Un entretien de vérité et de recadrage. C’est ce que le Chef de l’Etat rd congolais, Joseph Kabila Kabange, a animé vendredi 26 janvier 2018 à la rotonde du Palais de la Nation, devant la presse locale et internationale. Au cours de cet exercice auquel le Président de la République Démocratique du Congo, dont la nature réservée est légendaire, Kabila a évoqué l’avenir des relations entre la RD Congo et la mission onusienne vieille de plus de vingt ans a été évoquée. « Cela fait plus de 10 ans que nous demandons un plan de retrait », a expliqué Joseph Kabila avant de résumer en une question le bilan discuté et discutable de la présence des casques bleus : « Quel est le nom d’un seul groupe armé que la Monusco a éradiqué ? » a-t-il interrogé avant d’assurer que les relations avec l’ONU seraient, désormais, strictement conformes à l’Accord de siège Sofa qui définit les termes de la mission onusienne en RD Congo.
Comme avec la Belgique, les relations entre Kinshasa et la mission onusienne seront donc rigoureusement recadrées dans les jours à venir. Et ce n’est pas trop tôt, de l’avis de nombreux observateurs. La présence onusienne en RD Congo, qui remonte à 1999, est émaillée d’une kyrielle d’atteintes à l’accord Sofa qui vont de la complicité passive ou active avec les groupes armés et rebelles, à l’exemple de ce trafic de tenues de l’armée rd congolaise dont des casques bleus onusiens affairistes se sont rendus coupables il y a quelques années, à des manœuvres d’affaiblissement systématique du pouvoir. La marche organisée le 21 janvier dernier par une structure pirate de l’église catholique sortie des manches de soutane du Cardinal-archevêque de Kinshasa, Laurent Monsengwo Pasinya, a reçu le soutien des casques bleus sous prétexte de protection des civils. Un principe fourre-tout que cette protection des civils, totalement inopérante là où elle est indispensable, comme en territoire de Beni dans la province du Nord Kivu où le nombre de civils tués à l’arme blanche a dépassé le millier en moins de deux ans, malgré la présence des troupes onusiennes dans la région. Dans la capitale de la RD Congo, les unités de police onusienne ont carrément accompagné Félix Tshilombo Tshisekedi et une foule de manifestants au sortir de la messe politique dite à la paroisse Saint Joseph de Matonge le 21 janvier dernier, selon des témoins. Après que 48 heures auparavant, la mission eut rendu public un communiqué annonçant la présence de ses unités dans les rues de Kinshasa pour protéger les participants à la manifestation interdite par les autorités urbaines. Si ce n’est pas tirer à hue et à dia.
Torpillage
La mission onusienne ne se contente plus de torpiller l’autorité d’un Etat qu’elle reçu mandat de « stabiliser » dans le pays-continent post-conflit qu’est la RD Congo. Elle la concurrence systématiquement avec la publication cyclique de rapports tantôt non vérifiés, tantôt harcelants de violations des droits de l’homme qui placent systématiquement les forces de l’ordre et de sécurité rd congolaises au même rang que les forces dites négatives, que la mission onusienne a la charge d’aider à l’éradication. Joseph Kabila l’a rappelé à la presse, vendredi dernier : c’est dans le cadre de cet exercice contestable que deux experts onusiens ont dramatiquement trouvé la mort dans la région de Kananga au Kasai Central l’an dernier, en se rendant incognito dans une région où sévissait depuis plusieurs mois un groupe terroriste que les onusiens refusaient de considérer comme tel : la milice égorgeuse Kamwina Nsapu.
L’épisode du décès du chef maï maï Morgan Sadala en avril 2014 est éloquente à cet égard. L’homme poursuivi notamment pour des exactions contre les populations civiles en territoire de Mambassa en Ituri s’était rendu tristement célèbre en massacrant 15 okapi de la réserve d’Epulu et en tuant leurs gardes en 2012. Samedi 12 avril 2014, il s’était rendu aux autorités coutumières à Bandegaido avec une quarantaine de ses hommes, en échange d’une intégration au sein de l’armée nationale (Fardc) et de son élévation au grade de Général. A la tête d’un convoi Fardc, le Général Fall Sikabwe, alors commandant des opérations militaires en Ituri s’est rendu sur les lieux pour prendre possession du chef milicien et de ses hommes et les acheminer à Bunia. En chemin, à la hauteur du village de Molokai, Morgan Sadala monte les enchères et refuse de poursuivre le processus de reddition. S’ensuit une altercation au cours de laquelle ses hommes ouvrent le feu sur les éléments FARDC du Général Sikabwe qui, tenant coûte que coûte à ramener le chef milicien vivant à bon port, lui fait loger des balles aux membres inférieurs. Puis appelle la Monusco à la rescousse pour transporter le blessé. L’hélicoptère onusien se rend à Molokai après plusieurs heures de retard et Morgan Sadala meurt de suites de ses blessures.
L’affaire Morgan Sadala
L’affaire Morgan Sadala connaître des suites inattendues début 2015, lorsque la Monusco conditionna son soutien aux opérations militaires lancées par les FARDC contre les rebelles rwandais des FDLR au départ de deux généraux nommés au Nord-Kivu, dont le Général Fall Sikabwe, pour atteintes aux droits de l’homme. Ce à quoi Joseph Kabila opposa une fin de non recevoir indignée…
En presque vingt ans de présence en RD Congo, il s’avère que la mission onusienne développe et entretient quasiment la survie de groupes armés de tous acabits responsables de l’insécurité et de la déstabilisation du pays. A l’ouverture du 30ème Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union Africaine, le dernier à Addis-Abeba, le Chef de l’Etat Guinéen Alpha Condé a vertement interpellé Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU sur le sujet : « Nous avons vu, même si nous soutenons les casques bleus, mon cher secrétaire général ,nous avons vu que les casques bleus n’ont pas eu un rôle efficient ,nous avons plus de 20.000 casques bleus au Congo (RDC) depuis des années, ça ne donne pas des résultats. En effet, pourquoi voulez-vous les Bangladeshi et les Indonésiens viennent mourir en Afrique? C’est pas leur continent…Pour mourir en Afrique, il faut être patriote et aimer son pays. Donc seuls les africains peuvent aujourd’hui se battre et mourir parce qu’ils défendent leur partie. C’est pourquoi l’exemple du G7 Sahel doit être encouragé», a-t-il asséné. Quelques jours plus tard, c’était au tour du président ougandais Yoweri K. Museveni d’enfoncer en accusant carrément la MONUSCO d’entretenir le terrorisme à l’Est de la RDC…
De Résolutions en résolutions du Conseil de sécurité, le mandat de la mission onusienne en RD Congo a complètement phagocyté l’Accord de siège initial signé avec un pays membre. En réaction aux déclarations de Joseph Kabila de vendredi dernier à Kinshasa, Florence Marshal, la porte-parole de la Monusco a réagi en expliquant que la mission est « … présente en RDC en application des résolutions du conseil de sécurité de l’ONU, non pour se substituer aux autorités mais pour les renforcer dans l’exercice de leur responsabilité vis-à-vis du peuple ». Les Nations-Unies choisissent ainsi délibérément de devenir… un groupe de pression sur les autorités légitimes d’un pays membre on ne sait en vertu de quel mandat. Ce qui contribue à donner raison à ceux qui, à l’instar du président américain Donald Trump, exige une drastique révision des moyens financiers mis à sa disposition, qui donnent l’impression d’être versés dans un tonneau des danaïdes.
J.N.