Pas vraiment une surprise, la réaction d’une partie de l’opposition rd congolaise à la convocation, le 30 juillet 2016, des travaux du comité préparatoire du dialogue politique inclusif. Dimanche 24 juillet, le Rassemblement des forces acquises au changement a annoncé, avec tambours et trompettes, la récusation du facilitateur de l’Union Africaine, Edem Kodjo, au motif qu’il aurait « convoqué unilatéralement » les travaux préparatoires du dialogue, sans avoir rencontré les exigences du Rassemblement. En fait d’exigences, il s’agit de la libération de ceux que les opposants rassemblés derrière le G7 de Katumbi et l’UDPS de Tshisekedi considèrent comme des « prisonniers politiques. Sont cités, Eugène Diomi Ndongala, condamné pour viols sur mineures ; Jean-Claude Muyambo, poursuivi dans une affaire spoliation immobilière de concert avec Moïse Katumbi Chapwe, le candidat déclaré à la prochaine présidentielle qui est également poursuivi pour une affaire de spoliation immobilière, mais aussi pour atteinte à la sûreté de l’Etat. À liste de candidats à l’immunité judiciaire pour cause d’activisme politique il faut ajouter l’Ecidé Martin Fayulu, en proie à des démêles avec le fisc municipal de Kinshasa pour des impôts fonciers non payés. Des délits de droit commun donc, mais que les opposants se plaisent à politiser à dessein, selon bon nombre d’observateurs avertis.
Sollicité par la facilitation élargie au dialogue politique (qui comprend désormais des représentants de la Monusco, de la CIRGL, de la SADC, entre autres, conformément aux exigences de la même opposition dite de Genval), Joseph Kabila a pris des mesures de grâce rendues publiques au début du week-end dernier. Six membres de l’organisation anarchiste Lucha, arrêtés et condamnés par un tribunal de Goma au Nord-Kivu à 6 mois de prison pour incitation à la révolte en sont bénéficiaires même s’ils ont déclarés pour la galerie vouloir terminer leur peine par solidarité avec les autres. Les condamnés âgés de 30 ans au moins et ceux âgés de plus de 65 ans, ainsi que toute personne condamnée à une peine de servitude pénale ou de travaux forcés, inférieure ou égale à trois ans. Une concession que l’on doit à l’exigence de décrispation du climat politique pour encourager la tenue du dialogue. Tout en évitant d’ouvrir une fenêtre à une sorte de non-Etat ou de négation de tout pouvoir d’Etat, que les opposants semblent vouloir créer.
Trop peu pour les opposants du Rassemblement qui exigent le maximum : la relaxation de tous ceux qu’ils veulent voir libres, nonobstant les prescrits de la loi congolaise. Une exigence qui exposait le Chef de l’Etat à des interférences dans les affaires judiciaires et du coup, décrédibiliser irrémédiablement le principe de l’Etat de droit et de la séparation des pouvoirs sur lesquels se fondent toute démocratie. Ce qui est, selon certains analystes, l’objectif poursuivi par les opposants dits de Genval : prouver à la face du monde qu’en RD Congo l’Etat de droit est à reconstruire ‘ex nihilo’. Dans l’univers mental de certains ténors de l’opposition, l’un et l’autre ne valent rien si leurs amis ou « clients » politiques sont exclus du dialogue.
Pour le Rassemblement des forces acquises au changement qui s’exprimait dimanche dernier par la bouche de Martin Fayulu, le chef d’un petit parti politique qui compte à peine deux députés au parlement, mais qui est poursuivi par le fisc urbain pour défaut de paiement d’impôts, la convocation du comité préparatoire du dialogue politique est unilatérale. « C’est-à-dire qu’elle n’aurait jamais dû se faire sans la participation de ces opposants qui s’estiment déjà au pouvoir en RD Congo », commente un analyste au Maximum. « En réalité, dialogue ou élections, ces messieurs n’en veulent pas. Ce qu’ils veulent, c’est être au pouvoir, se partager les pouvoirs avant toute perspective électorale. La fin du second mandat de Kabila est une occasion pour se partager le pouvoir, pas pour poursuivre un processus électoral sans eux », conclut-il.
Le dialogue tel que l’entendent ces opposants s’inscrit, lui aussi, dans ce contexte du non-Etat. Pour le Rassemblement, le dialogue politique est celui prévu par la fameuse Résolution 2277 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui reste à convoquer par on ne sait quelle instance internationale. Tout à l’inverse de celui pour lequel œuvre laborieusement le facilitateur et l’équipe élargie à la Monusco, à la CIRGL et à la SADC. Le prétexte de la convocation unilatérale est effectivement un prétexte. De dialogue politique dans un Etat existant, les néo-radicaux de l’opposition ne veulent pas.
J.N.