La coalition Lamuka, tout au moins sa branche dirigée par Martin Fayulu Madidi, un des candidats malheureux à la présidentielle 2018 en RDC, annonce une «marche de résistance patriotique». Projetée pour le 11 mars, cette manifestation est programmée pour toutes «les grandes villes» de la RDC. Objectif : «dénoncer et condamner l’agression dont notre pays est victime; dénoncer et condamner la complicité et l’incompétence du pouvoir en place dans la conduite de la guerre contre l’agression rwandaise; exiger le retrait immédiat des troupes de l’EAC de notre pays et demander aux Nations-Unies et à l’Union Africaine d’éloigner les FDLR de notre pays».
Dans un contexte politique dominé par la énième agression rwandaise contre la RDC, et qui a le don de propulser Félix Tshisekedi, président de la République et commandant suprême des forces de défense et de sécurité au four et au moulin pour y faire face devant les feux de la rampe, l’initiative du président de l’Ecidé (Engagement citoyen pour le développement) et candidat malheureux à la présidentielle de 2018 tente ainsi de se rappeler au bon souvenir des Congolais qui vont de nouveau aller aux urnes en décembre 2023, estiment des observateurs. Qui ne croient donc nullement aux motivations avancées par cet acteur politique de l’opposition qui n’a eu de cesse de revendiquer «sa» victoire à la dernière présidentielle en RDC.
Dénoncer et démobiliser
«Dénoncer et condamner l’agression rwandaise», les Congolais de tous bords et de tous acabits ne font que cela depuis plusieurs mois, sur tous les tons, à commencer par le 1er d’entre eux, le président Félix Tshisekedi qui a pris la tête de la délégation de son gouvernement à la 56ème session du conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève en début de semaine à cette fin.
Si une manifestation de plus pour mobiliser et rallumer le sentiment patriotique est sans nul doute la bienvenue, la suite des prétextes mis en avant par Martin Fayulu est contreproductive à plus d’un titre parce qu’elle annihile la motivation principale. «On ne peut pas à la fois dénoncer et condamner l’agression et démobiliser les Congolais en les opposant à ceux qui ont charge d’y faire face sous des prétextes politiciens, les uns aussi fallacieux que les autres», fait observer Jean Tabala, étudiant en relations internationales à l’Université de Kinshasa.
Les motivations politiques réelles des manifestations annoncées par le patron de l’Ecidé sont donc à chercher ailleurs. Pas très loin de la tenue dans quelques mois de nouvelles élections législatives et présidentielles, dont les préparatifs vont plutôt bon train. Lancées le 24 décembre 2022, l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs a déjà enregistré quelques 25.331.717 d’électeurs sur l’ensemble du territoire national, a annoncé, mardi 28 février 2023, Patricia Nseya, la rapporteure de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Ces statistiques représentent le cumul des trois zones opérationnelles à raison de 18.346.23, soit 98 %, pour la première zone opérationnelle ; 6.053.581, soit 39 %, pour la seconde zone opérationnelle ; et 931.901 électeurs pour la dernière aire. Même s’il ne s’agit encore que de chiffres à mi-parcours, ils n’en indiquent pas moins que le processus a pris sa vitesse de croisière et atteint le point de non-retour. Ce qui ne semble manifestement pas être du goût de tout le monde dans la classe politique congolaise, dont Martin Fayulu.
Obstruction au processus électoral
Le 24 février 2023, le parti politique du candidat malheureux à la dernière présidentielle rd congolaise s’était déjà fendu d’une communication dénonçant indistinctement l’ensemble du processus électoral en cours. « Chaque jour qui passe révèle que le processus électoral conduit par la CENI sous la direction de M. Kadima est une vaste escroquerie», avait décrété Jean-Félix Senga, un cadre du parti de Fayulu, sans avancer la moindre élaboration pouvant étayer ces accusations. L’intention de faire obstruction à un processus électoral au terme duquel il est quasiment acquis que Fayulu ne peut prétendre rafler les voix requises pour être élu président de la République est manifeste, estiment de plus en plus d’observateurs. En raison, notamment, du fait qu’à la présidentielle 2018, Martin Fayulu avait bénéficié des soutiens politiques d’acteurs politiques réunis alors au sein de la coalition Lamuka, dont le MLC Jean-Pierre Bemba et l’Ensemble pour la République Moïse Katumbi sans oublier Adolphe Muzito. Cette coalition née à Genève à l’instigation des puissances occidentales representées par Allan Doss a volé en éclat aussitôt clôturé le processus électoral qui a sanctionné la victoire de Félix Tshisekedi. «De Lamuka, il ne reste plus qu’un épouvantail que Fayulu s’est approprié», estime ce professeur de sciences pô à l’université de Kinshasa.
En réalité, Fayulu ne se fait guère d’illusions sur son avenir politique immédiat, estime-t-on encore. Au cours d’une tournée provinciale qui l’avait conduit à Kisangani dans la Tshopo en juillet 2022, le patron de l’Ecidé avait déjà donné l’impression de préparer ses partisans au pire en anticipant une contestation des résultats électoraux à venir, quels qu’ils soient. «Si quelqu’un ose encore voler ta victoire en 2023, tu n’auras pas d’autre choix que de descendre dans la rue pour la récupérer comme d’autres peuples souverains l’ont fait !», avait-il lancé à la cantonnade.
Son appel à manifester ressemble à une esquisse de répétition générale.
J.N. AVEC LE MAXIMUM