Rassemblement » demande, sans être catégorique comme avant, que la première séquence des élections se tienne « avant la fin de l’année 2017 ».
Last but not least, le « Rassemblement » a abandonné son cheval de bataille qu’était l’organisation d’une transition sans le Président Kabila à la tête du pays. Certes, la plate-forme Tshisekediste-Katumbiste maintient son idée d’instauration d’un régime spécial pour cette transition, mais sans spécification aucune. Une idée qui, on le sait, viole la constitution que les opposants prétendent défendre, et qui ne fait pas l’unanimité au sein de la plate-forme. Les uns la considèrent comme anticonstitutionnelle et estiment que c’est une idée parmi d’autres versées au panier des réflexions à approfondir, tandis que d’autres dans la même plate-forme la considèrent comme le schéma du peuple qui, au 19 décembre 2016, va récupérer son pouvoir et le confier à Tshisekedi pour conduire la Transition. En tous cas, le mémo du « Rassemblement » soumis à la CENCO ne contient aucun de ces détails.
Naturellement, la plate-forme chère à Etienne Tshisekedi insiste sur les mesures de décrispation politique et de confiance, mais elle enfonce une porte ouverte, puisque l’Accord politique les prévoit et recommande au Gouvernement de poursuivre les mesures entamées depuis la phase préparatoire du dialogue.
Le dernier combat psychologique du « Rassemblement »
Enfin, en un mot comme en mille, nombre d’observateurs sont d’avis que le « Rassemblement » livre, en fait, son dernier combat psychologique, contre lui-même. Il consiste essentiellement à sauver sa face devant son opinion afin de rallier l’Accord politique de la Cité de l’OUA, la réputation sauve. Le forum dirigé par le facilitateur international nommé par l’Union Africaine, en fait, abordé toutes les questions de fond soulevées par l’opposition jusqu’à en dégager des points de consensus satisfaisants, au point que faire dire à certains observateurs qu’au Mont Ngaliema, c’est l’opposition qui l’a emporté sur la majorité, en termes de concessions, notamment. Il semble aujourd’hui que le « Rassemblement » se comporte davantage en « auditeur » de l’Accord intervenu au terme du dialogue de la Cité de l’OUA qu’en groupe d’opposants farouches d’il y a quelques semaines.
Willy Mishiki, l’un des derniers membres du Rassemblement à avoir quitté la barque des radicaux l’avait déjà signifié à Etienne Tshisekedi avant de larguer ses compagnons de lutte. Dans une lettre à adressée au président du comité de sages de la nouvelle plate-forme, quelques jours avant que lui-même un groupe de dissident ne se rallient bruyamment à l’Accord politique, il relevait qu’avec cette nouvelle donne, le vent avait tourné et qu’il était désormais temps de rallier cet Accord et ainsi poursuivre la quête d’autres exigences de l’intérieur. Le temps va-t-il donner raison à cet acteur politique, diabolisé comme de coutume à l’opposition par sa propre famille politique après son geste ? Wait and see…
LE MAXIMUM AVEC Pascal Debré Mpoko