Une fois n’est pas coutume, un rapport d’International Crisip Group sur la RDC tombe presque à point nommé. Rendu public à Bruxelles le 4 avril 2018, le document de quelque 36 pages analyse l’évolution de la situation politique en RD Congo jusqu’à il y a quelques jours. Et propose des pistes de solution qui, si elles épousent les intérêts des bailleurs de fonds occidentaux de cette ONG internationale, comme l’Open Society Foundations de George Soros ou encore de nombreux ministères des affaires étrangères des mêmes pays, n’en sont pas moins à maints égards, pertinentes.
Il faut à un Congolais bon teint une certaine dose de courage pour lire sans s’énerver les premières pages du rapport rendu public mercredi dernier, tant il transpire les indécrottables préjugés racistes de ces officines nostalgiques occidentales « bien pensantes » sur les Etats africains, autant que le pessimisme ambiant qu’ils charrient quotidiennement. Poker électoral en RD Congo. Rapport Afrique N° 259, ainsi que l’ont titré ses auteurs, est englué jusqu’au cou dans la conviction que les Africains ne peuvent rien par et pour eux-mêmes, et évalue avec condescendance les réalités politiques rd congolaises à travers les doctes lunettes de ces étrangers qui semblent persuadés de mieux savoir ce dont les pays du continent ont besoin que leurs ressortissants eux-mêmes. « Le gouvernement du président Joseph Kabila en République Démocratique du Congo a fait des progrès ces derniers mois et semble s’acheminer vers l’organisation d’élections le 23 décembre 2018 », écrivent les rapporteurs d’ICG, comme de mauvaise grâce et contraints de s’incliner devant des réalités politiques locales régulièrement chahutées jusque-là. « Les perspectives d’élections cette année se sont améliorées, en partie en raison de pressions accrues sur le président de la part des dirigeants africains », prétend l’ONG occidentale qui atteste ainsi de son peu de foi aux engagements pourtant réitérés plus d’une fois, par Joseph Kabila, d’emmener le peuple rd congolais aux urnes, envers et contre tous. En ce compris la fameuse communauté internationale.
Des réalités qui ne prêtent plus au doute
Pour en arriver à ce constat pour le moins tardif, ICG se fonde sur un certain nombre d’éléments qui ne prêtent plus au doute quant à la tenue des scrutins électoraux en RD Congo. Notamment, la promulgation d’une nouvelle loi électorale, le choix et la commande de machines à voter ou encore la révision du fichier électorale. « De nombreux éléments signalent que le régime prévoit sérieusement d’organiser des élections. En novembre 2017, la CENI a publié un nouveau calendrier électoral, prévoyant un scrutin à la fin de l’année 2018. Le mois suivant, Kabila a promulgué une nouvelle loi électorale. En janvier 2018, la CENI a annoncé la fin de l’enregistrement des électeurs, ce qui constitue une étape importante des préparatifs électoraux », conviennent, comme à contrecœur, les rapporteurs d’ICG. Mais comme de nombreux prétendus experts ès politique rd congolaise, qui tardent ou refusent de se rendre compte que c’est la majorité au pouvoir et son autorité morale qui résistent aux assauts pour postposer les élections en RD Congo, l’ONG occidentale nuance cependant en écrivant que « (Kabila) … pourrait décider de reporter à nouveau ces élections ; le climat d’insécurité pourrait lui servir de prétexte. Pour l’heure, il semblerait néanmoins que les préparatifs soient en cours pour un vote en décembre ».
Opposition divisée
Les élections en décembre 2018 ? Pour l’opposition, cette perspective représente un dilemme, selon ICG. « Les partis d’opposition commencent à se préparer pour la campagne électorale, mais ils sont divisés et la tâche s’annonce ardue. Certains de leurs dirigeants, poursuivis en justice, sont encore en exil ; d’autres gagnent difficilement du terrain auprès d’une population désabusée vis-à-vis de l’ensemble de la classe politique », constate les « africanistes » autoproclamés d’ICG qui, au passage glissent une incertitude sur le nombre des dirigeants de l’opposition poursuivis par la justice rd congolaise, comme pour mieux l’aggraver en oubliant de préciser qu’il s’agit en réalité d’un seul, Moïse Katumbi, ancien gouverneur du Katanga. ICG note néanmoins que ceux des opposants qui s’essaient au processus électoral « … gagnent difficilement du terrain auprès d’une population désabusée vis-à-vis de l’ensemble de la classe politique ». C’est tout dire. Mais pour ces acteurs politiques qui se réclament de l’opposition en RD Congo, ICG se montre plus que clément, néanmoins, et leur prodigue ce qu’on peut considérer comme de sages conseils. « De leur côté, les dirigeants de l’opposition, qui semblent s’organiser en vue des élections, devraient se préparer à faire campagne dans tout le pays. Il semble peu probable, à ce jour, que l’opposition boycotte le scrutin, surtout si le régime applique certaines des mesures citées plus haut. Et même si ce n’était pas le cas, le boycott s’avèrerait inefficace, car les factions dissidentes de l’opposition participeraient dans tous les cas. Le boycott aurait donc pour seul effet de donner une plus grande marge de manœuvre au vainqueur », lit-on sur ce rapport.
L’essentiel à retenir du dernier rapport d’ICG est donc que les élections sont inéluctables en RD Congo, qu’il serait peu réaliste d’envisager le contraire. Ce qu’il sied, c’est d’œuvrer à l’amélioration de ce qui peut encore l’être. Pour ICG, « les puissances occidentales et africaines devraient signifier au gouvernement – au président Kabila et à son successeur potentiel – que la reconnaissance internationale et les bénéfices qui pourraient en découler dépendront du niveau de transparence et d’ouverture du processus électoral ». Qui dit mieux ?
J.N.