Les manifestants du lundi 19 septembre 2016 avaient brûlé des bus et tué longtemps avant le rendez-vous du point de départ de la marche, à la place de l’Echangeur sur le boulevard Lumumba dans la commune de Limete. Des témoins l’assurent, et le patron des services de sécurité Kalev Mutond, l’a expliqué en détail aux ambassadeurs et chefs de missions diplomatiques accrédités en RD Congo au début de la semaine. Casses, pillages et meurtres d’agents de l’ordre ont été perpétrés loin de l’itinéraire convenu entre les organisateurs de la manifestation autorisée par l’Hôtel de Ville de Kinshasa et les autorités municipales. Tels sont les principaux éléments qui inclinent le pouvoir à accuser l’opposition tshisekediste – katumbiste d’avoir préparé une insurrection plutôt qu’une marche pacifique, quels qu’en soient les fondements.
D’importants dégâts, humains et matériels auront été enregistrés à Kinshasa les 19 et 20 septembre 2016. Pour la seule journée du lundi dernier, les sources officielles ont fait état d’au moins 17 morts, dont trois policiers lynchés par les manifestants. Des morts par balles, en cours de pillages et en dehors des lieux pillés : en réalité, dans une mégapole de 10 millions d’habitants, les forces de maintien de l’ordre ne peuvent se limiter à l’usage d’armes létales que dans un périmètre relativement restreint, un parcours prédéfini, par exemple. Au-delà, lorsque les manifestants débordent du secteur de la ville prévu, il n’y a pas d’autres moyens de maintien de l’ordre que le recours aux armes non létales pour éviter un embrasement généralisé. C’est probablement ce qui s’est passé et qui explique la plupart des morts par balles recensés par la police. Mardi 21 septembre le bilan des morts enregistrés à Kinshasa est passé du simple au double : la police a annoncé qu’au total 32 personnes sont mortes au cours des manifestations des lundi et mardi derniers.
A l’opposition tshisekediste, naturellement, les chiffres avancés sont plus impressionnants. Rien que pour la journée du lundi 19 septembre, Joseph Olenghankoy, un des organisateurs de la manifestation, vantait une cinquantaine de morts. Un jour plus tard, son mentor Etienne Tshisekedi qui s’exprimait sur la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) brandissait sans pinces ni rires le chiffre de 100 morts. Qu’il faut sans nul doute nuancer, compte tenu de la propension connue du « vieux » à l’affabulation politicienne lorsqu’il s’agit de noyer ses adversaires politiques dans un combat déloyal. Dans les années ’90 déjà, le lider maximo de l’UDPS avait déjà rameuté le monde entier et plongé le Zaïre de Mobutu dans l’isolement en l’accusant d’avoir fait tuer des dizaines d’étudiants au campus universitaires de Lubumbashi. Plus de 25 après des dénonciations calomnieuses qui sont la cause lointaine de la chute de Mobutu, l’opinion rd congolaise attend toujours de connaître l’identité des tués et les familles qui avaient ainsi perdu des êtres chers. Les 100 morts d’Etienne Tshisekedi sont donc des morts utiles à sa cause politique. Pour être des morts déplorables et condamnables, il faut plus qu’une incantation, même chiffrée, sur les antennes d’une radio étrangère : des preuves, des identités, des lieux. A l’ère de la prolifération des caméras, téléphones portables sophistiqués et autres gadgets, il ne suffit plus, comme en 1990, de prose chiffrée, il faut des images.
Sans compter qu’il y a quelque chose d’extrêmement sadique dans l’apologie de la violence et de ses conséquences sur des pauvres vies humaines chez les opposants tshisekedistes. De nombreuses réactions de soutien et d’encouragement aux manifestants sont diffusées depuis lundi dernier, comme pour les encourager à retourner piller et affronter des forces de maintien de l’ordre armées. C’est ce qu’Etienne Tshisekedi a fait en appelant la population à se mobiliser jusqu’au départ du président Kabila sur la RTBF. C’est aussi ce que recommande le communiqué rendu public par le G7 mardi dans la journée : des regrets pour le décès d’innocents qui de la constitution et de la politique ne savent presque rien, il n’en est pas question. L’enfer c’est les autres.
Telles sont, depuis près d’un demi-siècle de vie politique, les seules méthodes de changement que l’opposition d’inspiration tshisekediste cultive en RD Congo : sacrifier des vies humaines, envoyer des innocents à la mort, pour renverser l’ordre institutionnel en place.
J.N.