La nouvelle plate-forme de l’opposition née du conclave de Genval en Belgique le 11 juin 2016 tient à donner l’impression qu’elle continue à tenir la route, tant bien que mal. Emmenée théoriquement par l’UDPS Etienne Tshisekedi, mais coachée manifestement par Moïse Katumbi et son demi- frère Katebe Katoto, l’attelage est composée outre le G7 des Mwando, Kyungu, Endundo, Kamitatu, Lumbi et autres Lutundula,du menu fretin comme l’Envol de Delly Sessanga, transfuge du MLC. Il a été renforcé par une autre plate-forme de l’opposition, la Dynamique, emmenée par l’UNC de Vital Kamerhe et le MLC de Jean-Pierre Bemba, et d’autres petits groupes comme les Fonus d’Olenghankoy, le MLP de Frank Diongo, le Font des Démocrates de Jean Lucien Bussa ou l’Ecidé de Martin Fayulu, ainsi qu’un certain nombre d’organisations dites de la société civile. Pour une fois, l’opposition rd congolaise semble réunie et rangée pour faire face à la majorité au pouvoir.
Mais à l’évidence, ce serait trop beau pour être vrai, selon la plupart des observateurs au pays comme à l’étranger. Ambitions individuelles et agendas cachés s’y télescopent et minent le nouveau regroupement et pourraient compromettre l’alternance politique à laquelle il aspire.
AMBITIONS RANGEES DANS LES PLACARDS
Les opposants réunis à Genval s’étaient convenus de taire leurs ambitions particulières pour s’attacher à la poursuite du seul objectif qui les unit : le départ avant la fin de l’année de Joseph Kabila du pouvoir. Sur les modalités de ce départ, et sur la suite à donner aux événements après ce départ, aucune entente. C’est connu, pourtant : le Rassemblement dans sa composition actuelle compte au moins 4 candidats à la présidentielle ; l’éternel Etienne Tshisekedi pour le compte de l’UDPS ; le nouveau riche Moïse Katumbi pour le G7 et un candidat « faire valoir », Martin Fayulu pour le compte de son minuscule parti, l’Ecidé. À ce trio, il faut ajouter sans doute l’ancien speaker de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, qui a déjà concouru à la présidentielle contre Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi en 2011 et devrait sensément rééditer sa candidature.
Affaibli autant par son âge avancé que par ses ennuis de santé, Etienne Tshisekedi n’est manifestement plus capable d’assumer les plus hautes charges de l’Etat, tout au moins pas longtemps, de l’avis des observateurs. L’homme devrait donc, à plus ou moins brève échéance, céder le pas à un autre candidat, moyennant de sérieuses assurances et fortes compensations, pense-t-on. Mais céder au profit de qui ? Les regards se tournent principalement vers l’ancien gouverneur de la défunte province du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe, rendu populaire à travers le pays grâce à la légendaire prodigalité que lui permettait sa gestion kleptocratique de la plus riche province congolaise. Le problème, c’est que Katumbi est, comme le président de la République sortant, originaire du Katanga. Avec lui, l’alternance tant vantée par les uns et les autres ne serait que partielle parce qu’elle ignorerait l’aspect géopolitique, très prégnante dans les esprits dans une présidentielle en RD Congo.
CARTE REGIONALE
C’est pourtant la principale carte qui se joue depuis la création d’une nouvelle plate-forme, le G7, par un groupe de dissidents de la Majorité Présidentielle. Selon des sources du Maximum, le G7 serait né du refus de l’actuel président de la République Démocratique du Congo, Joseph Kabila, de donner une suite à la demande pressante de certains de ses proches d’accepter de parrainer la candidature du richissime ex – gouverneur du Katanga au top job. Moïse Katumbi leur apparaissant comme le seul à pouvoir préserver la présidence pour un ou deux mandats supplémentaires, à l’ex. province cuprifère. C’est la véritable origine de l’anecdote du « refus du deuxième penalty », lancée à la foule par Moïse Katumbi avant sa fracassante démission du parti présidentiel il y a un peu plus d’un an, explique la source. Le reste, au G7, ne serait que de l’habillage plus ou moins subtil, donc. Les Kamitatu, Endundo, Lumbi et autres Lutundula ne seraient que des faire-valoir pour maquiller l’opposition à une alternance politique intégrale au pouvoir. Le G7, ce n’est autre chose qu’un projet égocentrique d’un quarteron de dinosaures katangais décidés à imposer aux Congolais une alternance sans alternance géopolitique.
L’UDPS DANS LA DANSE
Le Rassemblement, à la naissance duquel des personnalités comme Raphaël Katebe ont sérieusement contribué non seulement en décidant du lieu du conclave sur un site qui avait déjà abrité le mariage de son demi-frère Moïse Katumbi, mais aussi en le finançant, selon des informations parues dans la presse, qui semblent crédibles, n’a que cela comme objectif. Il reste à savoir dans quelle mesure le patron de l’Udps, à qui le Rassemblement a confié des fonctions ronflantes mais purement honorifiques de président du comité des sages, acceptera de jouer un rôle de figurant dans le puzzle de cette alternance sans alternance. Et jusqu’où il se laissera prendre au jeu, si c’en est un. Appâté par la générosité de Katumbi, son fils Félix apparaît à cet égard comme un instrument décisif dans cette approche qui n’est pas dépourvue d’intelligence stratégique.
Reste donc Vital Kamerhe, un originaire des Kivu. Le président de l’UNC semble avoir saisi les enjeux qui se cachent derrière la création du G7 puis du Rassemblement. Et se montre on ne peut plus prudent. L’ancien speaker de l’assemblée nationale avait déjà reproché au camp Katumbi de s’être prononcé trop tôt pour une présidentielle qui n’était pas encore acquise, selon lui. De même qu’aux conclusions de Genval, il n’a adhéré que du bout des lèvres, même si un membre de son parti avait pris part invité « intuitu personnae » au conclave de Bruxelles pour mériter les prébendes de l’ancien roi du Katanga.
A la limite donc, à l’opposition s’affronteront deux tendances, celle des caciques de l’alternance intégrale et celle des tenants de l’alternance partielle. Concilier ces vues relèverait du miracle.
J.N.