Encore une saga autour de Moïse Katumbi Chapwe, l’ancien gouverneur de l’ex. province du Katanga. Cette fois-ci, liée au dossier qui oppose le président du TP Mazembe au sujet grec Alexander Toupis pour une affaire de spoliation immobilière. Le tribunal de paix de Kamalondo à Lubumbashi avait dûment condamné le chairman lushois à trois ans de prison par défaut au mois de juin dernier. Un verdict qui a pour conséquence principale d’exclure le futur candidat à la prochaine présidentielle de toute prétention à une quelconque élection en RD Congo pour une certaine durée.
Ce n’est donc pas un hasard si, depuis le prononcé de la sentence du Tripaix Kamalondo, tous les boucliers sont levés pour ou contre l’arrêt rendu. Depuis plusieurs jours, la présidente du tripaix, Madame Chantal Ramazani Wazuri, est portée disparue, comme on dit. La rumeur veut que la désormais ancienne juge-présidente séjourne aux USA depuis quelques semaines, comme par enchantement. Quelques jours auparavant, les médias, sociaux notamment, s’étaient fait bruyamment l’écho d’une correspondance que la juge-présidente aurait adressée à sa hiérarchie pour dénoncer les pressions dont elle aurait fait l’objet avant de rendre le jugement contre Moïse Katumbi. Selon cette correspondance abondamment diffusée sur internet, la quasi-totalité des autorités politiques nationales auraient pressé la bonne dame de condamner l’ancien homme fort du Katantga : le président de la République, le patron de l’ANR (services de renseignements), etc. Tout se serait donc passé comme si le monde politique rd congolais avait tout fait pour obtenir la condamnation d’un innocent en raison de ses ambitions politiques affichées pour la prochaine présidentielle. Trop beau pour être vrai. Et trop facile.
L’affaire est pourtant loin de tenir la route. Pas tout à fait, en tous cas. Parce que comme tout jugement, celui intervenu dans l’affaire Moïse Katumbi c/ Alexander Toupis, est l’œuvre du tripaix Kamalondo, et non pas de la seule juge-présidente, Chantal Ramazani. Dans les tribunaux rd congolais, plusieurs juges composent la composition chargée de l’instruction d’un dossier judiciaire. La sentence prononcée au terme de cette instruction est la résultante de l’opinion majoritaire des juges qui, du reste, sont tenus au devoir de non divulgation des secrets de ces délibérations. Que Dame Ramazani déclare avoir subi des pressions n’affecte donc en rien une décision judiciaire collégiale. La juge-présidente du tripaix Kamalondo n’ignore rien de ces usages quasi universels. Qu’elle tente de discréditer un jugement qui implique au moins deux collègues juges étonne plus d’un dans les milieux, et met la puce à l’oreille.
Lundi 1er août dernier, l’Agence Nationale des Renseignements (ANR), dont l’administrateur directeur général avait cité parmi les « presseurs » de la juge-présidente de Kamalondo, avait réagi à ces accusations en relevant, entre autres, que Chantal Ramazani avait eu tout le loisir de se déporter si elle s’était estimée en désaccord avec sa conscience dans le prononcé de l’affaire Katumbi. Elle ne l’a pas fait et avait contresigné le jugement intervenu, comme les autres juges. Rien ne prouve à ce jour que ce n’est pas après le jugement rendu que les pressions se sont faites jours, si pressions il y a eues. Ni qu’elles ne peuvent provenir que des autorités politiques au pouvoir. « La propension à la corruption de l’ancien gouverneur Katumbi a déjà été stigmatisée au plus haut niveau des instances sportives mondiales. Il n’y a pas de raison de croire que Moïse Katumbi laisse se dérouler les affaires judiciaires où ses intérêts sont en jeu sans intervenir », explique au Maximum un greffier de Lubumbashi, interrogé au téléphone jeudi 4 août. Il n’a pas tout à fait tort, selon toute vraisemblance.
Dans cet épisode kamalondien de l’affaire Moïse Katumbi, tout semble avoir été fait pour ignorer la hiérarchie de la juge-présidente Chantal Ramazani. Pourtant, le 27 juillet 2016, la Cour d’appel de Lubumbashi dont relève le tripaix de Kamalondo avait rendu public un communiqué de presse qui éclaire suffisamment le dossier. Selon ce document, il ne peut exister de correspondance d’un magistrat à l’adresse de sa hiérarchie et des tiers qui ne passe par sa voie hiérarchique, précisément. Chantal Ramazani ne peut s’être adressé au ministre de la justice, comme l’ont prétendu les pourfendeurs de la décision de justice condamnant Moïse Katumbi par défaut, sans préalablement en avoir avisé la Cour d’appel de Lubumbashi.
Or, à la date de la signature de ce communiqué de presse, il n’existe pas de trace de courrier émanant de la juge-présidente du tripaix Kamalondo. Le communiqué de la Cour d’appel révèle plutôt que Ramazani Waduro faisait objet d’une enquête disciplinaire à l’époque des faits, pour s’être rendue sans autorisation le 27 juillet à Kinshasa.
La Cour d’appel de Lubumbashi a récidivé sur le même sujet le 3 août 2016. Du communiqué de presse signé par Ildefonce Ngoy Tangizya Mata, dont une copie est parvenue au Maximum, il ressort que la fameuse lettre attribuée à la juge présidente Ramazani, prétendument datée du 27 juillet 2016, a été finalement déposée au Palais de justice de Lubumbashi le 2 août par DHL. Lieu d’expédition : Brazzaville, au Congo d’en face, par l’entremise d’un certain Julien Amisi, non autrement identifié qui l’a postée le 29 juillet dernier. « Une décision de justice ne peut être combattue efficacement que par les voies des recours exercées dans les formes prescrites par le loi et examinées par l’autorité judiciaire compétente instituée à cette fin », note le dernier communiqué de presse de la Cour d’appel de Lubumbashi. Selon toute vraisemblance, une officine politique s’affaire à débaucher et à inciter juges et greffiers à renier leurs serments et obligations professionnelles en échange d’un séjour à l’étranger, à en juger par le document de la Cour d’appel de Lubumbashi. Bon à savoir pour bien comprendre la dernière saga Katumbi Chapwe.
J.N.