Une semaine après la 6ème réunion interministérielle dans la cadre du processus de paix de Luanda, qui s’est soldée par l’adoption d’un concept opérationnel (CONOP) qui guidera la mise en œuvre du Plan Harmonisé de Neutralisation des FDLR, la médiation angolaise a annoncé, lundi 2 décembre 2024, une tripartite Tshisekedi – Kagame – Lourenço dans la capitale angolaise. Le rendez-vous, calé le 15 décembre 2024 s’inscrit «dans le cadre des efforts en cours pour trouver une solution durable au conflit dans l’Est de la RDC», selon les termes du communiqué publié sur la page Meta de la présidence angolaise. Mais tout indique que de nombreuses embuches se dressent encore sur la voie du retour à la paix et que la tâche du médiateur angolais, João Lourenço, demeure aussi laborieuse que par le passé.
Alors qu’aux termes du document validé le 25 novembre 2024 à Luanda par les parties congolaise, rwandaise et angolaise, il avait été convenu que la neutralisation des FDLR et le désengagement des troupes rwandaises, seraient concomitantes, suivies d’une phase d’analyse de la situation des FDLR et la levée des mesures défensives du Rwanda.
Le CONOP, conçu pour guider la mise en œuvre du Plan de neutralisation des FDLR, comprend 4 étapes. La première, prévue sur une durée de 15 jours, consisterait à évaluer la menace posée par les FDLR et à localiser leurs positions. Parallèlement, Kigali devant fournir des informations détaillées sur ses «mesures défensives» et s’engager à cesser toute incursion transfrontalière en RDC ; la deuxième phase visait les actions ciblées pour neutraliser les FDLR et leurs alliés, suivies d’une évaluation conjointe des progrès réalisés ; la troisième porterait sur une revue des opérations afin d’évaluer leur efficacité ; et, la quatrième phase serait consacrée à la stabilisation incluant la démobilisation, le rapatriement et la réintégration des ex-combattants FDLF, ainsi la normalisation des relations bilatérales entre la RDC et le Rwanda.
Kigali rétropédale
Mais Kigali semble se rétracter, et ses supplétifs du M23 multiplient les attaques sur les positions des FARDC sur le terrain des opérations au Nord-Kivu.
A la suite de Yolande Makolo, porte-parole du gouvernement rwandais qui avait déclaré le 26 novembre 2024 que les mesures défensives rwandaises resteront en place en RDC, Olivier Nduhungirehe, ministre des Affaires étrangères du Rwanda, confirme ces rétractations. Aucun accord ne sera signé à Luanda sans le dialogue direct entre Kinshasa et le M23, assure désormais le patron de la diplomatie rwandaise. «La paix ne peut être obtenue si les causes profondes des problèmes ne sont pas traitées», déclare Olivier Nduhungirehe, en anglais, dans une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux, mercredi 4 décembre 2024. Le 2 décembre, le ministre rwandais des Affaires étrangères avait déjà déclaré que les mesures défensives mises en place par le Rwanda pour contrer les menaces sécuritaires émanant de la RDC resteraient en place jusqu’à ce que des accords visant à neutraliser les milices FDLR se concrétisent.
48 heures auparavant, le 30 novembre 2024, les supplétifs rwandais de l’AF/M23 avaient publié un communiqué indiquant que «le processus (de Luanda, Ndlr) ne concerne pas l’AFC/M23» et que «seul un dialogue direct et sincère abordant les causes profondes du conflit peut ouvrir la voie à une solution pacifique et durable à l’Est de la RDC».
Recrudescence des affrontements
Depuis lors, des affrontements de grande intensité entre les rebelles soutenus par l’armée rwandaise, d’une part, et les résistants Wazalendo appuyés par les FARDC, d’autres part, se multiplient au Nord-Kivu.
Mercredi 4 décembre, les localités de Luofu, Kathwa et Miombwe dans le territoire de Lubero, assaillies depuis 3 jours, demeuraient sous les feux. Tout autant que les localités de Kikuvo et Kirumba où les populations civiles se sont retrouvées entre deux feux. Selon des témoins, les FARDC et les Wazalendo avaient pris le contrôle de plusieurs villages, notamment, Miobwe, Bwatsinge et l’entrée de Kanyatsi. Des informations que semble confirmer un communiqué des FARDC qui assurent que les forces gouvernementales «ont déjoué avec succès des tentatives d’attaques des rebelles M23 et RDF, en violation flagrante de l’accord de cessez-le-feu». Mais aussi, qu’elles «ont réalisé des avancées significatives en reprenant des villes et des villages précédemment occupés par les rebelles».
Mardi 3 décembre, le Lieutenant Reagan Mbuyi, porte-parole FARDC dans la région, avait formellement démenti une information selon laquelle les rebelles de l’AFC/M23 avaient pris le contrôle de la localité d’Alimbongo, chef-lieu de la chefferie de Bamate. «L’ennemi n’a pas su bouger de Matembe. La situation est sous contrôle des FARDC. Avant de prendre Alimbongo, il faut prendre Matembe. Nous sommes à Matembe, comment l’ennemi va atteindre Alimbongo derrière nous ?», avait-il réagi dans les médias locaux.
Dans un communiqué, le même jour, les FARDC ont annoncé que des pertes importantes avaient été infligées aux rebelles après les combats qui s’étaient déroulés lundi 2 décembre 2024 à Matembe et ses environs. Tout en déplorant le pilonnage à l’aveuglette, dont deux obus de type RLM ont terminé leurs courses à 2 km de l’hôpital général de référence d’Alimbongo, sans causer des dégâts, heureusement. Selon ce communiqué, les rebelles asphyxiés par la force de feu des FARDC se sont repliés vers les collines de Kasinga, 2 Antennes et Utwe au Sud de Lubero.
Butembo en ligne de mire
Selon les observateurs, la recrudescence des attaques rebelles contre les positions FARDC au Nord-Kivu visait l’occupation de Lubero-Centre et surtout la ville de Butembo, capitale économique du Grand Nord-Kivu, avant la tripartite du 15 décembre 2024 à Luanda. «Cela relève de la stratégie habituelle de Kigali, qui consiste à aborder ce type de rendez-vous en position de force pour mieux influencer les négociations», explique cet acteur de la société civile du Nord-Kivu.
La tripartite annoncée par João Lourenço s’annonce donc sous des auspices peu encourageants, même si par ailleurs, les efforts du médiateur angolais sont soutenus par la communauté internationale. Outre l’Union européenne qui a déjà exprimé son soutien et réaffirmé son engagement à accompagner les efforts de paix dans la région, les Etats-Unis abondent dans le même sens.
Au cours de son séjour en Angola, le président américain sortant, Joe Biden, a «encouragé la poursuite de l’engagement en faveur du processus de Luanda afin d’assurer une résolution pacifique du conflit dans l’Est de la République Démocratique du Congo», au cours d’un entretien avec son homologue Congolais, mercredi 4 décembre 2024 à Lobito.
Seul ce soutien de la communauté internationale pourrait dissuader Paul Kagame et faire évoluer favorablement le processus de Luanda, estime-t-on.
J.N. AVEC LE MAXIMUM