La haute direction du Mlc le sait, en réalité : dès l’annonce de la condamnation du chairman, le 21 mars 2016 par les juges de la Cpi, toute survie politique du fondateur et de son parti est devenue hypothétique, quand bien même – pour paraphraser Me Kalala Tshibangu, « N’étant pas condamné par la justice nationale, Jean Pierre Bemba ne peut pas être définitivement inéligible ». En fait, ce qui importe, ce n’est pas la durée de la peine qui peut être de 18 ans ou d’une journée. C’est la confirmation des crimes pour lesquels la condamnation a été prononcée qui compte. «La décision de la chambre de 1ère instance a pris en compte un certain nombre d’éléments notamment la gravité de crimes, la gravité du comportement coupable de M. Bemba», a déclaré à ce sujet le porte-parole de la Cour Pénale Internationale (CPI) en RD Congo, Patrick Tshibuyi. Jean-Pierre Bemba a donc peu de chance de survivre politiquement à cette épreuve. Reste à savoir si son parti aura assez de cran pour tenir la route …
Les dernières prestations des dirigeants du MLC en faveur de leur leader ont eu lieu le mardi 21 juin 2016. Au siège du parti, Eve Bazaiba a planté ce qui ressemble à un décor d’adieux : réunion des militants, écran géant, cantiques et messages concourant au réarmement moral. Ici, les espoirs se fondent encore sur l’appel introduit par les avocats de Jean-Pierre Bemba. Mais, c’est juste une formalité, tant il est vrai que défenseurs, dirigeants politiques et famille biologique ont conscience de l’évidence : ce n’est pas la réduction de la peine qui est fondamentale. C’est plutôt le non acquittement. Or, il n’y a pas d’acquittement. Et il n’y en aura certainement pas. D’ailleurs, à partir du moment où ils se sont mis à négocier la réduction de la peine et non l’élargissement pur et simple, les avocats confirment, si besoin est, leur prise de conscience du fait que la condamnation est inéluctable.
Bangui l’a littéralement liquidé.
Il faut avouer que pour le Mlc, les choses ne sont pas simples et pourraient ne jamais l’être. Jacques Djoli a beau déclarer sur Radio Okapi le 22 juin 2016 que «Le MLC doit survivre », en ajoutant que «Ça fait huit ans que le MLC tient», et en reconnaîssant que «C’est le défi maintenant» avant de renchérir que «Jean-Pierre ne doit plus être une personne mais une idée». Mais le pragmatisme lui dicte le raisonnement contraire et il n’est pas seul dans ce cas au MLC. Tous les dirigeants, et probablement tous les militants l’admettent dans leur subconscience.
Ce qui va se passer dans les jours à venir peut se deviner : dans chaque dépêche d’agence, comme le font Afp, Reuters, Ap, Belga, Pana etc. en rappelant au dernier paragraphe les deux mandats de Joseph Kabila, le Mlc sera toujours présenté comme le parti politique créé par Jean-Pierre Bemba, auteur des crimes de guerre et autres perpétrés à Bangui et condamné par la Cpi ! De un.
De deux, avant d’en arriver-là, il va falloir pourvoir à la vacance en désignant le successeur du Chairman. Un morceau dur d’autant plus que la donne ethno-tribale pourrait influer négativement sur le choix idoine. A défaut du Sud-Ubangi, l’ex-Equateur estimerait que le droit de désignation lui revienne. Si cette logique prévalait, Eve Bazaiba – actuellement plus à l’aise avec un président du parti en prison – devra se préparer à une présence, à sa tête, d’une personne avec laquelle elle doit nécessairement s’entendre. Autrement, après avoir quitté l’Udps, elle doit envisager son départ du Mlc.
Tout cela n’est cependant rien devant l’épreuve la plus dure qui soit, celle de l’action politique et diplomatique du Mlc et de ses nouveaux dirigeants.
En interne, ne pouvant présenter aux élections un candidat de la trempe de Jean-Pierre Bemba, le Mlc devra, pour la deuxième fois, se passer de présidentiable-maison. Jacques Djoli en est tellement conscient que sur Radio Okapi, il considère que son parti «va analyser avec toutes les forces politiques les conditions de désignation d’un candidat unique». Naturellement, ça se fera en contrepartie des postes à négocier. Il se fait que ce candidat unique, une fois élu président de la République, pourrait revoir les engagements pour ne pas être gêné dans son action politique. En interne et en externe, il risque de s’entendre rappeler les accointances avec un parti politique dont le fondateur est en prison pour crimes imprescriptibles !
En définitive, bien qu’ayant pour devise «Avec Dieu nous vaincrons», le Mlc finira par l’autodissolution, quand on sait que même après sa libération dans 10 ans, voire moins avec la procédure de remise des peines, Jean-Pierre Bemba pourrait ne plus entreprendre des activités politiques, voire ne même pas revenir à ses premières amours : les affaires.
Bangui l’a littéralement liquidé.
Trahi par un…documentaire
Ouvert à Sun City le 25 février 2002, le deuxième round du Dialogue intercongolais s’était terminé le 19 avril de la même année avec la signature de l’Accord de Sun City ayant maintenu Joseph Kabila au poste de Président de la République et désigné Jean-Pierre Bemba à celui de Premier ministre. Au Rcd, pour rappel, avait été réservé le poste de président du Parlement.
Au cours des 45 jours de ce round, à la différence d’Azarias Ruberwa omniprésent, Jean-Pierre Bemba n’avait séjourné sur le site que pour la cérémonie d’ouverture. A preuve : le jour de la clôture, il était à l’Equateur. C’est d’ailleurs de là qu’il avait entrepris la tournée au cours de laquelle il s’était fourvoyé dans des discours incendiaires mettant à mal l’Accord dont il était pourtant le principal bénéficiaire.
Résultat : non appliqué, l’Accord de Sun City fut remplacé le 17 décembre 2002 par l’Accord global et inclusif. D’où le « 1+4 ».
Autre preuve de l’absence de Bemba sur le site : la cérémonie de clôture du Dialogue intercongolais le 4 avril 2003. Chairman avait été représenté par Olivier Kamitatu, proposé par ses pairs du Mlc président de l’Assemblée nationale.
En clair, contrairement à ce qui se dit, Jean-Pierre Bemba n’était pas en permanence à Sun City. Il sait où il se trouvait.
Le drame est que l’expédition banguisoise du Mlc était survenue au moment où se tenait le Dialogue intercongolais.
Un documentaire le présente en commandant en chef de la branche armée de son mouvement. Le Bureau du porte-parole de la CPI en RDC précise justement que «Jean-Pierre Bemba a été condamné comme chef militaire».
Comme relevé dans une chronique antérieure, Bangui n’est rien d’autre que l’aventure de trop…
LE MAXIMUM AVEC OMER NSONGO DL