L’église catholique de la RD Congo, plus précisément sa Conférence des évêques, a créé la sensation mardi 20 septembre 2016 en annonçant la suspension de sa participation aux travaux du dialogue politique national de la Cité de l’OUA à Kinshasa. Une suspension qui intervenait quelque 72 heures avant la clôture des travaux prévue vendredi 23 septembre 2016, et au lendemain d’émeutes sanglantes consécutives à la manifestation de protestation organisée lundi 19 septembre, qui a provoqué la mort d’au moins 32 personnes ainsi que d’importants dégâts matériels. Motif évoqué : faire le deuil des personnes décédées au cours de la manifestation convoquée par l’opposition réfractaire au dialogue. « La Cenco pleure avec ceux qui pleurent et dénonce et condamne fermement la violence d’où qu’elle vienne », selon les termes du communiqué rendu public par la conférence des évêques catholiques rd congolais mardi dernier. Tout en recommandant une enquête indépendante qui établisse les responsabilités, les calottes sacrées ont ajouté une conditionnalité, les évêques de la Cenco expliquent également la suspension de leur participation au dialogue par le besoin de rechercher davantage d’inclusivité.
Pas de calotins sans les katumbistes
En d’autres termes, sans l’opposition katumbiste tshisekediste qui le boude, pas de calotins au dialogue. Les prélats penchent ainsi, carrément, en faveur de l’opposition qui réclame le départ de Joseph Kabila : la suspension de la participation de ses représentants au dialogue est assortie d’une sorte d’injonction aux délégués, qui a le don de confirmer ce penchant opposant des calottes sacrées. L’accord politique qui doit sanctionner les travaux du dialogue national devra clairement établir et stipuler que l’actuel président de la République ne sera pas candidat à la prochaine présidentielle à organiser le plus tôt possible. C’est la version catholique du « Kabila dégage ». Ni plus ni moins. Elle est de nature à gêner ceux des chrétiens catholiques qui estimeraient incompréhensible d’exiger d’un homme qui n’a jamais déclaré qu’il demeurerait au pouvoir promettre de le quitter.
Mercredi 23 septembre, leurs excellences n’y sont pas allées de main morte en célébrant une messe en mémoire des morts des 19 et 20 septembre. L’office, qui n’a pas connu grande affluence, a été dirigé par le Cardinal et archevêque de Kinshasa, Laurent Monsengwo, qu’entourait notamment l’évêque de Kisangani et actuel président de la conférence des évêques. Dans les travées clairsemées de la Cathédrale Notre Dame du Congo de Lingwala, pas de représentant de la classe politique pourtant responsable des débordements meurtriers déplorés à Kinshasa quelques heures plus tôt encore. Sauf le président du Sénat et de l’opposition dite républicaine, Léon Kengo wa Dondo, dont on connaît les affinités politiques avec le Cardinal Monsengwo. Les cathos, tout au moins la hiérarchie de leur église, auraient voulu retourner à leurs anciens amours politiques qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. Ce ne sont pas les raisons pour ce faire qui font défaut.
La vengeance des hommes de Dieu
En prétendant s’en aller en dehors des travaux du dialogue politique de la Cité de l’OUA rechercher davantage d’inclusivité, la CENCO a, en réalité, porté un coup au peu d’inclusivité réunie par le Facilitateur international, Edem Kodjo. Une vengeance qui, comme le commun des mortels le sait, est un plat qui se consomme froid. La cohabitation entre l’église catholique, tout au moins certains de ses princes, et le pouvoir en place en RD Congo est des plus problématiques depuis plusieurs années. Rien que sur la question de la gestion de la centrale électorale, le pouvoir en place et les princes de l’église catholiques n’ont jamais émis sur la même longueur d’ondes. En 2006, au terme d’élections jugées convenables par tous les observateurs, c’est des princes de l’église catholique que sont parties les premières piques acerbes contre le travail abattu par l’abbé Malumalu, leur émanation. Après les scrutins chaotiques de 2011, confiés aux bons soins d’un prêtre de la communauté méthodiste (église protestante) cette fois-ci, les princes de l’église catholique décrétèrent qu’aucun de leurs prêtres n’était plus autorisé à diriger l’administration électorale. Lorsque, malgré cette injonction, l’abbé Apollinaire Malumalu soutenu par l’évêque de Beni-Butembo dont il relève est malgré tout nommé à la tête de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) en juin 2013, c’est un bras de fer qui s’engage. Et se poursuivra dans le processus du remplacement du défunt prêtre de Beni-Butembo, qui avait démissionné pour raison de santé deux ans plus tard, en octobre 2015. Pour lui succéder, les évêques avaient avancé la candidature d’un professeur de philosophie, Célestin Dimandja, mais se sont vus doublés par le candidat des autres confessions religieuses, Corneille Nangaa Yobeluo. Les motifs pour torpiller un dialogue qui, de toute évidence, devrait conclure en l’impossibilité de tenir les délais constitutionnels (l’option est déjà levée par les parties prenantes) ne font donc pas défaut.
J.N.