Onze députés nationaux et un sénateur du Sankuru, province natale du Héros national Patrice Lumumba ont tenu à honorer particulièrement leur précurseur en participant à la partie traditionnelle des funérailles en mémoire de ce dernier à Lumumbaville où ils se sont rendus en compagnie du représentant personnel du chef de l’Etat, l’honorable Christophe Mboso N’kodia Mpuanga, président de l’Assemblée nationale. Introduit par le sénateur Léonard She Okitundu, leur président, Lambert Mende Omalanga y a pris la parole pour appeler la population du Sankuru et de la RDC à s’imprégner des enseignements impérissables légués par celui qu’il a appelé «notre maître et notre inspirateur». Ci-dessous, l’intégralité de cette communication.
Quiconque a cru que le combat de Patrice Emery Lumumba pour l’émancipation s’était arrêté avec son brutal assassinat le 17 janvier 1961 a eu tort. Cette cérémonie apporte la preuve national que notre Héros national qui symbolise la dignité et l’humanité des africains continue à hanter aussi bien ceux qui le firent passer de vie à trépas que ceux pour qui il avait consenti ce sacrifice suprême.
Nous, qui sommes aujourd’hui en charge de représenter le peuple congolais qui vit au Sankuru au niveau de l’Assemblée nationale, trouvons dans ce don de soi de celui que nous célébrons aujourd’hui une raison d’intérioriser son enseignement en vertu duquel le développement et le mieux-être d’un pays ne peuvent pas faire l’économie du patriotisme et des valeurs altruistes morales qui ne procèdent pas d’une génération spontanée.
Que notre Maître et Inspirateur ait ainsi payé le prix de sa vie pour ces valeurs ne le rend que plus grand aux yeux de ses frères et compatriotes que nous sommes. Les humiliations, les atrocités indicibles subies par Patrice-Emery Lumumba et l’héroïsme dont il a fait montre tout au long de sa brillante carrière politique doivent être enseignés avec fierté aux générations contemporaines et futures des Congolais si nous voulons faire de la RDC une nation forte, respectable et respectée.
Parmi les principales leçons à tirer de l’héritage politique que nous a légué Lumumba, on, retiendra principalement la perspicacité et le caractère prémonitoire de son regard sur la société. Ainsi, avant même d’être appelé à la tête du premier gouvernement démocratique du Congo indépendant, il avait mis en garde contre le projet de balkanisation dans lequel l’actualité nous projette aujourd’hui, plus de six décennies après sa disparition. Lumumba était donc un prophète dont nous ferions mieux d’approfondir la pensée.
Si Lumumba a osé braver les puissances coloniales qui dominaient l’espace géopolitique global de son temps, ce n’était pas pour sa convenance et sa réussite personnelles, loin s’en faut. Il avait agi pour l’honneur, pour la dignité et la grandeur de son peuple.
Cet homme exceptionnel dont nous finissons le deuil plus de soixante ans après son assassinat sur lequel tout n’a pas encore été dit, a surgi parmi nous, ici chez nous dans un océan d’externalités négatives, comme une étoile filante. Pour nous dire que le salut des peuples déshérités sur cette terre réside dans la participation responsable de tous et de chacun à l’effort pour le développement et l’émergence. Il a pour cela démystifié de manière décomplexé l’idéologie colonialiste et néocolonialiste raciste. Il a dénoncé sans relâche toutes les formes d’injustices charriés par le choc du pot de terre et du pot de fer que fut la colonisation du Congo, un choc de nature violente, chaotique et même apocalyptique. Il s’est inscrit en faux avec panache contre les pratiques dévastatrices, cruelles et prédatrices qui s’ensuivirent. Il a refusé de prêter le flanc à la falsification de l’histoire du Congo et du continent noir tout entier à laquelle collaborèrent beaucoup d’acteurs politiques et sociaux de son temps qui ont banalisé le schéma d’aplatissement et de légitimation de l’entreprise de dépossession des Congolais par la colonisation.
Il a fustigé les accords léonins imposés par les anciennes métropoles coloniales qui ne faisaient qu’aggraver notre à l’égard de ces dernières et l’infantilisation de tout un peuple.
C’est la détermination de Patrice Lumumba à fixer des modalités claires d’un développement endogène de son peuple qui a provoqué le courroux des suprématistes occidentaux.
Cette manifestation mémorielle inédite tombe à point nommé et nous en sommes reconnaissants à la famille biologique de notre Héros national et au Président Félix Tshisekedi qui l’ont rendu possible. Elle incite les législateurs que nous sommes à changer de paradigme dans l’acception même du pouvoir politique qui devrait être entendu comme une opportunité permettant à nos communautés autochtones de définir leur situation et les priorités de l’action publique en pleine autonomie sur pied de leurs besoins sociopolitiques, économiques et culturels. C’est le lieu également de revisiter de fond en comble le système éducationnel dans notre pays, fruit d’un mimétisme culturel dans lequel des générations entières de compatriotes s’enfoncent inexorablement.
Le martyre de Patrice)Emery Lumumba et le retentissement qu’il a eu aux quatre coins du monde démontrent, si besoin en était encore, que l’exercice du pouvoir politique implique une lourde responsabilité qui ne doit pas être assimilé à un banal concours de mode. Pour les Congolais, cet exercice rime avec la capacité de résister farouchement à l’exploitation, à la domination, aux violations des droits humains et aux injustices structurelles qui n’apportent rien au pays et à ses populations. Il met en relief l’indispensable nécessité d’une rupture radicale avec la gouvernance paternaliste qui est de toute évidence frappée d’une irrémédiable obsolescence.
Le tintamarre souvent disproportionné qui entoure certaines libéralités cosmétiques et quasi-microscopiques des puissances qui ont plombé le décollage du Congo en neutralisant, puis en éliminant physiquement Patrice-Emery Lumumba cache mal la réelle motivation de leurs gestes qui est, d’une part, de trouver une solution à la précarisation des emplois chez eux et, d’autre part, de raffermir le contrôle qu’ils peuvent exercer sur leurs cibles. L’objectif final est d’émasculer politiquement nos communautés ainsi livrées pieds et poings liés à l’arbitraire d’une nouvelle « mission civilisatrice ». Dans cette optique, tout effort de promotion de la résilience des autochtones est regardé par eux comme un insupportable défi.
Pour conclure, nous invitons les élites congolaises en général et sankuroises en particulier à élever leur conscience politique au niveau de celle de notre Héros National Patrice-Emery Lumumba qui mérite, en plus de ces honneurs posthumes que nous lui rendons ce jour dans sa terre natale d’être érigé en modèle pour les générations présentes et futures.