Lithium, terres rares et cuivre sont des métaux dont l’approvisionnement est critique, à l’heure de la transition énergétique. En Afrique, les projets liés à ces ressources sont souvent développés par des entreprises australiennes ou canadiennes, avec le soutien d’entités chinoises.
Le gouvernement du Canada a mis fin la semaine dernière au partenariat qui lie trois juniors minières locales à des entreprises chinoises. Ottawa a en effet ordonné aux entités chinoises de céder leurs participations dans les trois sociétés cotées en bourse, Power Metals Corp, Ultra Lithium et Lithium Chile.
Ces trois sociétés ont en commun de posséder un ou plusieurs projets de lithium au Canada, en Argentine ou au Chili, les deux derniers pays faisant partie des plus grands producteurs mondiaux de lithium. Spécialisée dans la production de lithium, Sinomine détient 5,7 % dans Power Metals, contre 14,2 % pour Zangge Mining dans Ultra Lithium et 19,2 % pour Chengxin Lithium dans Lithium Chile.
Ces diverses participations sont complétées par la mise à disposition des fonds nécessaires aux développements des projets détenus par les juniors canadiennes, avec l’intention pour les entreprises de l’empire du milieu de sécuriser très tôt l’approvisionnement en lithium pour alimenter l’industrie chinoise des batteries électriques en plein boom.
Raisons évoquées
Pour le gouvernement canadien, cette implication des sociétés chinoises constitue donc une «menace pour la sécurité nationale [et les] chaînes d’approvisionnement en minéraux essentiels, tant à l’interne qu’à l’étranger ». Ottawa a renforcé à cet effet sa politique sur les investissements dans les minéraux essentiels (lithium, mais aussi terres rares, tantale, césium, etc.).
Il s’agit en effet de ressources considérées comme critiques, car essentielles entre autres à la production de batteries des véhicules électriques, d’appareils électroniques de pointe, ou d’équipements militaires comme les avions de chasse des Etats-Unis, pays membre de l’OTAN et allié du Canada. Et la Chine domine jusqu’à 90 % de l’approvisionnement mondial en terres rares, dispose des plus grandes usines de production de batteries électriques, mais possède également des intérêts dans plusieurs mines de lithium en Amérique latine.
Or, par le passé, cette prédominance de la Chine sur les métaux a déjà été utilisée par Pékin pour défendre ses intérêts, en l’occurrence face au rival japonais. Alors que les tensions entre Washington (et ses alliés européens ainsi que le Canada) et la Chine ont progressé ces dernières années, les premiers cités s’inquiètent plus que jamais de cette dépendance vis-à-vis de l’Empire du Milieu et tentent de la réduire en diversifiant leur approvisionnement.
Début d’un boycott plus grand ?
Pour les juniors minières concernées par la décision récente du gouvernement canadien et celles qui pourraient suivre si le Canada ne change pas de fusil d’épaule, le principal enjeu sera de trouver d’autres partenaires pour financer leurs projets.
Dans le secteur minier, les entreprises appelées juniors ont souvent besoin de nouer des partenariats avec des sociétés disposant de plus de moyens financiers pour développer jusqu’au bout les projets sur lesquels elles travaillent. Si elles ne peuvent pas trouver ce financement, certaines juniors prennent simplement la décision de vendre le projet après les premiers travaux d’exploration.
En Afrique l’année dernière, plusieurs accords entre des juniors australiennes et des entreprises chinoises ont par exemple été signés pour exploiter du lithium au Mali et en RDC. C’est le cas du projet malien Goulamina de l’australien Leo Lithium financé par le chinois Ganfeng et du projet Manono de l’australien AVZ cofinancé par les chinois Ganfeng Lithium (à nouveau) et Suzhou CATH Energy Technologies.
Dans la période pourtant, des tensions commerciales opposaient les deux pays d’origine de ces entreprises (Australie et Chine), mais aucun des deux gouvernements n’a pris de mesures contre ces accords miniers. Cependant, Canberra a déjà empêché le chinois Yibin Tianyi de prendre une participation dans AVZ Minerals en avril dernier, bloquant de la même façon un investissement similaire du groupe public chinois Baogang dans Northern Minerals, société active sur un gisement de terres rares en Australie-Occidentale.
A ces tensions commerciales qui ont perdu en intensité cette année, il faut en effet désormais ajouter les tensions géopolitiques, liées au rapprochement entre l’Australie et les Etats-Unis. Le premier a notamment rompu en 2021 un accord d’achat de sous-marins nucléaires auprès de la France pour s’approvisionner auprès du second, prélude à d’autres accords de vente d’armes signés entre les deux pays ces derniers mois.
Si ces tensions entre pays aux intérêts divergents s’aggravent, il n’est pas à exclure qu’à l’avenir les autorités australiennes poursuivent, avec le Canada et les Etats-Unis, leur bras de fer géopolitique sur le terrain des métaux stratégiques, dont le lithium et les terres rares, avec potentiellement des conséquences sur les pays producteurs africains.
Ce sont des ressources que l’Afrique possède et se prépare à exploiter de façon plus significative. Selon la base de données Ecofin Pro qui compile 25 projets de lithium en Afrique, 15 sont opérés par des entreprises australiennes et 3 par des entreprises canadiennes.
JM