Ils étaient 133 cardinaux pour élire le successeur du Pape François à la tête de l’église catholique romaine. Dont au moins 3 africains, également en course sans se faire trop d’illusions. Le 8 mai 2025, après 24 heures de conclave et seulement quatre tours de scrutins, la fumée blanche annonçant l’élection du cardinal américain Robert Francis Prevost est apparue. Elle annonçait la fin de l’un des exercices du genre les plus courts de l’histoire.
La relative brièveté de l’événement n’a pas été la seule particularité de cette élection express. Agé de 69 ans, le nouveau pontife, natif de Chicago, est le premier pape originaire des Etats-Unis d’Amérique. Le 267ème pape de l’église catholique est également le 4ème pape non italien après le Polonais Jean-Paul II, l’Allemand Benoît XVI et l’Argentin François. Il est aussi le plus jeune pape depuis Karol Wojtyla, élu pape sous le nom de Jean-Paul II à 58 ans en 1978. On note aussi que Léon XIV a quasiment fait l’unanimité des 133 votants en raflant plus de 100 voix, soit un peu plus 10 voix de plus que les 89 requises pour être déclaré élu.
Robert Francis Prevost, qui a choisi de s’appeler Léon XIV, est né d’un père français connu pour avoir, notamment, débarqué avec les troupes américaines en Normandie durant la seconde guerre mondiale, et d’une mère espagnole ayant des ascendances italiennes. Pour une église à la recherche d’un pape de synthèse, ce profil est apparu rassembleur à la plupart des cardinaux électeurs qui ont jeté leur dévolu sur sa personne.
Le nouveau pontife appartient à l’ordre de Saint Augustin. En choisissant Léon comme nom de règne, il se place dans les pas de Léon XIII, pape de 1878 à 1903, considéré comme le pape le plus progressiste des temps modernes. Puisqu’on lui doit la doctrine sociale de l’église, notamment. Mais pas que.
Un modéré plutôt qu’un traditionnaliste
Léon XIV est présenté comme un homme d’écoute et de synthèse «classé parmi les modérés», et connaissant autant le terrain que les rouages du Vatican. Un évêque «ne doit pas être un petit prince assis en son royaume, il doit être proche du peuple qu’il sert et marcher avec lui, souffrir avec lui», déclarait-il en 2024 à Vatican News. Le nouveau pape a longtemps œuvré comme évêque au Pérou, pays dont il a par ailleurs pris la nationalité. Il a également effectué de nombreux voyages en RDC, à Kinshasa et dans les provinces du Haut et du Bas Uélé dans le cadre de ses responsabilités dans la congrégation des augustiniens, avant d’être affecté au Vatican à un poste hautement stratégique par son prédécesseur : c’est l’homme qui nommait les évêques catholiques de la planète (dicastère pour les évêques).
Le 8 mai 2025, c’est donc un des leurs, choisi pour sa modération, que les cardinaux électeurs ont porté à la tête de l’église catholique. Si le nouveau Pape a rappelé à plusieurs reprises qu’il se situait dans l’héritage de son prédécesseur, il n’en est pas moins salué par les courants les plus traditionnalistes qui ont vu dans certaines de ces déclarations antérieures et dans ses premiers gestes, les signaux avant-coureurs d’un retour aux fondamentaux du catholicisme, assure Luc Chatel, un journaliste indépendant spécialiste des questions religieuses.
A ce jeu de conciliation de courants entre progressistes et traditionnalistes de l’église catholique, les cardinaux africains, bien qu’influents, n’auront pas été décisifs. Ils se sont tout de suite retrouvés hors-jeu parce que jugés trop conservateurs, selon des médias. Nos confrères de La Libre Belgique rapportent qu’ils n’ont pas pesé dans la balance, bien qu’au moins un parmi eux, le Cardinal Peter Turkson du Ghana, ait compté parmi les favoris à un moment donné. L’enjeu électoral s’est concentré sur les cardinaux plus progressistes, élus par le pape François, qui auront joué un rôle déterminant dans l’élection de l’un d’entre eux.
Le retrait décisif de Pietro Parolin
Selon ces sources, le conclave du 7 au 8 mai dernier s’est joué à peu de choses. Sky News croit savoir qu’à l’issue des premiers tours des votes, c’est le nom de Pietro Parolin, qui se détachait nettement. Agé de 70 ans, le secrétaire d’Etat au Vatican était largement considéré comme le principal prétendant au trône. Le n°2 de l’église catholique caracolait en tête des votes avec 45 et 55 voix lors des trois premiers tours, assez loin devant le Cardinal Prevost qui n’en récoltait en ce moment-là que 33 à 44. Alors que pour être élu pape, il fallait atteindre les deux tiers des voix, soit au moins 89 suffrages.
La tâche était rendue difficile par une autre «bataille interne» entre deux cardinaux philippins, Luis Antonio Tagle et Pablo Virgilio David dont les voix obtenues ont fragilisé et réduit les chances de Pietro Parolin et Francis Prevost. C’est le moment choisi par le Cardinal Pietro Parolin pour se retirer de la course et d’annoncer son soutien à Prevost, selon Sky News. «Ce geste a permis à Prevost de recevoir des voix cruciales : celles des cardinaux américains modérés, des cardinaux sud-américains, notamment ceux qui connaissaient son travail au Pérou, et des cardinaux européens».
Les observateurs font état de tractations secrètes entre cardinaux et du rôle déterminant joué par certains parmi ces calottes sacrées. Particulièrement, celui du Cardinal Allemand Gerhard Müller, tête d’affiche des conservateurs connu pour ses dénonciations du précédent pontificat.
Ou encore, le très influent Cardinal américain Burke, qui aurait reçu Mgr Robert Francis Prevost dans ses appartements quelques jours avant le conclave, selon Il Corriere Della Sera. Avec un autre Cardinal américain, Timothy Dolan, le Cardinal Burke aurait largement préparé l’élection du remplaçant du Pape François. «Ils ont trouvé en Prevost le candidat de rassemblement idéal : à la fois conservateur et progressiste, occidental par ses origines nord-américaines et imprégné des cultures du Sud après ses longues années passées au Pérou. Il semble s’être également révélé un fin tacticien et négociateur, prêt à faire des compromis et à assumer ses ambiguïtés», de l’avis de Luc Chatel.
On est donc plutôt loin des propos du Cardinal conservateur congolais Fridolin Ambongo assurant que «le seigneur avait déjà choisi son pape et n’attendait de nous que de le rejoindre sur son choix». Devant les caméras de la télévision catholique KTO, le 9 mai 2025, le Cardinal Ambongo qui venait de participer à son premier conclave électoral, témoigne que «j’étais même surpris de constater que malgré cette confusion au départ, on n’a pas mis longtemps pour tomber tous d’accord sur un nom. Je crois que ça été vite fait parce que nous sommes tous entrés en conclave de bonne foi. Il n’y avait pas comme on entend dans des films : des agendas, des calculs. Les cardinaux n’étaient pas dans des calculs. Tout de suite, nous avons rejoint ce que le seigneur nous indiquait comme chemin», a encore déclaré le cardinal congolais, pointé par certains parmi les favoris à l’élection papale du 8 mai dernier avant d’être jugé «trop politique et peu théologique».
Il semble bien que la bonne foi des cardinaux électeurs et les indications du Seigneur aient volé au secours des qualités intrinsèques du nouveau pontife. «Sa réputation diplomatique lui a permis de convaincre des cardinaux de différentes tendances idéologiques et géographiques», selon La Republica.
J.N.