Commentaires en sens divers au sujet des manifestations politiques de la semaine dernière dans les médias locaux et mondiaux. Mais pas toujours désintéressés. A Kinshasa, beaucoup d’auditeurs et téléspectateurs s’en offusquent désormais : elle semble révolue, l’époque où Rfi, par exemple, claironnait à l’avance la prise de villes de la RD Congo par la rébellion rwando-ougandaise, démobilisant dramatiquement les troupes au front. Lundi 1er août, un auditeur kinois de la « radio mondiale » se désolait de la confusion entretenue sur le lieu du meeting de l’opposition 24 heures plus tôt. « A entendre les bulletins de Rfi depuis Paris, c’est comme si cela s’était passé dans l’immense stade des Martyrs, alors que c’était en face, sur un terrain vague réservé à l’érection de l’Hôtel du Stade », relevait-il. La confusion entretenue entre les deux endroits n’est ni fortuite, ni innocente : le stade des Martyrs de la Pentecôte, c’est un espace qui va de l’avenue Kasavubu à l’avenue des Huileries le long du boulevard Triomphal sur plus d’un kilomètre, et du boulevard à la lisière de la commune de Kinshasa dans l’autre sens. L’espace comprend un terrain de football annexe, un stadium de basket-ball, des terrains de handball et de volley-ball, un bâtiment qui abrite le secrétariat général aux sports, sans compter le stade lui-même, d’une capacité de 80.000 places assises, des locaux de bureaux, des vestiaires, etc. A vue d’œil, le stade des Martyrs, c’est près de 3 fois le terrain vague situé en face où l’opposition de M. Tshisekedi a tenu son meeting dimanche 31 août 2016. Dans la guerre des chiffres autour du nombre des participants aux dernières manifestations politiques à Kinshasa, confondre les deux endroits est une énormité intéressée : c’est insinuer que les opposants auraient dompté l’immense stade des Martyrs, alors que l’espace occupé est de très loin plus petit que le stade Tata Raphaël rempli par la majorité quelques jours plus tôt. « Ils tentent de noyer notre exploit de vendredi », commente encore un auditeur qui ne cache pas ses sympathies pour la majorité kabiliste au pouvoir en RD Congo. Et il y a de quoi lui donner raison : lorsqu’elle faisait allusion à l’affluence aux meetings du week-end dernier, Rfi parlait invariablement de « dizaines de milliers de manifestants », comme si elle tenait à produire des équilibres, à tout prix. Pourtant, il n’y a vraiment pas commune mesure entre le stade Tata Raphaël et ses abords constitués d’au moins 4 terrains de football annexes, et le terre-plein en face du stade des Martyrs. Et surtout, on ne peut pas s’expliquer ce silence de la « radio mondiale » sur les chiffres avancés par la police qui a encadré la manifestation. Les services du Général Kanyama parlent de 10.000 à 15.000 personnes, estimation plus proche de celle l’Agence France Presse qui elle a fait allusion à « … plusieurs milliers de personnes » dans une dépêche datée du 1er août 2016.
L’équilibre dans le traitement de l’information relative à la prestation d’Etienne Tshisekedi a aussi été sérieusement malmené. Si dans la plupart de ces éditions, Rfi a rendu fidèlement et presqu’intégralement rendu compte du discours du leader de l’opposition politique en RD Congo, la réaction de la majorité au pouvoir a, elle, été saucissonnée, comme pour lui faire perdre sa cohérence. C’est à peine si les auditeurs de la « radio mondiale » ont entendu Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement, se réjouir du fait que le meeting de l’opposition se soit déroulé « aussi correctement que possible du point de vue de l’ordre public », et soutenir que « c’est un défi que nous nous sommes donnés à nous-mêmes de faire fonctionner la vie démocratique dans notre pays ». Le ministre de la communication et médias de la RD Congo a tout de même qualifié les propos tenus par Etienne Tshisekedi d’« irresponsables et irréalistes » sur lesquels Rfi a fait l’impasse ne revenant que les qualificatifs « d’excès langage » et d’« incompréhensibles », reprochant au vieil opposant « une conception personnelle de l’Etat » parce qu’il s’est laissé aller à donner des injonctions à la Commission Electorale Nationale Indépendante. Si toutes les éditions Afrique de Rfi de dimanche soir à lundi dernier ont repris le message d’Etienne Tshisekedi, seulement quelques-unes ont rapporté la réaction qui va avec. Cette censure qui ne dit pas son nom n’est rien d’autre qu’un traitement déséquilibré et intéressé de l’information sur les manifestations politiques publiques de la semaine dernière.
L’autre média important en RD Congo, la radio onusienne Okapi, semble avoir elle aussi joué des pieds et des mains pour jeter l’opprobre sur le meeting de la majorité présidentielle au stade Tata Raphaël vendredi dernier. Surfant sur les rumeurs sur la participation forcée des fonctionnaires de l’Etat, radio Okapi a choisi de faire parler un fonctionnaire qui insinuait qu’il avait manqué de retirer une somme d’argent dans une banque de la place parce que son supérieur hiérarchique, parti au meeting du stade Tata Raphaël, n’avait pu signer son chèque. Selon la « radio de la paix », le bâtiment qui abrite les bureaux de la fonction publique à la place Golgotha n’avaient pas connu son train-train habituel vendredi dernier, parce que les fonctionnaires auraient été obligés de se rendre au meeting. Dans certaines éditions du journal, Okapi a même fait état de circulaires obligeant les fonctionnaires à se rendre au meeting de la majorité présidentielle. Ce dont on peut douter jusqu’à preuve de contraire, compte tenu du fait que dans une mégapole de près de 10 millions d’habitants, les acteurs politiques d’un camp comme de l’autre peuvent mobiliser sans faire recours aux agents de la fonction publique. Au moment où Okapi diffusait ces informations en fin d’après-midi régnait justement une animation inhabituelle non loin de la place Golgotha, à la DGRAD, où les agents attendaient leurs primes de fin de mois jusqu’autour de 18 heures.
Tout se passe comme si certains médias débordent de la mission d’informer vers une autre, moins avouable.
J.N.