Le discours de Félix-Antoine Tshisekedi, président de la RDC, du haut de la tribune de l’Assemblée générale des Nations-Unies à New-York mardi 20 septembre 2022 n’a laissé personne indifférent. En interne, l’approbation est quasi-unanime en dépit du persiflage d’un député PPRD (opposition) évoquant «un discours populiste pour attroupements de parlementaires debout à la place d’une adresse diplomatiquement stratégique», un commentaire relevant manifestement d’une envieuse saillie rituelle. A l’étranger, l’appui des plénipotentiaires belges et polonais notamment indique que le parler-vrai du chef de l’État congolais commence à payer.
Décryptant son message à la faveur d’une interview accordée le lendemain à Marc Perelman de France 24 et Christophe Boisbouvier de RFI, Félix Tshisekedi a lui-même qualifié sa prestation de «cri de vérité pour que le monde entier sache ce qui se passe réellement, et qu’on arrête avec cette hypocrisie afin d’aborder le problème dans son entièreté. C’est ce que j’ai fait».
C’est dans le cadre d’un véritable marathon pour le retour de la paix dans son pays que Tshisekedi a placé son dernier déplacement au siège de l’ONU, une paix, a-t-il prévenu, que «les Congolais sont déterminés à ramener à l’Est de leur pays quel qu’en soit le prix ». Sa stratégie à cet égard consiste à dire aux uns et aux autres la vérité que d’aucuns ici méconnaissent délibérément, ou refusent d’entendre, afin que nul ne l’ignore lorsque, en désespoir de cause, les Congolais s’assumeront pour éradiquer définitivement la source des agressions récurrentes dont ils sont les victimes depuis près de trois décennies. Le thème central de cette session de la structure faîtière de l’organisation mondiale «un tournant décisif : des solutions transformatrices face à des défis intriqués» était suggestif quant à ce. Prenant au mot la communauté des Nations, le N°1 congolais estime que le tournant pour son pays ne peut être négocié qu’en regardant la vérité en face et en tirant toutes les conséquences de fait et de droit qui en découlent.
Autopsie
Dans son autopsie des crises globales qui traversent les temps présents, Félix Tshisekedi a, en liminaire, subliminalement établi un lien entre la situation de l’Ukraine ployant sous les coups de boutoir de l’armée russe et celle de la RDC harcelée depuis de longues années par la principauté militaire installée à Kigali et qui fait main basse sur le Congo avec l’appui d’un cartel tirant les ficelles à partir de l’hémisphère Nord de la planète. Dans son allocution, le président indique très diplomatiquement que les nations civilisées qui disent intervenir en Ukraine à la suite d’une agression caractérisée de ce pays ne devraient plus cautionner les incursions du Rwanda en RDC qui se déroulent au nez et à la barbe de la communauté internationale sur la foi de multiples rapports documentés aussi bien d’ONG internationales que d’experts commis par le Conseil de sécurité de l’ONU. Il a clairement mis en relief l’ambiguïté d’une force onusienne de maintien de la paix, la plus onéreuse au monde, déployée depuis 23 ans sans infléchir tant soit peu la dégradation constante de la situation sécuritaire dans ce pays où, bon an, mal an, des industries du Nord continuent à s’approvisionner en métaux rares…
Ce fait à lui seul explique la suspicion légitime d’une population congolaise qui, excédée par tant de mauvaise foi, plaide pour l’accélération du retrait de la mission onusienne. L’étrange déclaration du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avouant l’impuissance des casques bleus face à un agresseur qu’il n’a même pas eu le courage de nommer clairement est une indication de l’inutilité de la MONUSCO, de son équipement et de son personnel dispendieux qui seraient bien plus indispensables entre d’autres mains pour la stabilisation du Congo-Kinshasa.
Félix-Antoine Tshisekedi et son gouvernement ont tout tenté pour amener les phalanges bellicistes rwandaises à cohabiter pacifiquement avec la RDC. En vain jusqu’à ce jour car, dans l’univers mental de son homologue rwandais Paul Kagamé, la violence apparaît plus rentable que le respect des principes élémentaires du droit international, fondés sur la paix et le bon voisinage. Méprisant consciemment tous les avantages économiques et sécuritaires accordés à son pays par le Congo en échange de la paix, Kagamé s’évertue en effet à parier sur l’impossible annexion, ou la vassalisation, des territoires de l’Est congolais grâce à une grossière instrumentalisation des atavismes et une manipulation outrancière de quelques associations de malfaiteurs étrangers et locaux comme le M23, coupables de crimes de guerre, à l’instar de la destruction d’un hélicoptère de la MONUSCO qui a coûté la vie à huit soldats de la paix. «Je dénonce, en ce lieu emblématique de la vie internationale, avec la dernière énergie, cette énième agression dont mon pays est victime de la part de son voisin, le Rwanda, sous couvert d’un groupe terroriste dénommé M23», a bûcheronné le président congolais, déterminé à mettre fin «aux sempiternelles dénégations des autorités rwandaises à ce sujet», avant de sommer la France qui assure la présidence tournante du Conseil de sécurité de «rendre public le dernier rapport des experts de l’ONU sur la situation sécuritaire à l’Est de la RDC et de le faire examiner avec diligence afin d’en tirer toutes les conséquences qui s’imposent sur le plan du droit, de la paix et de la sécurité internationale».
Alibis fallacieux
C’est le prix à payer pour la crédibilité du système des Nations-Unies aux yeux du peuple congolais, a alerté Félix Tshisekedi, agacé par le fallacieux alibi de la présence des rebelles rwandais des FDLR en terre congolaise qui justifierait les incessantes promenades militaires sanguinaires rwandaises au Congo. En vérité, 28 ans après le génocide rwandais, non seulement la quasi-totalité de ces rebelles hutus rwandais ont été systématiquement anéantis par le Rwanda dont les forces ont opéré pour les éradiquer pendant des années sur toutes les régions de l’Est du pays, unilatéralement mais aussi conjointement avec les troupes régulières congolaises. Il est en effet de notoriété publique que ces nombreuses opérations ont eu pour effet d’annihiler toutes les capacités opérationnelles des FDLR au point que jamais elles ne sont parvenues à occuper un seul mètre carré du territoire rwandais depuis 1994. Du reste, ne constituant plus une menace pour leur pays d’origine, les groupes résiduels de ces dissidents rwandais qui ont échappé au rouleau compresseur auquel la RDC s’était prêtée de bon cœur, sont au contraire devenus une nuisance sérieuse pour la sécurité des populations rurales congolaises livrées à leur merci, nécessitant des offensives des FARDC, paradoxalement gênées du fait de l’agression planifiée par Kigali et ses affidés comme le M23.
Droit d’exploiter
Abordant l’apport de la RDC à la lutte contre le dérèglement climatique grâce à ses gisements de nickel, cobalt, lithium et manganèse susceptibles de participer à la fabrication notamment des voitures ‘’propres’’, Félix-Antoine Tshisekedi a balayé du revers de la main la polémique stérile créée par quelques ONG internationales qui tentent de dénier au peuple congolais son droit légitime d’exploiter son potentiel gazier et pétrolier dans le respect des normes environnementales. Pour lui, l’époque de telles menaces comminatoires frisant un certain racisme primaire est révolue. La RDC exploitera bel et bien son gaz et son pétrole comme tout autre pays disposant de telles ressources, afin, d’une part, d’assurer son indépendance énergétique, et d’autre part, de renflouer le matelas de devises étrangères dont elle a besoin pour financer son développement.
Pour un monde réconcilié avec lui-même, Tshisekedi a exhorté son auditoire à prendre en compte le caractère irrémédiablement multipolaire du monde au risque de susciter ci et là des conflits de haute intensité comme celui qui se déroule actuellement en Ukraine. Une façon comme une autre de mettre en garde contre la pax americana et l’européocentrisme qui se heurtent aux intérêts des pays émergents comme les BRICS ou ceux de l’Organisation de coopération de Shangaï, créant ainsi un environnement international incertain. Conséquence logique : la nécessité d’ériger l’Afrique comme une zone tampon entre ces blocs antagonistes en gestation. D’où la réitération par le président Tshisekedi de la demande d’attribution à ce continent de deux sièges supplémentaires de membres non permanents et deux sièges de membres permanents avec droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU.
Vague fédératrice
C’est donc auréolé par une posture de père de la nation que Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo revient de son périple new-yorkais où il semble avoir fait un sans-faute en conjurant devant le monde la longue épiphanie de la désespérance du peuple congolais qui entend désormais s’assumer seul face à l’Histoire. En témoigne, le silence gêné de ses habituels contempteurs. L’opposant Constant Mutamba de la Dynamique progressiste de l’opposition (DYPRO) l’avoue en affirmant que «Tshisekedi a dit ce qu’il fallait dire, quand il fallait le dire, et où il fallait le dire».
Il reste au chef de l’État congolais à surfer avec détermination sur cette vague fédératrice pour, sans coup férir, prendre en politique intérieure les décisions qui s’imposent dans les tous prochains jours pour la bonne marche du pays vers son émergence.
JBD AVEC LE MAXIMUM