C’en est fini du calme observé au sommet de l’Eglise de réveil du Congo (ERC), le regroupement des confessions religieuses non-traditionnelles, depuis plusieurs mois. Il a été bruyamment rompu, samedi 14 octobre 2023, à l’initiative d’un groupe de pasteurs et évêques, parmi lesquels on cite Kankienza, Mukuna, Kaleta et Bravo. Ils ont décidé de déchoir l’évêque Israël Dodo Kamba, élu président du regroupement au terme d’une assemblée générale des églises de réveil en septembre 2020.
Dodo Kamba est quasiment accusé de tous les péchés d’Israël, au propre comme au figuré : mauvaise gestion financière et détournements des ressources confessionnelles et ecclésiastiques, révision frauduleuse des textes statutaires de l’organisation, utilisation abusive de la réputation confessionnelle, clientélisme, démagogie, cupidité, égoïsme et exclusion comme mode de gestion etc. «Les divers fonds provenant des sources officielles et les dotations des partenaires à différentes circonstances sont utilisés comme frais personnels»,dénoncent particulièrement ce groupe de « co-fondateurs » de l’ERC, qui stigmatisent l’attitude de leur homologue l’évêque Dodo Kamba vis-à-vis d’un monument de l’organisation, le pasteur Albert Kankienza, qu’il se serait permis de virer comme un malpropre. «Dans notre analyse en tant que géniteurs de cette organisation, nous avons noté que votre gestion individualisée de l’ERC constitue un danger et une maladie pour lesquels il faut apporter des remèdes urgents et efficaces », écrivent-ils, sans faire référence aux remèdes spirituels dont ils ne cessent de gaver leurs ouailles à longueur des journées et des nuits de vieilles sans répit.
Concupiscents
Contre leur confrère dans la foi chrétienne du réveil, le groupe de co-fondateurs de l’ERC a donc choisi la voie humaine de la déchéance, hic et nunc. Plutôt que d’attendre du Saint Esprit une solution au problème, ainsi qu’ils le recommandent généralement aux fidèles. Et c’est là le hic, selon plusieurs observateurs.
Lundi 16 octobre, l’évêque ainsi crucifié est sorti de son mutisme. Dodo Kamba, qui assure avoir appris sa déchéance par les réseaux sociaux se rebiffe et conteste la décision, qu’il juge arbitraire. «Je suis le président de l’Eglise de réveil du Congo, pas nommé mais élu », a-t-il déclaré dans une brève adresse aux médias. Comme pour indiquer que tout fondateurs qu’ils sont, ses détracteurs n’ont nul pouvoir de se substituer à l’assemblée générale de l’ERC qui l’a élu il y a presque 3 ans aujourd’hui. «Je ne cherche pas à me maintenir par la force. Celui qui veut me remplacer doit attendre la convocation de la prochaine assemblée générale qui aura lieu l’année prochaine», déclare encore l’évêque Dodo Kamba, faisant allusion à la loi qui régit le fonctionnement des associations sans but lucratif (ASBL) en RDC. Un membre fondateur est de facto un membre effectif d’une telle association et n’a pas plus de pouvoir qu’un autre membre effectif, selon l’entendement du président de l’ERC. Le groupe des fondateurs n’aurait donc aucun droit particulier de le déchoir de ses responsabilités à la tête de l’ASBL ERC.
Selon une source dans les milieux des «hommes de Dieu», sur la procédure, le président élu de l’ERC n’a pas tort et ses détracteurs ont commis le péché de la tricherie en s’arrogeant une majorité sans effet juridique . «L’Assemblée générale de nos membres dissémines à travers l’assemblée générale compte près de 200 membres. Quelques individus ne peuvent donc prétendre se substituer à elle», explique ce jeune pasteur, sous anonymat.
Une affaire de gros sous électoraux
Pour un autre, qui n’a pas l’air d’apprécier particulièrement ceux qu’ils présentent comme «des parvenus» de l’ERC, «derrière la tentative de destitution de Dodo Kamba se dissimule une affaire de gros sous», devenue cruciale à l’approche des échéances électorales. «Souvenez-vous des révélations du pasteur Denis Lessie peu après les scrutins de 2018. Ces gens-là se font engraisser sérieusement durant cette période», déclare-t-il, l’air convaincu.
De ce point de vue, le principal défaut du jeune évêque, c’est probablement ce que ses détracteurs désignent pudiquement (et religieusement) par «gestion individuelle», «mauvaise gestion financière », « égoïsme » … « En réalité, les patriarches n’ont pas suffisamment d’emprise sur l’évêque président, alors que le moment «M» approche. Ils ont décidé de se rappeler à son existence», déclare le pasteur d’une église de Matete.
Dans l’entourage du président de l’ERC, des sources interrogées ne réfutent pas cette interprétation, toute païenne et peccamineuse, des faits. Elles ne la confirment pas non plus. «L’évêque général a une autre vision de l’ERC et de son rôle en ses temps difficiles. Il estime que la meilleure façon d’assurer la survie de l’ERC face à l’adversité (satanique ou catholique), ce n’est pas de se rassembler et d’organiser des cultes communs pour s’attirer la bienveillance des animateurs du pouvoir en place. C’est de se montrer responsable et digne de confiance pour bénéficier des mêmes avantages pérennes que les églises traditionnelles. Et cela ne plaît pas à tout le monde dans la bergerie », explique-t-on.
L’évêque Dodo Kamba ne voit pas petit. « L’homme de Dieu » se laisse aller à rêver d’une ERC qui concurrencerait les églises dites traditionnelles, en matière de collaboration avec le pouvoir politique dans les secteurs de l’enseignement et de la santé, par exemple. «C’est aussi grâce au concours de l’Etat que ces églises se sont confortablement installées»,confie-t-il à des proches. En attendant, c’est en matière électorale qu’il essaie de tenir la dragée haute face à l’adversité (politique). Pour les scrutins de décembre prochain, l’ERC compte ainsi mettre sur pied sa propre mission d’observation électorale, à l’instar des catholiques et des protestants. Qui devrait compter autant d’observateurs sinon plus que ceux de ces deux églises traditionnelles. « C’est pour porter aussi haut que possible la voix et le poids de l’ERC dont les églises et lieux de culte se retrouvent dans chacune de nos avenues et rues, dans chacun de nos villages », assure-t-on encore, comme pour contester les statistiques qui placent les églises traditionnelles au sommet des préférences des fidèles chrétiens.
Des ambitions peu partagées, manifestement.
J.N. AVEC LE MAXIMUM