Les faits se sont déroulés dans le strict respect des convenances, sous la supervision du président de la République en personne. Même si dans l’opinion, le départ des derniers katumbistes du gouvernement Sama Lukonde était attendu depuis belle lurette. Félix Tshisekedi avait convoqué, mercredi 28 décembre 2022, une réunion extraordinaire du gouvernement, qu’il a tenu à présider en présentiel. Si l’ordre du jour des échanges n’était pas annoncé, l’opinion alertée par les médias ne s’y trompait guère et s’attendait au mieux (ou au pire, c’est selon), à un remaniement gouvernemental séance tenante. Mais il n’en aura rien été.
Selon un communiqué de la présidence de la République, Félix Tshisekedi s’est entretenu avec les ministres du gouvernement membres du parti Ensemble pour la République, concernant leur loyauté et leur engagement vis-à-vis de sa ligne politique et de sa vision en présence du Premier ministre. Trois d’entre eux, Christian Mwando (Plan), Chérubin Okende (Transports) et Véronique Kilumba (Vice-ministre à la Santé) ont présenté leur démission pour rester cohérents envers leur engagement politique dans Ensemble pour la République qui a quitté l’Union Sacrée de la Nation. Tandis que leurs 4 collègues Christophe Lutundula (Affaires étrangères), Modeste Mutinga (Affaires sociales), Muhindo Nzangi (ESU, absent de Kinshasa) et Serge Nkonde (Sports) ont réitéré leur soutien à la ligne politique et à la vision du chef de l’Etat.
En réalité, les partants auront plus que traîné les pas, à en juger par la duplicité et l’hostilité à peine voilées du leader de leur parti, Moïse Katumbi, vis-à-vis du gouvernement de coalition dont ils ont fait partie depuis sa mise sur pied il y a un peu plus de deux ans. Et dont ils partagent, logiquement le passif et l’actif.
Bilan partagé
A cet égard, Chérubin Okende, ministre des Transports démissionnaire, a poussé l’élégance jusqu’à énumérer ses réalisations à la tête de ce méga-ministère. Preuve s’il en est, notent quelque peu amusés nombre d’observateurs de l’arène politique en RDC que le bilan doit bel et bien être partagé. Parce qu’il est connu de chacun au pays de Lumumba, que candidat déclaré à la présidentielle 2023, Moïse Katumbi n’a eu de cesse de refuser de partager tout passif de ce gouvernement de l’Union Sacrée de la Nation dont il a fait partie (par ses ministres interposés) durant plus d’un tiers du mandat présidentiel de Fatshi. Cerise sur le gâteau : des sources rapportent que le ministre sortant des Transports a pris soin de placer ses hommes de confiance à des postes-clés du ministère à travers une discrète mise en place signée le 23 décembre 2022, soit 5 jours avant de démissionner.
Sur le sujet, un député national katumbiste de l’Ituri interrogé par Le Maximum dissimulait mal son embarras : «Chérubin Okende aurait dû se taire. Il n’est pas le seul à avoir réalisé de belles choses au gouvernement», pestait-il à ce sujet.
Autre sortant katumbiste du gouvernement, Christian Mwando, aura été le moins surprenant de tous. Ancien ministre Katumbi des Finances dans le gouvernement provincial du Katanga, le fils de Charles Mwando Nsimba avait trop d’atomes crochus avec l’ancien omnipotent gouverneur du Katanga, au point de lui sacrifier le parti et la base politique du Tanganyika reçus en héritage. En effet, son parti UNADEF compte parmi les formations ayant pignon sur rue au Katanga qui ont accepté de se fondre dans Ensemble pour la République de Moïse Katumbi. Dans la région, beaucoup s’interrogent encore aujourd’hui si, de son vivant, Mwando Nsimba père aurait sacrifié son œuvre sur l’autel des ambitions de l’autoproclamé prince Bayeke.
La Nation avant tout
Surtout lorsqu’on voit des acteurs politiques comme Christophe Lutundula préférer préserver l’indépendance de l’organisation politique qu’ils ont mise sur pied depuis les années ’90, même si elle peut paraître moins représentative que l’UNADEF de Mwando. Le chef de la diplomatie congolaise, nommé intuitu personae par Félix Tshisekedi au gouvernement, est resté fidèle aux engagements vis-à-vis de ce dernier, souhaitant, selon son entourage, poursuivre le service à la Nation qui lui sied comme un gant jusque-là. «On ne peut sacrifier la survie de la Nation à des ambitions qui ne se réaliseront pas si cette Nation n’existe plus», confiait-on mercredi soir dans l’entourage de cet élu de Katako-Kombe au Sankuru.
Quant à Modeste Mutinga, son adhésion à Ensemble pour la République via une des nombreuses plateformes composant ce parti ne dépassait pas le seuil de l’hostilité qu’il vouait au régime des Kabila, estiment certains observateurs. Pour lesquels c’est dans l’Union sacrée de l’opposition (du temps de Tshisekedi père), ou de la Nation (du temps du fils), que l’homme trouve chaussure à son pied. Et nulle part ailleurs.
On peut en dire autant de Muhindo Nzangi, ministre de l’ESU dont on sait depuis des lustres qu’il s’est juché à la tête d’un parti politique dont il est le président. L’homme n’a, du reste, jamais dissimulé son intention de ne jamais fondre sa base électorale au Nord-Kivu dans la masse indistincte qu’est Ensemble pour la République.
Il reste que les départs du gouvernement enregistrés mercredi 28 décembre 2022 appellent à un mini-remaniement, très attendu dans l’opinion.
J.N. AVEC LE MAXIMUM