L’air était, depuis la fin de la semaine dernière, apocalyptique. Le microcosme politique kinois et rd congolais attendait la réunion des ministres des affaires étrangères de l’Union Européenne (UE) qui devaient plancher sur des sanctions sélectives contre celles des autorités de la RD Congo qui enfreindraient les principes de libertés et des droits humains. Après les sorties du département d’Etat des Etats-Unis, de l’Envoyée spéciale Britannique pour les Grands Lacs et du ministre belge des affaires étrangères, fustigeant à mots à peine voilés l’inculpation par la justice de la RD Congo du nouveau chouchou de la communauté internationale, Moïse Katumbi Chapwe, on n’attendait pas moins que la condamnation à mort de Kinshasa. La sentence semble avoir été postposée, par réalisme manifestement.
Au terme de sa séance du 23 mai 2016 sur la RD Congo, le Conseil de l’UE dans ses conclusions la responsabilité première des autorités de nationales pour la préparation et l’organisation des élections dans le respect des dispositions constitutionnelles pertinentes. Mais il n’en appelle pas pour autant au schéma du renversement des institutions politiques en place prôné par une certaine opposition. Pas de raccourci démocratique, en fait. L’UE invite plutôt le Gouvernement et la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) à « créer urgemment les conditions nécessaires pour la tenue de scrutins libres, transparents, inclusifs et pacifiques, et notamment les élections présidentielle et législatives ». On est loin, à ce qu’il semble, au schéma de l’interim du Président de la République, cher à la bande à Moïse Katumbi, par exemple. L’affaire ne tient pas la route, simplement. « Seul un exécutif constitutionnellement légitime et démocratiquement élu pourra apporter la stabilité et réunir toutes les forces vives du pays indispensables pour consolider les avancées importantes des dernières années et faire face aux nombreux défis, sécuritaires, humanitaires, de gouvernance et de développement, qui subsistent », estiment les Européens.
Par conséquent, tout en appelant les autorités de la RD Congo à redémarrer rapidement le processus électoral (et non pas l’opposition, quelle qu’elle soit !), l’UE invite la CENI à rendre public un calendrier électoral et des options qui permettent à la classe politique de prononcer sur la situation (dialogue ?). Et au Gouvernement de faire connaître un plan de décaissement des fonds indispensables à la bonne conduite du processus électoral et de financer la révision du fichier dépassé qui git dans les tiroirs de la CENI depuis 2006.
Enfin, et cela coule comme de source, l’Union Européenne appelle la classe politique à dialoguer. L’Union « … souligne le besoin et l’urgence d’un dialogue politique bref et précis entre tous les acteurs politiques représentatifs afin d’arriver rapidement à un consensus sur une feuille de route claire, sur la base d’un calendrier et des besoins financiers crédibles à présenter par la CENI, dans le respect de la constitution, en particulier en ce qui concerne l’élection présidentielle », lit-on dans les conclusions que le lecteur lira ci-après.
J.N.
CONCLUSIONS DU CONSEIL SUR LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
1. A quelques mois des élections, la République démocratique du Congo (RDC) se trouve à un moment charnière, et les multiples défis auxquels elle est confrontée suscitent la vive préoccupation de l’Union européenne (UE). La résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU), adoptée à l’unanimité le 30 mars dernier, souligne la responsabilité première des autorités congolaises pour la préparation et l’organisation des élections dans le respect des dispositions constitutionnelles pertinentes. L’UE appelle le Gouvernement et toutes les autres parties concernées, en particulier la Commission électorale nationale indépendante (CENI), à créer urgemment les conditions nécessaires pour la tenue de scrutins libres, transparents, inclusifs et pacifiques, et notamment les élections présidentielles et législatives. Elle estime que seul un exécutif constitutionnellement légitime et démocratiquement élu pourra apporter la stabilité et réunir toutes les forces vives du pays indispensables pour consolider les avancées importantes des dernières années et faire face aux nombreux défis, sécuritaires, humanitaires, de gouvernance et de développement, qui subsistent. Tout en prenant note de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 11 mai 2016, l’UE souligne qu’un gouvernement démocratique fonde sa légitimité sur des élections régulières et dans les délais stipulés par la Constitution, que l’organisation des élections est la responsabilité du gouvernement, et que le manque de clarté à cet égard constitue actuellement un grand facteur d’instabilité dans le pays.
2. L’UE appelle les autorités congolaises à redémarrer au plus vite le processus électoral en franchissant des étapes concrètes. Conformément à la résolution 2277 du CSNU, elle invite la CENI à communiquer dans les plus brefs délais un calendrier révisé et des options qui permettent aux divers acteurs politiques de se prononcer sur la situation. Elle demande au Gouvernement de la RDC d’élaborer rapidement un plan de déboursement pour les élections ainsi que d’actualiser les listes électorales. Seul un engagement clair du gouvernement, tant politique que financier, permettra à l’UE d’apporter son soutien, au processus électoral en particulier. L’UE souligne à cet égard le rôle important de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) d’offrir ses bons offices, en assistance technique et soutien logistique. Elle salue le travail du Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU Maman Sidikou.
3. Devant l’impasse actuelle et la montée des tensions, l’UE souligne le besoin et l’urgence d’un dialogue politique bref et précis entre tous les acteurs politiques représentatifs afin d’arriver rapidement à un consensus sur une feuille de route claire, sur la base d’un calendrier et des besoins financiers crédibles à présenter par la CENI, dans le respect de la constitution, en particulier en ce qui concerne l’élection présidentielle. A cet égard, l’UE soutient pleinement la résolution 2277 du Conseil de sécurité de l’ONU et les principes de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Dans ce cadre, en étroite coordination avec les partenaires régionaux et internationaux, elle apporte son soutien à la mission de M. Edem Kodjo, facilitateur de l’Union africaine (UA), appuyée par l’ONU, pour la mise en oeuvre d’un dialogue véritablement crédible, constructif et inclusif, et invite toutes les parties prenantes congolaises à lui apporter leur entière.
4. L’appel au dialogue politique doit nécessairement aller de pair avec le droit de chacun à s’exprimer librement. L’UE exprime sa préoccupation quant aux entraves au débat politique en RDC, comme en témoignent les événements récents, notamment à Lubumbashi, Goma et Kinshasa. Face aux rapports faisant état d’actes de harcèlements et d’intimidations en nombre croissant visant des responsables politiques, des professionnels des médias et des membres de la société civile, y compris des défenseurs des droits de l’Homme, l’UE rappelle qu’en cette période préélectorale, le respect des droits de l’Homme, notamment des libertés publiques, et la préservation d’un espace politique ouvert est crucial et constitue une condition préalable à la tenue d’un dialogue réel et crédible. Dans cette perspective, l’UE considère comme fondamentale la tâche de la MONUSCO de documenter les violations des droits de l’Homme et d’en faire rapport en application de la résolution 2277 du Conseil de sécurité et l’UE salue le travail crucial du Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme en RDC (BCNUDH). Elle souligne l’importance pour le gouvernement de la RDC de respecter ses engagements dans ce domaine conformément à la Constitution et aux accords que la République démocratique du Congo a ratifiés, y compris les conventions internationales en matière de droits de l’Homme et l’accord de Cotonou. Dans ce cadre, l’UE souhaite intensifier son dialogue avec le gouvernement de la RDC.
L’UE rappelle la responsabilité individuelle de tous les acteurs, y compris celle des responsables des institutions chargées de la justice et de la sécurité, d’agir dans le strict respect de l’Etat de droit et des droits de l’Homme, faute de quoi ils auraient à en assumer les conséquences.
5. La situation sécuritaire à l’est de la RDC reste précaire, entrainant des déplacements de populations et des besoins humanitaires importants. L’UE condamne fermement les attaques persistantes des groupes armés et la violence extrême dont sont victimes les populations, notamment dans la région de Beni, et demande aux forces armées de la RDC (FARDC), avec le soutien de la MONUSCO, d’assurer la protection des populations civiles.
L’UE condamne toute forme de violence, y compris la violence sexuelle toujours répandue dans le pays, ainsi que le recrutement et l’utilisation des enfants soldats par les groupes armés. Elle appelle les autorités congolaises à poursuivre activement leurs efforts pour mettre fin à ces crimes.
6. L’UE appelle à une reprise effective des opérations conjointes entre les FARDC et la MONUSCO pour neutraliser les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), les Allied Democratic Forces (ADF) et les autres groupes armés. Remédier aux causes profondes du conflit et stabiliser durablement l’est du pays et plus largement la région plus vaste des Grands Lacs requiert que tous les Etats signataires de l’accord cadre d’Addis Abeba de février 2013 s’acquittent des engagements qu’ils ont pris. Dans ce cadre, l’UE invite les autorités à lutter contre l’exploitation illégale des ressources naturelles du pays. Elle appelle aussi à un regain d’efforts pour la mise en oeuvre de l’accord cadre et salue l’action de l’Envoyé du Secrétaire Général de l’ONU pour la région des Grands Lacs, Mr Said Djinnit.
7. L’UE est un partenaire de premier plan de la Région des Grand Lacs; avec ses Etats membres elle a consenti des efforts considérables en RDC, avec un investissement très important dans le maintien de la paix, l’aide humanitaire et au développement d’environ €10 milliards dans les derniers dix ans.
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