Plus de doute. L’attaque armée qui cible les Forces armées de la RDC (FARDC) au Nord-Kivu et qui a été relancée après un court répit lundi 1er août 2022 entraînant de nouvelles pertes en vies humaines et des déplacements massifs de populations est bien le fait d’éléments des Rwanda Defence Force (RDF) du président Paul Kagame. Fin juillet 2022, l’United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA), estimait à près de 200.000 le nombre de personnes contraintes à quitter leurs villages en quête de lieux plus ou moins sécurisés. Un nouveau rapport d’experts indépendants onusiens au Conseil de sécurité, qui tarde à être publié officiellement confirme qu’en dépit du cessez-le-feu convenu le 6 juillet avec son homologue congolais Félix-Antoine Tshisekedi lors du mini-sommet tripartite organisé à Luanda sous les auspices de l’Angolais Joao Lourenço, le N° 1 rwandais et ses phalanges appliquent toujours la méthode fasciste du « talk and fight » qui leur a permis de contourner les accords d’Arusha pour capturer par la force le pouvoir d’État à Kigali il y a près de trois décennies. La tripartite de Luanda n’a les a pas dissuadé dans leur agression dans les territoires de Rutshuru et Nyiragongo (Nord-Kivu).
Ainsi, comme Bunagana auparavant, les localités de Kanombe, Nyesisi et Rubumba sont occupées depuis mercredi 3 août par des éléments RDF fraichement rentrés de la mission onusienne de paix au Darfour (Soudan) qui instrumentalisent le M23, une fiction incarnée par un certain Bertrand Bisimwa conçue par le Congo-Desk de Kigali et dont un porte-voix se répand dans les médias et réseaux sociaux pour exiger « des négociations avec le gouvernement congolais ».
Défaits en 2013 par les FARDC, ces supplétifs des troupes rwandaises avaient rejeté l’amnistie offerte par les autorités congolaises, préférant ronger leur frein en écumant des hameaux congolais frontaliers de l’Ouganda et du Rwanda riches en pyrochlore, niobium et colombo-tantalite (coltan) pour donner une couleur locale à cette énième agression perpétrée par le régime prédateur de Kigali contre la RDC. « La stratégie de l’ennemi est d’asphyxier la ville de Goma, une ville de plus d’un million d’habitants, en la coupant de ses voies d’approvisionnement dans la région », déclare un officier congolais.
Le 26 mai, Rumangabo avait déjà été la cible d’une soudaine attaque des RDF, repoussée par les FARDC. Des sources locales avaient signalé la présence de plusieurs colonnes de soldats rwandais qui avaient franchi la frontière à Kasizi en empruntant l’axe Hehu-Kiroje-Kibiriga en passant par Kingarame au nez at à la barbe de la MONUSCO qui s’était confiné dans le silence. Comme la veille lorsqu’un communiqué des forces loyalistes congolaises avait signalé « plus de 20 obus et bombes tirés de l’Est vers l’Ouest de l’axe routier Goma-Rutshuru qui (avaient) explosé mardi 24 et mercredi 25 mai sur le territoire congolais à Katale ».
A Kibumba d’où furent délogés les agresseurs après d’âpres combats, des effets militaires abandonnés sur le champ des affrontements attestaient pourtant de l’implication directe de l’armée rwandaise : un mortier 60 mm, un AK 81, des roquettes antitanks, une chaîne de munitions PKM, des lunettes de vision nocturne etc. qui n’étaient jusque-là utilisés ni par les FARDC ni par les prétendus ‘’rebelles du M23’’.
Dans son rapport au Conseil de sécurité de l’ONU, fin juin 2022, Mme Bintou Keïta, cheffe de la MONUSCO se contenta de déclarer que « le M23 s’est comporté de plus en plus comme une armée conventionnelle que comme un groupe armé (et) dispose d’une puissance de feu et d’équipements de plus en plus sophistiqués, notamment en termes de capacités de tirs à longue portée de mortier et mitrailleuse, ainsi que de tir de précision sur des aéronefs ». Pas la moindre allusion à l’armée rwandaise « dont la présence était pourtant aussi visible que le nez au milieu du visage », selon la société civile locale. Une observation confirmée par le dernier rapport des experts onusiens selon lesquels « l’armée rwandaise (RDF) a lancé des interventions militaires contre des groupes armés congolais et des forces armées congolaises depuis novembre 2021 jusqu’en juin 2022 ». Les experts présentent des preuves accablantes, notamment des photos de soldats rwandais dans un camp du M23, des images de drones montrant des colonnes de centaines de soldats marchant près de la frontière rwandaise et des combattants du M23 avec de nouveaux uniformes et équipements similaires à ceux de l’armée rwandaise. Leur rapport qui a fuité indique noir sur blanc que « des combattants du M23 et des troupes rwandaises ont conjointement attaqué le site de Rumangabo, après que les troupes rwandaises soient entrées en RDC la veille » et que « environ 1.000 soldats rwandais ont coupé la route principale menant vers la capitale provinciale Goma, un important centre commercial à la frontière rwandaise, et ont attaqué des positions congolaises ».
Avec un rare cynisme, le gouvernement du président Paul Kagame par son porte-parole Yolande Makolo a choisi de botter en touche en déclarant ne pas vouloir répondre à ces accusations au motif que « le Rwanda n’est pas concerné par la crise congolaise qui est interne (et que) le rapport des experts onusiens n’a été ni publié ni validé par le Conseil de sécurité encore validé ». On peut rappeler à cet égard qu’il y a dix ans, l’armée rwandaise et ses affidés avaient, usant de la même rhétorique sophiste, occupé et pillé de fond en comble la ville de Goma. Le 4 août 2022, Kinshasa s’est félicité du travail du groupe d’experts mandatés par les Nations-Unies. « Des membres des Forces rwandaises de défense ont bel et bien fourni des armes, des munitions et des uniformes au M23 et ont mené des attaques conjointes avec le mouvement terroriste en mai dernier à Rumangabo », peut-on lire dans le très euphémique communiqué du ministre Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement congolais, qui appelle le Conseil de sécurité à condamner cette agression et à « en tirer toutes les conséquences afin d’obtenir le retrait du M23 des localités occupées ». Wait and see.