La sécurisation des revenus publics pose un problème, notamment de traçabilité. Félix Tshisekedi l’a reconnu dans son discours sur l’état de la Nation. Pour en finir, le président de la République pense mettre en place un circuit triangulaire : banques commerciales, poste (SCPT) et Caisse d’épargne du Congo (CADECO).
L’initiative est louable, estiment les experts contactés par Le Maximum, mais les services de l’Etat impliqués dans le projet du chef de l’Etat, à savoir la Poste et la CADECO, sont, pour la première très concurrencée par les privés, et en quasi-marasme pour la seconde. On rappelle que la recapitalisation de la CADECO fait partie des 28 mesures urgentes prises par le gouvernement en 2016 mais la mesure n’a pas été suivie d’effet. D’aucuns estiment que la CADECO est une institution en faillite de facto. D’ailleurs, le Fonds national d’entretien routier (FONER) a du mal à recouvrer l’argent que ses redevables qui y a été versé. Aux dernières estimations, la CADECO doit à ce fonds quelques 4 millions USD.
La problématique de la traçabilité des paiements pour le compte de l’Etat avait déjà fait l’objet d’une bagarre épistolaire entre l’alors conseiller spécial en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption et le blanchiment des capitaux, Luzolo Bambi et l’Association congolaise des banques (ACB). Luzolo Bambi avait soupçonné certaines banques commerciales de se livrer à des opérations de blanchiment des capitaux dont il estimait le préjudice causé au Trésor à des milliards USD. En témoigne sa note au vitriol du 31 Août 2017 à Yves Cuypers, numéro un de la BCDC (Banque commerciale du Congo) et président de l’ACB, Association congolaise des banques. «[…] Il est regrettable que votre attitude frise l’arrogance et le mépris à une institution de la République au point de vous permettre d’inviter les banques à se rebeller contre l’exécution d’une Ordonnance présidentielle à laquelle vous opposez des notes circulaires du Procureur Général de la République avec une interprétation biaisée. Je vous invite une ultime fois à lire utilement les instruments juridiques sus-indiqués, notamment la Loi portant lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, la Loi relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit, l’Ordonnance organisant les services du conseiller spécial anti-corruption particulièrement au sujet du secret bancaire, etc. pour ne plus induire les membres de votre Association dans une abstention coupable et une obstruction délibérée aux enquêtes à l’occasion imminente des nouvelles missions d’investigations. Vous aurez ainsi été prévenu».
Certes, aucun responsable de 16 banques opérationnelles n’a été inquiété à la suite de cette mise en demeure mais les preuves des forfaits étaient flagrantes. La Cellule nationale des renseignements financiers (Cenaref) a, en effet, enjoint la Direction générale des impôts (DGI) de s’assurer un «meilleur suivi des obligations déclaratives et de paiement, particulièrement dans les secteurs miniers, pétroliers producteurs, de télécommunication et bancaires où les rémunérations sont indexées». La Cenaref fait, en pratique office d’agence de renseignements dans le monde des affaires et des finances publiques. Elle est, pour ce faire, rattachée à la Banque centrale du Congo. Il a, en effet, été décelé «une discordance des chiffres entre les statistiques collectées auprès des banques commerciales et ceux du compte général du trésor de la Banque centrale du Congo, BCC ». Par ailleurs, «des données de recoupement de la Direction générale de migration (DGM) ainsi que des licences de transfert de fonds vers l’étranger obtenues auprès des banques commerciales » devraient être réexaminées en vue de faire la lumière sur la gestion de rapatriement des devises en RDC à titre d’impôts, redevances et autres droits, selon des sources autorisées à l’hôtel des impôts. Pour ce faire, la régie financière comptait se baser sur des données de recoupement du ministère du Travail, du CNSS et de l’INPP ainsi que des licences de transferts de fonds vers l’étranger obtenues auprès des banques commerciales. Près de deux ans après, rien n’est venu, sinon que le nouveau chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi, veut associer d’autres services pour mieux sécuriser les paiements dus à l’Etat.
POLD LEVI