Retrait du M23 contre la neutralisation des FDLR
Précédée par d’âpres négociations entre experts congolais et rwandais, la tripartite Angola-RDC-Rwanda tenue mercredi 6 juillet 2022 à Luanda semble n’avoir accouché que des revendications réciproques des belligérants. Même si à l’issue du sommet, les trois chefs d’Etats se sont pliés à la formalité d’usage, de rendre compte au cours d’une conférence de presse conjointe de leurs impressions sur les négociations.
Selon une dépêche de Angop, l’agence de presse officielle angolaise, Félix Tshisekedi et Paul Kagame ont salué les efforts de leur homologue Joao Lourenço pour améliorer les relations entre les deux pays et souligné que la crise actuelle aggravait la détérioration de la situation militaire à l’Est de la RDC autant que le bien-être des communautés locales.
Déclarations
Le président rwandais Paul Kagame a jugé «satisfaisants» les résultats de la rencontre, qui fournissent selon lui la base d’une entente entre son pays et la RDC et serviront de principe à la normalisation des relations entre les deux peuples. Tandis que le président Félix Tshisekedi de la RDC a estimé que les efforts de Joao Lourenço «contribuent à l’apaisement des tensions entre son pays et le Rwanda», selon la même source. Pour le chef de l’Etat congolais, la tension entre les deux pays est «inutile» car elle constitue «un facteur de déstabilisation qui ne contribue pas au développement et au bien-être des peuples et des communautés respectives». D’où la nécessité, selon lui, d’avancer pour sortir de la crise et restaurer la confiance entre les dirigeants afin d’envisager l’avenir des deux pays en particulier et de la région en général.
Pour sa part, l’hôte du sommet de mercredi, Joao Lourenço, s’est montré plus enthousiaste en se déclarant « heureux d’annoncer que nous avons fait des progrès puisque nous avons convenu d’un cessez-le-feu. Les deux parties se sont également entendues sur le retrait immédiat des positions occupées par le M23 dans l’Est de la RDC», lit-on encore sur une nouvelle dépêche d’Angop datée du 6 juillet 2022. Le n° 1 angolais a également annoncé que les deux parties ont décidé de créer un mécanisme d’observation ad hoc qui aura à sa tête un officier général angolais et fonctionnera simultanément avec celui déjà en place de la CIRGL.
Le M23 c’est Kigali
Cessez-le feu et retrait du M23 de toutes ses positions en RDC obtenu au terme de négociations avec le Rwanda apparaissent comme une reconnaissance de la paternité du mouvement terroriste par Kigali, dénoncée sur tous les tons par la partie congolaise. Et donc aussi comme une victoire de la RDC à l’issue de cette rencontre.
Dans un communiqué sur son compte twitter, la présidence congolaise conforte cette impression en précisant que «le sommet (de Luanda, ndlr) visait à restaurer la confiance entre les deux pays voisins». Mais aussi que «la tripartite a décidé d’un processus de désescalade entre la RDC et le Rwanda. Cet objectif se fera graduellement via une feuille de route dite de Luanda axée sur le relance de la commission mixte RDC-RWANDA qui ne s’était plus réunie depuis plusieurs années (composée de militaires, elle avait été instaurée par les deux chefs d’Etats en 2020 pour, notamment, partager les informations avec des officiers rwandais installés à Goma pour suivre les mouvements des FDLR et autres opposants rwandais, ndlr). Cette commission va tenir sa première rencontre le 12 juillet prochain à Luanda en Angola. Le feuille de route stipule notamment une volonté de normalisation des relations diplomatiques entre Kinshasa et Kigali. Elle prévoit aussi la cessation immédiate des hostilités et le retrait immédiat et sans condition du M23 de ses positions en RDC. La feuille de route stipule que toute exploitation des ressources naturelles doit se faire dans le strict respect de la souveraineté des Etats».
Le point 2 de la feuille de route de Luanda relatif aux actions à mener par la CIRGL et son président prévoit, en effet, de «prévenir la violation de l’intégrité territoriale et assurer le respect des engagements pris par les États de la CIRGL à cet égard ; Prolonger le mandat du mécanisme de la CIRGL en renforçant son rôle et ses moyens d’action pour lui permettre d’effectuer a priori le suivi, la prévention et l’enregistrement de toutes actions susceptibles de compromettre la mise en œuvre».
Kigali sauve ‘‘ses’’ FDLR
Seulement, ce n’est pas tout à fait ce qu’en rapporte Kigali qui pour sa part, s’évertue à tirer les draps de son côté en dépit des évidences. Un tweet de la Rwanda Broadcasting Agency (RBA) rapporte que «le sommet tripartite de Luanda sur la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC s’est conclu par une feuille de route convenue pour désamorcer les hostilités, qui comprend la résolution de la question des FDLR tandis que la question du M23 doit être traitée au niveau régional, dans le cadre du processus de Nairobi».
C’est également ce que stipule la fameuse feuille de route de Luanda qui, en son point 1 relatif aux actions à entreprendre (par la RDC, le Rwanda, la CIRGL et l’EAC), ajoute à l’obligation de retrait immédiat du M23 de ses positions en RDC «la neutralisation des FDLR et ses groupes dissidents (CNRD, FLN, RUD-Urunana, FPPH-Habajyarugamba) qui sont à l’origine des tensions entre le Rwanda et la RDC et jouent un rôle majeur dans l’insécurité de la RDC afin de faire cesser complètement la menace à la sécurité; la création des conditions nécessaires au retour des réfugiés» et exhorte à «combattre les discours de la haine et le langage offensant dans la région par toutes les parties».
En échange du cessez-le-feu immédiat et du retrait du M23 de ses positions en RDC, Kigali s’est donc menagé son éternel motif d’intrusions en territoire de son voisin congolais : la nébuleuse FDLR-Génocidaire que Kagame n’a eu de cesse de recycler ces dernières années.
En définitive, Luanda n’aura servi qu’à la reconnaissance par Kigali que le M23 n’est que sa créature. La communauté internationale devrait s’en saisir pour condamner formellement cette principauté militaire avide des ressources économiques de la RDC.
J.N