«Sanctuaire maï-maï». C’est ainsi qu’un porte-parole FARDC avait qualifié Butembo, la capitale économique du Grand Nord-Kivu, le 10 août 2022, après l’attaque suivie de la spectaculaire évasion de quelques 800 détenus de la prison de Kakwangura. Plus d’un mois après l’exploit signé par les terroristes ADF bénéficiant à l’occasion de la collaboration des maï-maï Kyandenga, la situation sécuritaire ne s’est pas notablement améliorée dans la ville située à une cinquantaine de km de Beni, la capitale administrative de la même région du Nord-Kivu.
Dimanche 18 septembre 2022, les FARDC ont annoncé l’arrestation de Jean-Baptiste Kupaku alias Kyandenga, le chef des maï-maï du même nom, qui ne dissimulent nullement leur collaboration avec les terroristes ougandais de l’ADF. Le capitaine Anthony Mualushayi, porte-parole des opérations Sokola 1, qui a livré l’information à la presse assure que 10 combattants, membres de la garde rapprochée du chef maï-maï ont également été pris. Ils avaient été surpris alors qu’ils planifiaient des opérations de massacres à Butembo.
Traqués par la coalition FARDC-UPDF depuis fin novembre dernier, les ADF ont déserté la plupart de leurs sanctuaires dans la région de Beni et se sont repliés vers l’Ituri voisin d’où ils organisent des raids meurtriers contre les populations civiles. Cette fois-ci, avec l’aide des supplétifs locaux, à l’instar des maï-maï Kyandenga. Le nouveau groupe armé supplétif des terroristes ougandais est signataire d’accords de collaboration avec les ADF avec lesquels il coordonne les attaques ciblées contre les civils dans la région de Beni et en Ituri, selon des sources sécuritaires.
L’escalade de la violence dans la capitaine économique du Grand Nord-Kivu, y compris contre les casques bleus de la MONUSCO, n’était donc pas un fait du hasard, notent les observateurs.
Perquisition à Kakwangura
Mardi 13 décembre, les forces de sécurité (FARDC-PNC) avaient lancé une vaste opération de perquisition de la prison centrale de Kakwangura au terme de laquelle 17 téléphones portables, 5 appareils talkie-walkie de marque Motorola et un chargeur, ainsi que des armes blanches ont été découvertes et récupérées. Preuve, selon le commandement urbain de la Police nationale congolaise (PNC) qu’une nouvelle attaque de Kakwangura était en gestation. «Nous sommes venus ici pour la fouille de la prison après avoir reçu des informations faisant état d’une attaque imminente. Des assaillants qui projettent une attaque sont en communication avec des prisonniers», a déclaré aux médias le commandant PNC de la ville de Butembo.
Le 10 août 2022, une attaque spectaculaire de la prison centrale de Kakwangura par des terroristes ADF soutenus par les maï-maï Kyandenga avait occasionné l’évasion de 815 détenus et la mort de 6 éléments FARDC et de la PNC. Une première dans cette partie de la province du Nord-Kivu qui avait déjà enregistré une flambée de violences terroristes, quelques semaines plus tôt.
Au cours de manifestations contre la mission des Nations-Unies en RDC, lancées le 25 juillet 2022 à partir de Goma, 3 casques bleus (2 policiers et 1 soldat). Au cours des mêmes incidents, l’armée avait déploré l’incendie de 3 de ses véhicules ainsi que la perte de 8 armes de guerre ravies par des manifestants en furie qui leur reprochaient pêle-mêle leur «indolence» face aux agressions subies par les populations civiles, des propos d’un porte-parole militaire traitant dénonçant la complicité des populations civiles dans l’attaque de la prison de Butembo. Le capitaine Anthony Mwalushayi avait qualifié Butembo de sanctuaire maï-maï après l’attaque de la prison de la ville. Ce que les faits n’ont nullement démenti.
Sanctuaire maï-maï
Le forfait commis, les assaillants avaient pillé des ménages et des boutiques dans les villages de Bunyuka, Vutondi, Kasitu et Isonga. Pourchassés aussi bien par les populations décidées à «se prendre en charge», les ravisseurs furent obligés de libérer quelques otages. 2 jours après l’attaque de la prison de Kakwangura, la ville n’était pas à l’abri d’une nouvelle insurrection généralisée. «La situation est hors contrôle, le mariage entre militaires et civiles est complètement rompu. Nous sommes à un pas d’une guerre civile», s’alarmait, le 13 août, Damien Muherya, un internaute du Nord-Kivu. Le même jour, un communiqué du gouvernement provincial dénonçait encore «des actions criminelles orchestrées contre les forces de défense et de sécurité, avec d’énormes pertes matérielles et en vies humaines» sous prétexte de manifestations pacifiques anti-MONUSCO.

L’arrestation de Jean-Baptiste Kupaku dit «Kyandenga» n’a pourtant pas encore ramené paix et quiétude à Butembo. Loin s’en faut. Dans la nuit du dimanche à lundi 19 septembre 2022, deux personnes ont été tuées par des hommes armés non autrement identifiés. Jacques Bayahi Kindyate, chef de la cellule Vukonderya au quartier Kamesi Mbonzo, a été assassiné vers 21 h locales, à quelques mètres de son domicile. Une heure plus tard, vers 22 h locales, un taximan de Mulemya, une cellule du quartier Kyaghala a été décapité dans une parcelle voisine de son habitation par des assaillants tout aussi peu identifiés.
J.N. AVEC LE MAXIMUM