En appeler ou non au Dialogue préconisé par la Communauté internationale au motif de faire l’objet des Résolutions 2098 et 2211 du Conseil de sécurité de l’Onu ou de perturber les échéances électorales, mais banaliser en même temps le Dialogue consacré comme un devoir de l’Opposition selon l’article 16 de la loi portant statut justement de l’Opposition est la pire des formes de mépris qui soient à l’égard de la Constitution de la République, de l’Etat de droit et du Peuple souverain dans le chef de certains acteurs politiques congolais. Aux termes du point 4 de ce devoir, les Opposants y sont obligés de « Privilégier le dialogue et la concertation sur les grandes questions d’intérêt national et dans la résolution des différends politiques ». A ce que l’on sache, toutes les matières au centre des « empoignades » rudes entre la Majorité et l’Opposition relèvent de l’intérêt national puisqu’elles constituent des différends politiques. Si elles étaient effectivement pour l’érection d’un Etat de droit en RDC comme elles le prétendent, les forces politiques et sociales concernées se gêneraient de rejeter le Dialogue. A moins d’avoir adhéré, elles aussi, à la « République des Inconscients », pour reprendre le titre d’un ouvrage publié par Modeste Mutinga.
Pour avoir été respectivement président et premier vice-président du Bureau de l’Assemblée nationale au moment de l’adoption de la loi n°04/008 du 4 décembre 2007 portant statut de l’Opposition politique, Vital Kamerhe et Christophe Lutundula connaissent bien l’article 16 qui impose le dialogue comme une voie obligée pour vider les contentieux. Pour avoir été rapporteur du Bureau du Sénat, Modeste Mutinga ne l’ignore pas non plus.
Il va sans dire qu’en rejoignant le front du refus au dialogue mené par le président de l’UNC – qui a lui-même été champion de la revendication de ces assises en proposant même des thématiques à caractère politique, économique et social – ces anciens et actuels parlementaires, autrefois de la Majorité, se livrent au jeu favori de la classe politique congolaise constaté et dénoncé par Mutinga dans l’ouvrage prémonitoire précité.
Dans la chronique politique publiée le lundi 13 octobre 2015 sous le titre « La loi n°04/008 impose à l’Opposition le Dialogue ! », le chapeau entièrement consacré à l’énoncé de l’article 16 souligne : «L’Opposition politique a notamment le devoir de : 1. Respecter la Constitution, les lois de la République et les institutions légalement établies ; 2. Défendre les intérêts supérieurs de la Nation ; 3. S’abstenir de recourir à la violence comme mode d’expression et d’accès au pouvoir ; 4. Privilégier le dialogue et la concertation sur les grandes question d’intérêt national et dans la résolution des différends politiques; 5. Promouvoir le pluralisme politique et reconnaître le droit de la majorité à gouverner ; 6. Promouvoir la culture démocratique notamment par la tolérance, la non-violence et le soutien du principe de l’alternance dans le cadre d’une lutte politique pacifique ; 7. Concourir, par la libre expression, à la formation de l’opinion publique ; 8. Former et informer ses militants sur les questions touchant à la vie nationale».
L’initiative de cette loi, selon certaines indiscrétions, serait pourtant du député Christophe Lutundula, pourtant de la Majorité, lorsque Vital Kamerhe était speaker de cette institution nationale. Il s’agit donc d’un texte que l’un et l’autre connaissent bien, même si elle organise l’Opposition politique, le camp adverse.
Personne de sensé ne peut se risquer d’avancer qu’ils l’avaient favorisée pour au cas où ils devraient basculer dans le camp adverse, l’un en 2011, les autres en 2015.
En toute logique, tous sont censés être les premiers à la défendre en tous lieux et en toutes circonstances, qu’il vente ou qu’il pleuve…
Et pour cause !
Fuite en avant
Lorsque, en juillet 2013, la frange de l’Opposition qu’il pilote se réunit en conclave au centre féminin Mama Mobutu et réclame la tenue du Dialogue en s’appuyant sur l’Accord-cadre d’Addis-Abeba du 24 février et la Résolution 2098 du 28 mars de la même année, Vital Kamerhe sait pertinemment bien que le statut qui le régit lui en fait obligation. Il se tait.
Pour rappel, le conclave lève des options claires et nettes sur la réforme du secteur de sécurité, la consolidation de l’autorité de l’Etat, la décentralisation, le développement économique, la réforme institutionnelle et les questions électorales.
Pour la décentralisation, il est question d’« Accélérer la mise en place des nouvelles provinces conformément à la Constitution », d’« Appliquer le droit des provinces de retenir à la source les 40% des recettes à caractère national » et d’« Elaborer la loi sur la péréquation ».
Pour la réforme institutionnelle, il est question de :
« a) Repenser le système électoral congolais par : 1. le recensement général de la population, afin de déterminer, entre autres, le calcul du quotient électoral, non pas en fonction du nombre des citoyens enrôlés mais plutôt de celui recensé; 2. la modification de la loi relative à la CENI, de manière à affirmer le strict respect du principe constitutionnel de l’indépendance de la CENI dans la désignation de ses membres par la seule société civile ; 3. le rétablissement de la pyramide électorale, en commençant par les élections à la base ;
- b) Promulguer la loi portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle ;
- c) Dépolitiser la Justice, en favorisant le recrutement et l’avancement en grade selon la compétence et la moralité et non plus selon des critères subjectifs, tels que le régionalisme, le tribalisme, le clientélisme, le népotisme.
Pour les questions électorales : « Le conclave propose que la loi électorale future et le calendrier électoral puissent inverser l’ordre des élections en commençant par les élections à la base, avant les élections nationales ».
C’est à l’époque où, sous le couvert de la « Coalition pour le vrai dialogue » (CVD en abrégé), Vital Kamerhe se prononce pour le Dialogue inscrit légalement dans le statut de l’Opposition depuis 2007, même s’il préfère l’évoquer en se basant sur l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et la Résolution 2098 de 2013.
A la même époque – entendez 2013 – membres de la Majorité Présidentielle, Christophe Lutundula et Modeste Mutinga sont pour le dialogue. Ils trouvent dans les Concertations nationales, organisées deux mois seulement après le conclave de l’Opposition pro-Kamerhe, une réponse aux préoccupations de la communauté internationale.
Avec son sérieux problème de fixation et d’orientation, le président de l’UNC va malheureusement se défiler lorsque ses « experts » lui diront que le recensement général, recommandé pourtant par son conclave, prendrait deux à trois ans alors que le ministre du Plan soutiendra qu’en moins d’une dizaine de mois, l’opération peut être bouclée !
Depuis, Kamerhe pratique une amnésie totale dès qu’on évoque les résolutions et les recommandations des assises de Limete. Mais, les couleuvres qu’il ne fera jamais avaler à l’opinion avertie, c’est la fuite en avant à laquelle il se livre, s’agissant de la loi n°07/008 du 4 décembre 2007. Sa propre loi !
Il en est de même de Christophe Lutundula et Modeste Mutinga lorsqu’ils feignent d’ignorer l’existence de la même loi et se positionnent en anti-dialogue, donc en violateurs d’une disposition légale qui impose à l’Opposition ces assises.
Or, du moment qu’ils passent pour les grands défenseurs de la Constitution, ils ne peuvent pas se permettre violer celle qui les régit directement.
A moins de rejoindre, eux aussi, « La République des Inconscients » !
LE MAXIMUM AVEC OMER NSONGO DIE LEMA