C’est parti depuis lundi 31 janvier à Banana (Moanda) au Kongo-Central avec le go par le président Félix Tshisekedi des travaux de construction du port en eaux profondes en RDC. Le chef de l’Etat a en effet posé la première pierre de la construction de cet ouvrage, après 40 ans d’atermoiements pour le moins funestes. Et plus d’un siècle de léthargie, puisque l’idée et l’impérieuse nécessité de disposer d’un port en eaux profondes avaient germé dès l’aube de la colonisation léopoldienne, lorsqu’il est apparu que le Congo demeurerait enclavé s’il ne disposait pas d’un estuaire ouvrant sur l’océan Atlantique. Banana était donc ardemment attendu, au Kongo-Central comme à travers toute la RDC, parce que le territoire de 2.345.309 km² pour 80 millions d’habitants n’a d’ouverture sur l’océan que ces 37 km de littoral, ainsi que l’a souligné, lundi dernier à Banana, Chérubin Okende Senga, ministre des Transports et voies de communication.
« Cette petite ouverture est faiblement exploitée à ce jour, car pour ses transactions internationales, notre pays est obligé d’utiliser deux ports intérieurs situés à Boma et Matadi qui ne sont pas en eaux profondes et dont la faible calaison oblige tous les navires de haute mer à transiter aux ports des pays voisins, notamment ceux de Pointe Noire et Walvis Bay. Ce qui pose un réel problème de compétitivité de notre commerce extérieur», a expliqué le ministre warrior, en substance.
Promesse honorée
En présidant personnellement la cérémonie de la pose de la première pierre des travaux de construction du port en eaux profondes de Banana, Félix Tshisekedi a tenu à honorer une promesse faite aux populations locales et à concrétiser un vieux rêve du pays d’avoir un port en eaux profondes ouvert sur l’océan Atlantique, futur hub pour les échanges commerciaux entre la RDC et le monde. Ce en quoi Fatshi, ainsi qu’on le surnomme affectueusement en RDC, ne s’est pas trompé. Depuis plusieurs jours, le Kongo-Central et Moanda ont vécu une effervescence particulière, tant le futur port canalise les espoirs de survie et de développement pour les riverains, la province et le pays. Lundi 31 janvier, tout le gotha national s’était donc fixé rendez-vous dans l’agglomération plutôt célèbre pour ses plages ainsi que l’exploitation pétrolière, devenue l’instant d’une journée la capitale de la RDC.
Au nombre des personnalités ayant effectué le déplacement de l’extrême Ouest rd congolais, les bénéficiaires directs du projet de port en eaux profondes, les dirigeants des Lignes Maritimes Congolaises (LMC), qui eux aussi n’ont d’yeux que pour Moanda. Et pour cause : Banana est un port de troisième génération en gestation, c’est-à-dire, un centre de transport intégré et une plateforme logistique pour le commerce international. En plus de sa fonction traditionnelle, le nouveau port sera entouré d’usines de transformation. S’y développeront également diverses activités commerciales en raison de facilités de stockage et autres. Pour l’armement national, cette pluralité d’activités sera des plus avantageuses non seulement pour la perception des droits maritimes de gros tonnages mais également en termes d’écoulement des marchandises à travers son trafic routier. Le géant des mers national ne s’en trouvera plus à l’aise dans son rôle de transporteur multimodal, explique-t-on au siège de LMC à Kinshasa.
Les LMC à Moanda
L’occasion était unique donc, pour Lambert Mende Omalanga, président du Conseil d’administration des LMC et Cédric Tshizainga Kapumba, directeur général, de conduire une forte délégation de l’entreprise à Moanda. Venant en appui aux ports de Boma et de Matadi, le port de Banana est un pilier important dans la concrétisation du plan de relance triennal des LMC SA à l’horizon 2023, explique-t-on encore ici.
Banana, c’est aussi un investissement gigantesque : 1,3 milliards USD, selon les termes du contrat signé entre la RDC et le constructeur saoudien DP World, dont le patron, le Sultan Ahmed bin Sulayem, avait effectué le déplacement de Moanda. La plateforme vise la réduction des coûts de transport et l’augmentation du commerce, permettant ainsi à la RDC de devenir une plaque tournante du commerce mondial, a-t-il estimé. Le Sultan émirati a révélé, lundi 31 janvier à Moanda, que «le port de Banana est un des investissements les plus importants de DP World (présent en Afrique depuis plus de 20 ans), le port sera de classe internationale et apportera de la prospérité aux populations du Kongo-Central et du pays».
Le lancement des travaux de construction du port en eaux profondes de Banana a été rendu possible par la signature, le 11 décembre 2021, par le président Tshisekedi, de deux contrats avec DP World : un pacte d’actionnaires et un contrat de concession.
Le 11 décembre 2021, en présence du chef de l’Etat, du 1er ministre, des ministres des Transports, du Budget et des Finances d’une part, et d’un ministre des Emirats Arabes Unis et du président de DP World, d’autre part, avaient été ratifiés le pacte d’actionnaires entre le Gouvernement de la RDC et DP World ainsi que le contrat de concession du port de Banana. Ils remplaçaient le contrat conclu en mars 2018 sous le précédent régime, dont quelques 34 clauses ont été revues après d’âpres négociations entre les deux parties.
4 phases de construction
Les travaux de construction de la première des 4 phases du port en eaux profondes de Banana s’étaleront sur 2 ans. Ils consistent en la construction de 2 quais de 400 et 200 mètres qui pourront recevoir à la fois un bateau de 390 m avec 12.500 conteneurs de 20 pieds, et un autre de 200 m pour un tirant d’eau de 15,5 m après dragage, un zone de stockage de 28 hectares pour une capacité de stockage de 16.000 EVP (équivalent conteneur pieds) et 500 mouvements conteneurs par an, une centrale électrique de 7,5 MVA (méga volt ampère). Valeur d’investissement total : 539.500.000 USD, dont 118.500.000 d’apport gouvernemental pour les travaux de route Banana-Boma.
La deuxième phase des travaux consistera en la construction d’un 3ème quai de 200 m, en l’augmentation de la capacité électrique de 2,5 MVA et en la construction de la 2ème zone industrielle et logistique. Valeur d’investissement : 168.000.000 millions USD, dont 3.000.000 USD d’apport gouvernemental financé par DP World.
Dans sa 3ème phase des travaux, Banana verra l’érection d’un 4ème quai de 400 m et l’augmentation de la capacité électrique de 5 MVA, pour une valeur d’investissement de 236.000.000 millions USD, dont 6.000.000 USD d’apport gouvernemental financé par DP World.
Le 5ème quai de 400 m et l’augmentation de la capacité électrique de 5 MVA seront effectifs à la 4ème phase des travaux de construction du port en eaux profondes de Banana. Cout d’investissement : 226.000.000 millions USD dont 6.000.000 USD d’apport gouvernemental financé par DP World.
Il sied de noter que l’érection du port a été précédée d’études géotechniques effectuées par CCCC Third Harbour Consultants Co.LTD de Shangai (bathymétriques, géologiques et topographiques), d’études d’impact environnemental et social par Consultant International de Toulon, France & Environnement Office Congo Sarl, juin 2017, études du marché et concept technique par Royal Haskoning de la Hollande (étude économico-financière).
Impacts
S’agissant de l’impact du projet, il est à la fois politique, économique et social.
Sur le plan politique, la construction d’un port en eaux profondes à Banana, dans l’ouverture de l’Océan Atlantique est une question de souveraineté nationale et d’indépendance dans le domaine maritime et de leadership géostratégique.
Sur le plan économique, comme déjà indiqué par les intervenants à la cérémonie de pose de la première pierre des travaux de construction lundi 31 janvier à Moanda, l’augmentation des flux des navires, essentiellement ceux de gros tonnages qui ne pouvaient pas accoster en RDC par manque d’infrastructures adaptées dans les eaux profondes, avec une incidence positive sur le volume du trafic, le chiffre d’affaires du port, les diverses retombées dans la province du Kongo-Central, et in fine, sur les effets diffus sur la croissance nationale. Il est rappelé que l’absence du port en eaux profondes à Banana fait que les deux tiers du trafic au port de Pointe-Noire sont destinés à la RDC. Donc, Banana est prédestiné à devenir un hub maritime pour la sous-région.
Sur le plan social, la création d’emplois directs (environ 5.000) et indirect est envisagée, notamment de manière directe, par la construction de la zone industrielle et logistique autour du port, la construction des infrastructures sociales (écoles, hôpitaux…) et de manière indirecte, le développement de l’initiative privée par la multiplication des projets de sous-traitance, la modernisation de la cité (asphaltage de la route Banana-Matadi, développement de l’HORECA, …). Bref, Banana contribuera à coup sûr à la réduction de la pauvreté au Kongo-Central en particulier et en RDC en général.
LE MAXIMUM