Après l‘Assemblée nationale, le ministre des Finances, Henri Yav Mulang, s’est rendu, jeudi 5 octobre 2017 au Sénat solliciter derechef la ratification de trois projets de lois portant autorisation des financements des projets socioéconomiques sur l’électricité et le développement urbain.
Une fois encore, le ministre des Finances a dû quérir le concours de son collègue de l’Energie, Ingele Ifoto, afin de rencontrer au mieux les préoccupations des «sages » de la Chambre haute. Il sied de rappeler que d’ici le 9 octobre, à défaut de ratification, deux projets financés par la Banque mondiale devraient tomber en annulation. Il s’agit du PDU, Projet de loi sur le développement urbain, et du projet d’accès à l’amélioration du secteur d’électricité, PAASE.
Le PAASE vise notamment à améliorer l’accès à l’électricité dans les villes de Kolwezi, Goma et Kisangani. La RD Congo a, en effet, obtenu de la Banque mondiale un financement de 145 millions de dollars constitué d’un prêt 27 millions de dollars, payable au taux d’intérêt de 0,75 % après une période de maturité de 38 ans et un délai de grâce de 6 ans.
L’autre projet portant sur le secteur électrique, c’est le PAGASE, projet d’appui à la gouvernance et l’amélioration du secteur de l’électricité. Financé par la BAD, Banque africaine de développement, avec un prêt de 90 millions de dollars à rembourser après 30 ans de maturité et un délai de grâce de 6 ans. Cependant, les bailleurs de fonds conditionnent leurs financements par le paiement régulier des factures de consommation d’eau et de courant des institutions publiques par le gouvernement. Ce qui a suscité un tollé dans la Chambre basse du parlement, nombre des députés estimant que la BAD et la BM ont poissé la souveraineté de la RD Congo.
Selon la Direction de préparation et de suivi du budget, le gouvernement a décaissé plus de 115 milliards de FC en 2016 pour le paiement des factures de fourniture d’eau (REGIDESO) et de l’électricité (SNEL) au bénéfice des institutions publiques, entreprises et services de l’Etat. Ces dépenses ont, en effet, été exécutées à plus de 1.250 % de leurs prévisions, selon ce service spécialisé du ministère du Budget. Le rapport de la Direction de préparation et de suivi du budget qui remonte au début du second quadrimestre 2017, note, en effet, que le gouvernement n’avait disposé que 20.7 milliards de FC, en raison de 11,6 milliards de FC, pour la consommation d’eau courante, et un peu plus de 9 milliards de FC pour le courant électrique. Mais le gouvernement débourse 38,9 milliards de FC au bénéfice de la régie des eaux, REGIDESO SA, soit 335,2 % des prévisions, et 74,6 milliards de FC pour la Société nationale de l’électricité, SNEL SA, soit une exécution de 820 % par rapport aux prévisions. La facture se gave davantage quand on y ajoute la rubrique «fournitures énergétiques» reprises dans les charges communes de l’Etat pour plus de 2,3 milliards de FC. Selon cet agent de la REGIDESO SA, outre les institutions publiques et leurs animateurs, l’Etat prend également en charge la consommation des anciens officiers généraux des FARDC, des anciens Premiers ministres, etc., Cela vaut autant pour la SNEL SA. Naturellement, la facture devient davantage salée.
Il y a encore quelques années, la BAD, Banque africaine de développement, dans le souci de redresser les finances publiques de la RD Congo, s’était engagée à payer les factures d’eau et de courant de l’Etat. Pour autant, le gouvernement n’a ni fait des économies ni rationnalisé sa consommation énergétique. La question a été effleurée à l’Assemblée nationale, en faveur de la reddition des comptes de l’exercice 2014, lorsque les députés avaient déploré la gestion des télécommunications des animateurs des institutions publiques, singulièrement le gouvernement. D’aucuns auraient fait bénéficier des avantages leur accordés par l’Etat même à des amies et connaissances. Pourtant, de l’avis de cet expert du ministère du Budget, «avec un peu de discipline, éteindre les lampes quand on sort du bureau, ne pas laisser le robinet ouvert même quand l’eau ne coule pas…l’Etat peut faire des économies d’au moins 50 millions de dollars sur ses factures de REGIDESO et de SNEL». Hélas, la création de nouvelles institutions politiques, des portefeuilles ministériels, etc., laisse entrevoir plutôt une hausse des factures de consommation d’eau et de courant de l’Etat au terme de l’exercice 2017.
Toutefois, le gouvernement attend de la même BAD un investissement d’environ 350 milliards de FC (349.497.746.425 FC) pour le projet d’appui au développement du site d’Inga et de l’accès à l’électricité courant 2017. Les observateurs s’interrogent encore sur de précédents financements, dont Inga I et II, notamment à travers les projets EDIRA, PMEDE et SAPMP, d’une valeur de plus de 1,2 milliards de dollars essentiellement déboursés par la Banque mondiale. Aussi, la reddition des comptes de l‘exercice budgétaire 2016 permettrait, peut-être, au Parlement de faire la lumière sur l’affectation, en ressources propres, de la bagatelle somme de plus de 15 milliards de FC en vue du renforcement des capacités d’Inga I et Inga II.
Le secteur énergétique, eau et électricité, a apporté en 2016 plus de 2 milliards de FC, soit plus 2 millions de dollars. Selon la DGRAD, ces recettes se situent largement au-delà des assignations. Et pour 2017, le ministère de l’Energie et Ressources Hydrauliques compte percevoir plus de 25.5 milliards de FC. Le taux d’accès à l’énergie électrique reste faible, soit 9 % ou 15%, selon les récentes statistiques de la SNEL. Quant à l’accès à l’eau, une frange importante de la population n’a pas accès à l’eau potable et malgré le rapport de PNSP, Politique nationale du service public de l’eau de juin 2016, qui fait état de 50, 4 %. Les créances certifiées de l’Etat vis-à-vis de la REGIDESO SA seraient de 130 millions de dollars.
P.L. MAWEJA