Ce n’est pas encore le bout du tunnel en RD Congo, à quelques mois de la fin du second et dernier mandat du Président Joseph Kabila. Loin de là. Dans la classe politique, la logique de l’affrontement l’emporte nettement sur toute perspective de franche négociation entre l’opposition et la majorité au pouvoir. Le second trimestre 2016 aura été illustratif à cet égard, les uns et les autres ayant préféré recourir à la rue pour montrer ses biceps et faire peur. Le 24 avril 2016, sous prétexte de commémoration de la date anniversaire de la démocratisation mobutiste de 1990, plates-formes et partis politiques de l’opposition ont battu le pavé à Kinshasa et dans certaines provinces, notamment à Lubumbashi au Katanga. En fait, l’affaire ressemblait bien plus à une mobilisation apocalyptique pour préparer les esprits à une fin de mandat insurrectionnelle qu’à une remémoration d’une démocratisation qui n’en fut pas une. Après la mascarade de N’Sele, le dictateur est demeuré aux affaires jusqu’en 1997 ! C’est ce que les plates-formes et partis de la majorité présidentielle au pouvoir en RD Congo se sont chargés de rappeler à l’opinion à la même occasion. A Kinshasa, devant quelques milliers de sympathisants, la Convention des Congolais Unis du lumumbiste Lambert Mende avait vertement dénoncé aussi bien la caricature de démocratisation offerte par le Vieux Maréchal le 24 avril 1990 que la pseudo-commémoration dans laquelle versaient certains dans la classe politique de la RD Congo.
Mai 2016 aura, lui aussi, connu son lot d’appels à la rue de la part des opposants. Principalement, cette marche du 26, convoquée par la Dynamique de l’opposition contre l’arrêt de la cour constitutionnelle confirmant l’interprétation de la loi des lois selon laquelle à la fin de son mandat, le Chef de l’Etat reste en fonction jusqu’à l’élection d’un nouveau président de la République. Une perspective qui dérange franchement à l’opposition où, comme sous le Maréchal Mobutu dans les années ’90, tout le monde rêvait de prendre sa place sans autre forme de procès qu’un partage équitable et équilibré du pouvoir, de ses avantages et de ses avatars. Dûment autorisée par l’Hôtel de Ville de Kinshasa, la manif’ du 26 mai 2016 n’a rassemblé en tout et pour tout que 3 à 4 milliers de personnes, selon les estimations les plus optimistes. Dans une mégapole comme Kinshasa, où l’on dénombre jusqu’à 12 millions d’âmes, l’opération fut une véritable goutte d’eau dans l’océan. Et ne semble pas avoir arrangé les affaires des opposants dont la plupart s’oppose au Dialogue convoqué par le Président Kabila pour baliser le processus électoral, entre autres.
Face aux réticences de l’opposition pour aller au dialogue, la majorité a, elle aussi, pris le parti d’en appeler à la même rue. Le 26 mai déjà, le PPRD avait sollicité la permission de manifester à l’instar de la Dynamique de l’opposition. Mais Henri Mova Sakanyi et ses camarades se sont heurtés au niet du PPRD André Kimbuta Yango, le Maire de Kinshasa, qui a craint que les manifestations ne dégénèrent en affrontements entre partisans de l’opposition et de la majorité. Avec raison, sans doute. Samedi 4 juin 2016, plates-formes et partis politiques de la majorité ont, eux aussi, remonté leurs biceps en commémorant bruyamment la date anniversaire de naissance de leur autorité morale, Joseph Kabila. Non sans un certain succès, si l’on tient compte de la mobilisation réussie par le PPRD à lui tout seul. Encore que la commémoration du 4 juin ne fut qu’une sorte de réchauffement des sympathisants. Aux dires de Lambert Mende, qui lui aussi a rassemblé ses troupes au siège du parti à la Gombe, la famille politique du Président de la République compte organiser une manifestation démonstration de force le 11 juin prochain.
En attendant ces échéances vengeresses, le PPRD a lancé un véritable pavé dans la marre samedi 4 juin en brandissant la perspective de l’organisation d’un referendum populaire pour décider du sort de Joseph Kabila après son second et dernier mandat. L’annonce aura eu le don de semer la trouille dans la classe politique et même dans la communauté internationale. A commencer par l’UDPS/Tshisekedi dont le commissaire en charge des relations extérieures a menacé de pires foudres le camp présidentiel. Mais plus sérieuse est sans doute ce communiqué rendu public précipitamment par l’Union Africaine, les Nations-Unies, l’Union Européenne et l’Organisation Internationale de Francophonie, le 5 juin 2016. « Les organisations partenaires de la République Démocratique du Congo réaffirment leur soutien au dialogue politique dans ce pays et appellent tous les acteurs congolais à œuvrer à la tenue et au succès de ce dialogue », lit-on d’entrée sur ce document qui rappelle que les quatre organisations opèrent dans le cadre de leur partenariat au service de la paix et de la sécurité en Afrique, ainsi que de leur engagement collectif à aider la RDC à consolider les acquis de la paix et de la sécurité enregistrés au cours de la décennie écoulée (lire ci-après).
Le communiqué de l’UA, des Nations-Unies, de l’UE et de l’OIF intervient alors que l’opposition politique est conviée à un contre-dialogue à Bruxelles en Belgique, à l’initiative d’Etienne Tshisekedi, qui se tient au courant de la semaine en cours.COMMUNIQUE DE PRESSE UE
J.N.