Les 19 et 20 septembre 2016, Kinshasa est passé de près à côté d’une hécatombe à la suite de la manifestation organisée par l’opposition tshisekediste-katumbiste radicale. Sous le couvert d’une marche de protestation contre la non-convocation de l’électorat par la Commission Electorale Nationale Indépendante, c’est bien une insurrection généralisée que les opposants ont préparé avec minutie, ainsi que s’en rendent compte au jour le jour les observateurs de l’arène politique nationale. A l’exemple des Américains, que l’on sait bien renseignés sur tout ce qui se passe en RD Congo comme ailleurs à travers le monde, qui ont décidé de se débarrasser d’une partie du personnel de leur représentation dans la capitale rd congolaise jeudi 29 septembre 2016. Tandis que le ministère français des affaires étrangères jugeait encore, le même 26 septembre, la situation en RD Congo « proche de la guerre civile ».
En fait, tous semblent s’être trompés dans leurs calculs : les opposants, qui espéraient rééditer les exploits d’organisations dite de la société civile et de leurs pairs opposants burkinabè ; les autorités urbaines kinoises aussi, qui avaient cru sur paroles les organisateurs de la manifestation du 19 septembre, se croyant sans doute en mesure de contenir tout débordement. Les uns et les autres se seront lourdement gourés. Au finish, ce sont bien quelque 32 personnes qui ont été tuées, dont des agents de police lynchés, brûlés vifs ou sauvagement décapités et émasculés par des « manifestants pacifiques » âgés de moins de 25 ans pour la plupart, mais encadrés par des agitateurs rôdés et formés aux techniques insurrectionnelles. Ce sont ces derniers qui donnaient le go des saccages et d’incendies d’objectifs ciblés à l’avance, comme ces sièges des partis politiques de la Majorité, voire des partis de l’opposition participant au dialogue politique national de la Cité de l’Union africaine situés le long des Boulevards Lumumba et Triomphal dans les communes de Limete et Kasavubu.
C’est connu de tous depuis plusieurs années maintenant : à Ouagadougou au Burkina Faso, les 29, 30 et 31 octobre 2014, ce n’est pas du tout un mouvement spontané de la population qui avait eu raison de l’ancien président Blaise Compaoré. La cartographie de l’insurrection, témoignages, révélations et analyses d’experts ont fini par prouver que le mouvement avait été minutieusement préparé par des groupes d’intérêts qui s’étaient longtemps abrité sous le paravent d’organisations de la société civile, à l’instar du fameux Balai Citoyen. Comme le lundi 19 septembre 2016 à Kinshasa, le lieu de jonction des manifestants à la place de l’Echangeur de Limete ne fut qu’un des points de jonction parmi des dizaines d’autres à travers la capitale où des barrières furent érigées et des pneus brûlés sur la chaussée dès les premières heures du jour. En fait, la veille, et les jours qui ont précédé ce lundi macabre, les opposants ont recruté et motivé des jeunes, comme à Ouaga en octobre 2014 : « Avec l’argent donné par des commerçants et des hommes d’affaires, ils ont recruté des centaines de jeunes (5 500, selon une source) pour faire le coup de poing, mais aussi des anciens militaires radiés en 2011. Certains sont payés 25 000 F CFA (38 euros), d’autres encore plus. Ils ont également acheté des lance-pierres, des bâtons… », écrivent nos confrères de Jeune-Afrique dans une enquête publiée quelques semaines après la chute de Blaise Compaoré, en novembre 2014.
Selon toute vraisemblance, les résidences, sièges des partis politiques de la majorité au pouvoir et autres édifices publics incendiés et saccagés avaient été préalablement ciblés avant que cette vague destructrice ne s’étendent comme par contagion aux biens privés comme les succursales des banques et autres qui elles ont été pillées par des manifestants plus ou moins incontrôlés. Au Maximum, un flic qui s’y entend en matière de terrorisme urbain, révèle que ce sont ces pillages qui ont compromis la réussite de l’insurrection, en quelque sorte : « ils ont éparpillé le mouvement, l’empêchant de gagner le centre-ville », estime-t-il. Pas tout à fait à tort. A Ouagadougou, fin octobre 2014, les insurgés avaient réussi à encercler les forces de police qui tentaient d’empêcher leur progression vers le parlement, les harcelant avec des projectiles jusqu’à ce qu’ils épuisent leurs armes létales, rapporte encore Jeune Afrique. Nos confrères révèlent encore que malgré le mot d’ordre interdisant des actes de violence, un commando avait réussi à pénétrer au parlement burkinabè et y avait mis le feu.
A Kinshasa aussi des commandos avaient sévi, couverts par des manifestants les 19 et 20 septembre dernier, mais n’ont pas réussi à gagner le centre des affaires et les sièges des institutions à la Gombe. Mais le mouvement insurrectionnel s’est poursuivi à la cité où il s’est parfois mué en affrontements entre bandes pillardes. A Matete, des jeunes de l’ex. camp Mobutu qui s’étaient procuré des armes à feu se sont affrontés à d’autres jeunes de la même commune. On y a déploré au moins deux morts par balles. Entre les jeunes de Ngaba et ceux de Lemba, les mêmes affrontements ont été rapportés. Tout autant qu’entre ceux du camp Mombele et ceux de Yolo, dont les rixes sanglants étaient déjà monnaie courante. À Tshangu, des jeunes, rameutés par des propriétaires d’échoppes promis au pillage ont donné la chasse aux bandes venues de Masina à cette fin. Bilan : un mort.
A l’évidence, le feu couve donc. Il suffit d’une étincelle pour que la ville flambe et échappe à tout contrôle, des opposants comme des autorités municipales. Kinshasa n’est pas Ouagadougou, rééditer l’exploit burkinabè peut réserver des surprises peu agréables pour tout le monde.
J.N.