Selon des associations et des spécialistes de lutte contre la toxicomanie, environ 2 360 sites et réseaux de consommation et de trafic de drogues sont répertoriés à Kinshasa. La prévalence nationale de la toxicomanie est de 3 % des jeunes de 10 à 19 ans. Ce qui correspond à la note « pays très vulnérable » des Nations unies.
Environ 40% des jeunes des quartiers populaires consomment en association des drogues dures et de l’alcool frelaté. Au moins 70% sont exposés, souligne une enquête sociologique d’Alternatives africaines, une association regroupant des chercheurs congolais. Malheureusement, constate cette étude, la police est incapable de réprimer parce que dans ses rangs, et même dans l’armée, la consommation du chanvre par des hommes de troupes passe pour une seconde nature. Au moins 80% fument du chanvre.
Selon cette étude, face au phénomène qui a pris des proportions inquiétantes, les aptitudes des autorités à prévoir et gérer les risques sont en question. De la complaisance en l’air, en fait. Dans cette enquête, il est rapporté que les lieux de consommation des drogues sont connus de la police. Mais les tenanciers ne sont guère inquiétés. Souvent, quand la police descend pour une perquisition, elle joue à l’affichage. «Quand on nous arrête, nous payons au commandant une amende, 50 ou 100 dollars, et le colis nous est restitué», témoigne un dealer bien identifié à Matete.
Il est encore plus difficile de répondre aux besoins des jeunes quand la pauvreté s’en mêle. Bien des ménages n’ont même pas les moyens de se procurer le minimum vital journalier et donc d’assurer l’avenir des enfants, souligne Pierre Amundala, sociologue. L’insécurité qui règne à Kinshasa a pour origine la drogue sous toutes ses formes, dénonce Pini Moke, un inspecteur judiciaire kinois réputé pour sa connaissance du phénommène.
On dispose de très peu d’informations au sujet des taux d’arrestation et de la nature des peines infligées pour les délits liés à la drogue. La RD Congo est un des pays de transit de plus en plus important pour les narcotrafiquants. Les enquêtes montrent que ce sont pour la plupart des jeunes désoeuvrés, des étudiants dont l’âge varie entre 19 et 30 qui consomment régulièrement la drogue pour des raisons diverses. C’est de partout qu’ils proviennent et de toutes les couches sociales. Elles montrent également que d’autres couches sociales ne sont pas en reste. C’est le cas des travailleurs œuvrant dans les chantiers, les conducteurs de gros véhicules, les musiciens, qui laissent entendre que « l’herbe » chasse la fatigue, elle réalise des performances physiques, comme rapportent beaucoup d’autres intellectuels des bienfaits de la drogue.
La drogue est devenue très accessible et il n’est plus aussi gênant ou dégradant d’avouer sa consommation de substances illicites. Et comme il y a très peu de cellules de soutien psychologique, médical ou social pour les jeunes drogués, on entre dans un cercle vicieux qui va poser à terme d’énormes problèmes. L’Afrique n’est plus seulement une zone de transit, mais un marché important pour la consommation de substances illicites. L’instance internationale de contrôle tire la sonnette d’alarme. D’après l’OICS, les États peinent toujours à trouver des solutions durables à ce problème. Dans son rapport annuel, l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) qui veille à l’application des conventions des Nations unies en matière de contrôle des drogues, fait un constat inquiétant. S’agissant de l’Afrique, les conflits favorisent le trafic et la consommation de drogues illicites. Selon le rapport de l’OICS, la production et la consommation de stimulants de type amphétamine augmentent en Afrique. C’est le cas en Afrique du Sud, au Nigeria et au Kenya. Mais l’OICS déclare n’avoir pas les données complètes concernant tous les pays africains. D’après le Belge Raymond Yans, membre de l’OICS et ancien président de cet organisme, il y a très peu d’informations disponibles quant à la production, la fabrication ou la consommation de stupéfiants en Afrique.
Toutefois, indique-t-il, le cannabis ou le chanvre est de loin le produit le plus consommé. Outre le cannabis, présent majoritairement en Afrique du Nord, d’autres stupéfiants comme la cocaïne et l’héroïne sont aussi consommés. L’usage croissant de drogues de synthèse est également observé en Afrique du Sud et au Kenya. Les jeunes sont les plus gros consommateurs, fait remarquer Raymond Yans, l’un des auteurs du rapport. Par exemple, en 2014, le Cameroun a notifié qu’en moyenne 5 000 à 6 000 patients étaient traités dans la capitale chaque année pour des maladies liées à l’abus de stupéfiants et de psychotropes, et que 75 % à 80 % de ces hospitalisations concernaient des personnes âgées de 15 à 39 ans. L’expert estime que le même profil se dégage dans de nombreux pays. Au Bénin, un pays dont la moyenne d’âge est de 22 ans, 45 % des usagers de drogues sont des jeunes. Raymond Yans considère que ces chiffres sont en deçà de la réalité, dans la mesure où de nombreux pays, notamment la RD Congo, ne disposent pas de moyens logistiques suffisants ni de structures spécialisées dans le traitement et le suivi de la toxicomanie.
Selon une étude de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) que l’OICS reprend dans son rapport, la consommation de cocaïne, rien qu’au Kenya et en Tanzanie, aurait généré près de 160 millions de dollars en 2014. Cela montre que l’Afrique n’est plus seulement une zone de transit mais un marché important pour la consommation, analyse Raymond Yans. La cocaïne qui transite de l’Afrique vers l’Europe est estimée à 1 milliard de dollars, toujours selon l’ONUDC. Dans son rapport, l’OICS recense de nombreux facteurs qui concourent à l’usage et au trafic de drogues illicites : la pauvreté, l’insécurité alimentaire, les disparités économiques ou encore l’exclusion sociale. « Les États doivent prendre en compte tous ces éléments, s’ils veulent réellement s’attaquer au phénomène », affirme Raymond Yans.
L’OICS préconise de mettre en place des outils de prévention et de sensibilisation et de veiller à l’application de la loi. En RD Congo, le trafic et la consommation de drogues sont prohibés. Ils ont même un lien avec le crime. La consommation des drogues entraîne de nombreux risques sanitaires et la prise en charge des toxicomanes est souvent difficile. Dans ce pays où la moyenne d’âge est de 20 ans, la majorité des usagers de drogues sont des jeunes. D’après des spécialistes, la consommation de drogues est en hausse. L’inspecteur judiciaire Pierre-Didier Pini Moke, expert de l’Office des Nations unies pour la lutte contre la drogue et le crime, explique que les lois actuelles sur le cannabis ont n’ont jamais été modifiées. Pourtant, le Congo est signataire de la Convention des Nations unies sur la drogue de 1988.
La RD Congo est moins proactive en ce qui concerne les stratégies régionales en matière de lutte contre le trafic et la consommation des drogues. Il fait généralement preuve de peu de volonté politique, laisse entendre Pierre-Didier Pini Moke. La corruption et le manque de moyens financiers constituent une entrave à la mise en place d’agents de répression bien formés et bien payés, capables de mener des enquêtes efficaces, souligne-t-il. L’application des lois antidrogue n’est pas considérée comme une priorité, et l’on soupçonne le pays de fermer les yeux sur la majeure partie de la production et du trafic en raison de la corruption au plus haut niveau.
En 2009, des hauts fonctionnaires congolais ont participé à la conférence des responsables africains chargés de la lutte contre le trafic illicite de drogues à Windhoek (Namibie). En 2011, le National Geographic rapportait que les forces rebelles avaient déboisé des zones protégées, un habitat vital pour les espèces de gorilles menacées, dans le Parc national de Virunga, pour y planter du cannabis, et que plusieurs gardes forestiers avaient été abattus par des miliciens désireux de protéger leur investissement lucratif. Le cannabis est cultivé dans tout le pays, avec des productions concentrées dans les Kasaï, l’ex-Bandundu et dans le Kongo-Central. Il n’existe aucune statistique sur les surfaces cultivées ou les rendements du cannabis, et la seule information disponible sur les saisies provient souvent d’autres pays où des citoyens congolais sont régulièrement interpellés alors qu’ils tentent de faire de la contrebande de cannabis et d’autres drogues.
Outre la culture, il y a un important trafic de cannabis et d’autres drogues vers les pays voisins, notamment le Rwanda, l’Ouganda, le Congo et l’Angola. Parmi les plaques tournantes du trafic figurent le beach Ngobila où se fait la traversée sur le fleuve entre Brazzaville et Kinshasa, l’aéroport international de Ndjili et le port maritime de Matadi. Les trafiquants congolais se chargent également d’expédier les drogues vers leurs marchés cibles en Afrique et vers divers pays européens.
Les taux de consommation de cannabis au Congo sont relativement élevés. Les autorités pensent qu’ils ont progressé régulièrement au cours des dernières années. Les programmes de traitement pour le cannabis ou d’autres drogues sont très peu dotés en ressources. L’utilisation même du cannabis n’est pas largement considérée comme assez dangereuse ou inacceptable pour nécessiter un effort immédiat ou extrême.
POLD LEVI ET AGENCES