Dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri sous état de siège, les plus mauvaises nouvelles de ces derniers jours proviennent de l’Ituri. Particulièrement, l’attaque perpétrée dans la nuit du 1er février 2022 à Savo, en chefferie de Bahema Gegere dans le territoire de Djugu. L’assaut contre le site de déplacés de Plaine Savo non loin de Bule a fait une cinquantaine de morts, dont 18 enfants, et 65 blessés à l’arme blanche, selon des sources de la société civile, suscitant un vif émoi dans la région et au-delà à travers la RDC et monde.
Le carnage de Plaine Savo a suscité de nombreuses réactions. A commencer par celle de la société civile de l’Ituri qui a décrété 3 jours de deuil, qui courent à partir de jeudi 3 février. Dieudonné Lossa, coordonnateur de la structure, rapporte par ailleurs le kidnapping de 32 personnes à Masisi/Mabilindev, une localité de Mongwalu, et de 6 autres à Terali en territoire de Mahagi. La société civile de l’Ituri a également demandé au président de la République de se rendre en Ituri pour s’enquérir personnellement de la situation sécuritaire qui y prévaut en compagnie du ministre de la Défense nationale. De même que le relèvement des officiers militaires actifs dans la zone.
Réactions
Les FARDC ont également réagi au drame de Plaine Savo, mercredi 2 février, en dénonçant un crime contre l’humanité. «S’attaquer contre un site de déplacés, où on trouve la population civile innocente qui n’a aucun moyen de défense, c’est de la pure folie et de la lâcheté. C’est un crime contre l’humanité», a déclaré le porte-parole FARDC en Ituri, Jules Ngongo, indiquant que ces atrocités ne resteront pas impunis.
A Kinshasa, le caucus des députés nationaux et sénateurs de la province de l’Ituri ont condamné les massacres de Djugu, qu’ils jugent «cruels et inhumains» et exigé l’ouverture «immédiate d’une enquête sérieuse et indépendante pour établir la vérité sur les circonstances qui ont facilité ces massacres de la population civile». Les élus de l’Ituri ont également demandé à l’ONU de classer la milice CODECO sur leur liste noire, au même titre que les autres organisations terroristes à travers le monde, de même qu’ils en appellent à l’effectivité des opérations militaires mutualisées entre les armées ougandaises et congolaises dans la province de l’Ituri.
Dans une déclaration contre le meurtre de dizaines de personnes déplacées dans le camp de Plaine Savo, en Ituri, le Conseil norvégien pour les réfugiés, par la bouche de Cathlin Brady, a condamné dans les termes les plus forts le massacre. «C’est la dernière d’une série d’attaques brutales en Ituri. Plaine Savo est peuplé de familles – familles vulnérables – qui ont fui des violences similaires avec leurs enfants et qui ne demandent que le droit de vivre en paix. Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais aucune justification pour les attaques contre les civils. Les responsables doivent être tenus de rendre des comptes», a déclaré en substance la directrice du conseil pour les réfugiés en RDC.
L’UDPF se déploie en Ituri
La recrudescence des attaques contre les civils en Ituri s’explique par la précarité croissante de la situation des milices locales et des rebelles pourchassés par les forces coalisées UPDF-FARDC et la MONUSCO. Après une évaluation des opérations militaires conjointes entre leurs deux états-majors la semaine dernière, les éléments des forces armées ougandaises ont entamé leur déploiement en Ituri le 29 janvier 2022 par la localité de Burasi en chefferie Bahema Mitego. Exhortant la population à accentuer la collaboration avec les forces coalisées, le lieutenant Jules Ngongo a émis le vœu de voir l’UPDF entamer rapidement les frappes contre les rebelles ADF et les miliciens CODECO. Mardi 2 février, le site officiel des FARDC a annoncé le renforcement des effectifs militaires dans plusieurs localités de l’Ituri où des nouvelles encourageantes ne font pas défaut, malgré tout.
Lundi 31 janvier, une dame du nom de Neema Budju, chef de quartier Bakongolo dans la commune de Mbunya à Bunia a été présentée au gouverneur militaire de la province. Elle était à la tête d’un réseau d’achats et de ventes d’armes et entretenait un «vieux réseau criminel» dans la région. «Il y a un réseau que nous qualifions de réseau d’achat d’armes qui incitent les militaires à commettre des actes contraires à la loi. Et dans leur rêve le plus fou, voulait inciter les militaires à vendre l’arme qui est devant vous. Donc, c’est un réseau qui date de très longtemps mais avec l’avènement de l’état de siège, la conscience et le patriotisme que les militaires manifestent actuellement, ils n’ont pas voulu tomber dans ce piège-là», a expliqué le lieutenant Jules Ngongo à l’occasion de la présentation du groupe comprenant également 2 éléments maï-maï, un ravitailleur des terroristes ADF en produits pharmaceutiques arrêté à Otombare (chefferie des Walese-Vonkutu) et 4 militaires auteurs de tracasseries de la population.
Nobili attaqué
Dans la province voisine du Nord-Kivu, au moins 3 civils, 2 femmes et 1 enfant, ont péri dans l’incursion de rebelles ADF le soir du 2 février 2022 à Nobili (chefferie Watalinga), un village frontalier de l’Ouganda. L’enfant, âgé de 11 ans et une femme ont été tués par balles, une autre femme qui fuyait les tirs est morte piétinée par la foule qui tentait de s’extraire de la zone d’attaque. Le calme n’est revenu qu’après les accrochages qui ont opposé durant plusieurs heures les FARDC aux assaillants.
Dans la même région, l’explosion d’une bombe artisanale dans un champ à Manzanzaba, un village située près d’Oïcha, lundi 31 janvier, a causé la mort d’une personne. Il s’agit d’un pygmée qui se rendait à ses champs, rapporte la société civile locale.
3 jours plus tôt, le 28 janvier, l’armée avait neutralisé une dizaine de rebelles ADF à Loselose, un village du secteur de Ruwenzori. Le capitaine Antony Mualushayi, porte-parole du secteur opérationnel Sukola 1 qui a livré l’information à la presse annonce 2 blessés dans les rangs des FARDC. Par ailleurs, l’armée congolaise a lancé une opération de recrutement d’éléments de troupes dans la région, des jeunes filles et garçons qui le désirent, selon un communiqué du commandant de la 34ème région militaire publié vendredi 28 janvier 2022. Les volontaires sont priés de se présenter à l’état-major 34ème région militaire ou au camp militaire général Shiko à Beni.
Salim Rachid Mohamed
Dans cette partie du territoire national, l’information dominante reste l’arrestation suivie du transfèrement à Kinshasa pour des raisons de sécurité, selon des sources militaires à Beni, le 28 janvier, de Salim Rachid Mohamed, un chargé de propagande ADF dont la spécialité consistait en la diffusion de vidéos de décapitation d’éléments FARDC capturés au front et des civils. Sujet Kenyan, Salim aurait fui au Mozambique pour y rejoindre la cellule locale de l’Etat Islamique. Il est décrit comme un homme intelligent qui a gâché ses chances dans la vie et choisi de se lancer dans un métier dangereux par les services judiciaires de son pays.
A Beni, l’arrestation de ce tristement célèbre terroriste a réjoui plus d’un. Lundi 31 janvier, le CEPADHO, une Ong de défense des droits de l’homme ayant pignon sur rue, s’est félicité de l’arrestation du chef ADF Salim Mohamed. Pour Omer Kavota, coordonnateur et directeur exécutif de cette structure, cette arrestation traduit la franche collaboration qui existe entre les forces loyalistes et la population locale. «Nous saluons cet exploit de l’armée congolaise parce qu’à travers la capture de Mohamed, les FARDC ont démontré leur capacité à en finir avec ce mouvement djihadiste, à anéantir ce groupe terroriste qui a fait d’innombrables victimes dans cette partie de la République. Et d’ailleurs, nous pensons effectivement que de plus en plus ce mouvement est en train d’être fragilisé. Nous voudrions donc appeler la population à faire confiance à son armée, n’en déplaise aux mauvaises langues qui sont en train de vilipender cette armée ou l’état de siège. Il s’observe que cette armée est en train de réaliser des exploits qu’il faut considérer», a déclaré M. Kavota, soulignant que la guerre contre le terrorisme nécessite la cohésion de toutes les forces pour «décapiter les têtes pensantes de ce mouvement terroriste et les combattants».
Collabos aux arrêts
Mardi 1er février, des sources sécuritaires ont fait état de l’arrestation à Beni de plusieurs collaborateurs ADF, des autochtones surpris avec des tenues militaires et policières manifestement destinées aux rebelles. Il s’agit nommément de sieurs Kambale Mukania, Paluku Laurent, Kasereka Gustave, Saidi Kamate Katembo.
Ces arrestations viennent compléter une liste qui ne cesse de s’allonger comprenant notamment des chefs ADF tombés dans les filets des services de renseignements militaires, dont 1 instructeur en pilotage de drones, 1 chargés des finances, 1 chargé de propagande. Même si elles ne signent pas la fin de l’insécurité dans la province.
Dans une note, mardi 1er février, l’ambassade américaine à Kinshasa a lancé une alerte contre de probables attaques terroristes dans la ville de Beni.
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