Mon travail, c’est dans l’arrière-pays et non à Kinshasa, a déclaré le ministre au Développement rural lors de sa visite à la dernière Foire agricole de Kinshasa. Mais, avis d’experts, Bitakwira n’a pas les moyens de ses ambitions. Tout au moins, pas encore.
Justin Bitakwira a bonne mine, bon teint. En tout cas, il a donné une apparence bon chic, bon genre, lors de ses dernières sorties médiatiques. Et l’élu d’Uvira semble de moins en moins prolixe, plus de proverbes à tout bout de champ, obligation de réserve, sans doute. Si la rémunération et le fonctionnement de son ministère ne posent pas de soucis, parce que vachement crédités respectivement de 8,0 milliards de FC (8.012.861.310FC) et de 9,4 milliards de FC (9.451.672.710FC), sur terrain par contre, la prestation de Bitakwira, à son 100ème jour au portefeuille du Développement rural, demeure en dessous de la moyenne, pour ne pas dire nulle. Et Bitak le sait. La faute aux moyens financiers qui ne suivent pas. Et le ministre, d’après ceux qui le fréquentent, perd patience. Il n’est plus loin le jour où il pourrait s’inspirer de sa grand-mère légendaire, pour maudire…
Missions.
Dans le secteur du développement rural, la politique du gouvernement en 2017 vise, en effet, l’amélioration qualitative et quantitative des infrastructures en milieu rural, en vue d’accroitre le taux d’accès à l’eau potable, la desserte en électricité ainsi que l’accès des paysans aux marchés. Ceci est conforme au programme détaillé pour le développement de l’agriculture en Afrique (PDDAA) qui s’articule autour de quatre piliers fondamentaux et un pilier transversal, l’extension des superficies sous gestion durable des terres et systèmes fiables de contrôle de l’eau, l’amélioration des infrastructures rurales et des capacités commerciales des marchés, l’accroissement de l’offre alimentaire, la réduction de la famine et l’amélioration des réponses d’urgence aux crises alimentaires, l’amélioration de la recherche agronomique ainsi que la diffusion des technologies appropriées ainsi que le renforcement des capacités à tous les niveaux des piliers fondamentaux tant au niveau national que provincial.
Moyens financiers.
Certes, le budget 2017 prévoit une enveloppe de l’ordre de 271.957.916.800 FC pour le Développement rural, contre 61 681 055 125 FC en 2016. Il se dégage ainsi un accroissement de 341 % et cela représente 2,1 % du budget général pour l’exercice 2017.
En dépit de cet accroissement, des experts demeurent sceptiques quant à l’intérêt de l’Etat vis-à-vis du secteur du Développement Rural, pourtant levier important de réduction de la pauvreté et de création des richesses traduisant par la faible exécution de son budget. A titre d’exemples, en 2016, sur les crédits de l’ordre de 27. 125. 236. 984 FC prévus au titre d’investissements sur transfert aux provinces et ETD, Entités territoriales décentralisées, seulement 3 % de ce montant ont été décaissés, soit quelque 776 millions de FC (776 975 096FC) pour 26 provinces, 145 territoires, une foultitude de chefferies, etc.
Un budget de 6.534.150.000 FC avait été prévu au titre d’investissements sur ressources propres, à fin décembre 2016, l’exécution est nul, zéro franc décaissé.
Même l’apport de l’Etat dans les projets financés par des partenaires extérieurs dans l’arrière-pays pose problème. Alors que le taux de décaissement des investissements sur ressources extérieures était largement au-delà des prévisions (224%), soit plus de 8,3 milliards de FC au lieu de 3,7 milliards de FC, les 350 millions de FC attendus du gouvernement rd congolais au titre de contrepartie des projets ne sont jamais venus. Pour 2017, les partenaires se sont engagés à financer des projets pour le développement rural à hauteur de 43,2 milliards de FC. Il s’agit surtout des infrastructures de base. Le taux d’exécution du budget 2016 n’a été que de 31 % pour le Développement Rural. Il en est de même de l’exécution des crédits provisoires à fin mars 2017, qui se situe à 7,69 %. Ce qui entrave le développement dans un pays où, rappelons-le, une large majorité de la population vit dans les milieux ruraux.
Routes de desserte agricole.
Bien que les politiques d’évacuation, de transformation et de certification des produits existent, la modicité des crédits affectés n’est pas de nature à impulser le développement dans ce secteur. De même, les prévisions du Gouvernement dans le secteur du développement rural par rapport aux routes de desserte agricole dans les provinces et ETD demeurent encore insuffisantes, en plus d’être disparates, compte tenu des besoins du pays en infrastructures. A titre illustratif, quelque 350.238. 812 Km (244 km de pistes) devraient être réhabilités dans la province du Maniema au prix de 1000 dollars au Km. Pour la Tshopo, il s’agit de 480 976 496 Km (1031 km de routes à asphalter) soit de 321 dollars au Km, et le Kongo Central, 1.383.581.733 Km (2522 km de pistes) soit près de 377 dollars au Km.
Caisse nationale de péréquation.
Pour des experts du développement rural, la mise en place renvoyée sine die de la Caisse nationale de péréquation est un handicap majeur pour l’essor de l’arrière-pays de manière on ne peut plus harmonieuse et coordonnée. L’Etat accuse une faible volonté d’appliquer le principe constitutionnel de la solidarité entre les provinces. Par ailleurs, l’analyse de la ventilation des investissements sur transfert aux provinces et ETD (un peu plus de 196 millions de FC) traduit un certain déséquilibre, comme par le passé, des provinces moins nanties. Ce qui, par voie de conséquence, ne favorise pas leur développement, comme démontré dans le tableau ci-après. Si la province du Haut-Katanga recevrait 17 % du budget alloué aux investissements dans l’arrière-pays, le Nord Ubangui n’aurait que 0.6%. Le Sankuru, qui souffre terriblement de manque d’infrastructures dont les routes, ne disposerait que de 0,7% de la cagnotte de 196 milliards de FC, contre 9,1% pour Kinshasa. Le Sud-Kivu, province d’origine de Bitakwira, dispose de 4.3% du budget du développement rural, soit plus que les provinces de la Tshuapa, du Sud-Ubangui, et de l’Equateur réunies. Mais ce ne sont que 8,4 milliards FC de promesses. Le ministre du Développement rural se retrouve devant un fait accompli. Jusqu’à quand va-t-il encaisser ?
POLD LEVI.