Depuis les élections législatives et présidentielle de 2011, les partenaires internationaux de la RD Congo rechignent à mettre la main au portefeuille. Contrairement au cycle électoral de 2006, qui a coûté quelque 370 millions d’Euros supporté par la communauté internationale (pour faire voter quelque 20 millions de rd congolais), le coût des élections de 2016 est estimé à 1 milliard 200 millions USD à peu près. Mais jusque-là, rien ou pas grand’chose n’est tombé dans l’escarcelle de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
Son nouveau leadership, conduit par Corneille Nangaa, multiplie depuis un certain temps des rencontres avec les partenaires internationaux dûment représentés au sein de la centrale électorale. Sans grand succès. Le vice-ministre des affaires étrangères en charge des congolais de l’étranger, Antoine Boyamba, le déclarait amèrement et très peu diplomatiquement il y a quelques semaines : « comme en 2011, nous serons obligés de financer nos élections nous-mêmes ». C’était à l’issue d’une rencontre au sommet CENI-Gouvernement-Partenaires étrangers, le 26 février 2016.
Tous étaient pourtant présents ou représentés à cette réunion du Comité de Partenariat du Projet d’Appui au Processus Electoral (PACEC) : les ambassadeurs des Etats-Unis d’Amérique, du Canada et de la Belgique, entre autres, ainsi Priya Gajraj, la directrice du PNUD qui co-préside le PACEC avec le président du bureau de la CENI, Corneille Nangaa. Au finish, cependant, aucun engagement concret de la part de ceux qui multiplient des conditionnalités pour appuyer les élections qu’ils réclament plus que les rd congolais eux-mêmes. Même l’appui de la Monusco, pourtant indispensable dans le déploiement du matériel électoral dans le pays continent qu’est la RD Congo, n’est pas encore acquis. C’était pourtant la seconde réunion du genre, après celle du 28 janvier 2016, qui s’était déjà révélée aussi improductive.
Vendredi 4 mars 2016, le Canada, qui compte parmi les pays partenaires de la CENI dans le cadre du PACEC (avec l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas, la Suède,
la France, la Suisse,
l’Espagne, l’Italie, l’Organisation Internationale de la Francophonie, le
Japon, et le PNUD ) a annoncé en fanfare une contribution de quelque 3,5 millions de dollars Canadiens, sur le milliard 200 USD attendus. Soit, une goutte d’eau dans un océan. Encore que la contribution canadienne est assortie de conditionalités révélatrices des intentions des puissances occidentales : c’est pour « un processus électoral qui respecte l’esprit et la lettre de la constitution congolaise ». Traduction : c’est pour des élections partielles, essentiellement, la présidentielle et les législatives, comme en 2011, d’ici la fin de l’année. Le reste ne concerne pas le Canada et les puissances occidentales dans leur bel ensemble.
Pourtant, et cela remonte aux élections financées par la communauté internationale en 2006, qualifiées par tous de démocratiques, transparentes, crédibles, etc. Sauf intégrales. En 2006, en effet, les élections locales et urbaines n’ont pas eu lieu, faute de moyens. En 2011 aussi, la RD Congo s’étant débrouillée avec les moyens du bord, comme on dit.
Comme quoi, pour les Occidentaux et leurs intérêts dans les pays non occidentaux, il suffit de me donner un président de la République et des députés qui braillent durant 5 ans, et la démocratisation est accomplie. Cela fait à peu près 1 million de cadres payés par le trésor public (s’il faut ajouter les sénateurs aux élus directs par le peuple, ainsi que les membres du gouvernement, les gouverneurs de province et les patrons des entreprises publiques) … pour faire une politique conforme aux intérêts étrangers.
Car, pour faire une politique conforme aux préoccupations des rd congolais, c’est une démocratisation à la base qui devrait être la priorité. Parce que si l’habitant de Kingasani à la périphérie de Kinshasa, ou de Butembo dans la province du Kivu, a élu un chef de quartier en fonction des problèmes qui se posent au quartier. Et que celui-ci élit un bourgmestre en fonction des problèmes sociaux pour lesquels il a lui-même été élu, ce bourgmestre n’élira parmi les responsables municipaux que ceux qui lui assureront de régler les problèmes pour lesquels lui-même a été élu.
Ce n’est qu’à ces conditions de démocratisation à la base que la RD Congo sortira du cycle combien rétrograde d’élections sur base de critères tribaux et autres, et accèdera à l’expérience sur base de programmes électoraux (des programmes de développement, en fait). Ce n’est qu’à ces conditions que tous les élus, le président de la République compris, seront contraints d’appliquer des programmes qui répondent aux préoccupations du peuple plutôt qu’aux intérêts des puissances étrangères.
De ce point de vue, les élections législatives et présidentielle, sans démocratisation préalable à la base, ne sont que des élections de la périphérie pour répondre aux impératifs définis par l’Occident qui centralise tout. Avec elles, la démocratisation demeure partielle et donc un vaste leurre. C’est de la caricature démocratique imposée par l’Occident.
J.N.